AMINATA GNINGUE, FEMME DU SÉNÉGALAIS TUÉ EN ITALIE: «Le policier a tué toute une famille»

Aminata connue sous le non de Collé Gningue n’a que 32 ans. Elle est l’une des deux épouses de Cheikh Mory Diouf, le Sénégalais abattu en Italie par un policier. Le cœur meurtri, Mme Diouf, qui se trouve à Diourbel chez la famille de la victime, a accepté de se confier à l’Obs. Pour revenir sur les derniers mots prononcés par son défunt mari. Elle a surtout souhaité que ce qui lui est arrivé n’arrive plus à aucune famille sénégalaise.

Quand est-ce que vous avez été informé du décès de votre mari ?

C’est le samedi qu’on a été informé de son décès. Mais quand on nous a appelés au début, on nous a dit qu’il avait un accident. Ensuite on nous a même dit qu’il est décédé à la suite d’une courte maladie. Les gens cherchaient à nous cacher la vérité. Mais c’est après qu’on a eu la vérité des faits.

Qu’est ce que vous faisiez lorsque la mauvaise nouvelle est tombée ?

Ce jour-là, c’est moi qui devais cuisiner. Car je vis dans la même maison que la mère de mon époux et ma coépouse. J’ai été très choquée par l’annonce du décès de mon mari. Comme vous pouvez l’imaginer, on a tous reçu un choc, car on ne nous a pas annoncé sa maladie et du jour au lendemain on nous appelle pour nous dire qu’il est mort. On a été très choqué.

Où avez-vous connu votre mari ?

C’est mon cousin en même temps mon mari. Donc je l’ai connu chez ma tante. On est de la même famille, et c’est d’ailleurs mon père qui est parti demander la main de sa première femme.

Quand est-ce que vous vous êtes mariés ?

On s’est marié en 2000.

Comment était votre mari quand vous l’avez connu ?

On s’est connu chez ma tante. Ce qui m’a le plus frappé chez lui c’est son commerce facile. En plus de ça, c’était un homme de paix. Il avait la paix avec tout le monde. Il aimait discuter et était très sympathique. C’était un homme de paix (elle se répète).

Avez-vous eu des enfants avec M. Diouf ?

Oui. On a eu des enfants.

Combien s’il-vous plait ?

On a eu deux enfants. Il y a Baye Lathe qui est âgé de 8 ans et Baye Ablaye qui est âgé de 6 ans. C’est vrai que cela fait longtemps que je ne l’ai pas vu, mais il appelait régulièrement pour savoir ce qui se passe, et pour s’enquérir de sa petite famille.

A part sa petite famille, qu’est ce qu’il représentait pour les siens ?

Il était le seul soutien de sa famille. Il a certes des frères, mais ces derniers ne travaillent pas. Pourtant, ils sont très braves, car ne trouvant pas du travail, ils se sont transformés en marchands ambulants à Dakar. Donc mon mari constituait la principale source de revenu de la famille. Non seulement il s’occupait de sa famille directe, mais il s’occupait aussi de ses demi-frères.

Quand est-ce que vous l’avez vu pour la dernière fois ?

Cela fait trois ans qu’on ne s’est pas vu.

Depuis tout ce temps, vous n’avez pas eu de ses nouvelles ?

Non au contraire. Pas plus tard que jeudi dernier, il m’a appelé au téléphone. Et c’est la dernière fois que j’ai entendu sa voix. Il avait appelé pour s’enquérir de mon état de santé. Car depuis quelques jours, j’ai des problèmes avec mes jambes, qui me font mal. Et il a appelé pour voir les ordonnances qu’on m’a prescrites. Mais quand je suis parti à l’hôpital pour me faire consulter, on m’a prescrit des analyses à faire. Précisément deux analyses. Et quand il a appelé, il a insisté en me demandant de poursuivre les traitements à l’hôpital. Et d’éviter d’aller voir les guérisseurs traditionnels. J’ai d’ailleurs fait ce qu’il a dit. J’ai fait les analyses, mais je n’ai pas eu l’occasion de lui dire les résultats. C’est vendredi qu’il devait me rappeler pour que je lui donne les résultats des analyses, mais il n’a finalement pas appelé. Je l’ai attendu en vain.

Qu’est ce que vous attendez de l’Etat ?

Vous faites allusion à quoi.

Je demande si vous souhaitez avoir des soutiens de la part de l’Etat ?

Je ne sais même pas. Vraiment je ne sais pas. Jusqu’à présent le corps n’est pas arrivé. Et présentement je suis malade et je ne sais pas quoi faire.

Avez-vous un message à faire passer ?

Non

Avez-vous quelque chose à dire en direction de l’auteur du crime ?

Ce qui nous arrive n’a pas de qualificatif. Tout ce que je souhaite c’est que les autorités prennent toutes les dispositions pour que cela n’arrive plus à une autre famille sénégalaise. Que cela n’arrive plus à personne. Car c’est très dur. Je suis sûre que l’homme qui a fait cet acte n’a pas mesuré les conséquences de son geste. En tirant sur mon mari, il a atteint toute une famille. Daffa nu toroxxal* (il nous a rendus misérables). Mais étant des croyants nous ne pouvons qu’accepter le destin. Dieu est grand.