Un contact a pu être établi entre le terroriste et le parent d’élève qui a lancé contre l’enseignant la campagne Internet des islamistes. Sept personnes doivent être présentées mercredi à un juge antiterroriste en vue de l’ouverture d’une information judiciaire et d’éventuelles mises en examen.
«Vous avez tué mon frère tchétchène. Vous allez tous sauter, c’est que le début, bande de salopes!» Voici le message qui circule actuellement dans la police comme étant un appel malveillant reçu par une unité à la suite de la mort du tueur de Samuel Paty. Il a été retransmis par fréquence radio aux policiers concernés, par leur chef, avec cette mise en garde: «Derrière, il y avait des chants islamiques, la hiérarchie est avisée, faites attention». La CRS numéro 8 de Bièvres a été présentée initialement à tort comme le destinataire de cette menace mais celle-ci pourrait être plutôt adressée à un service de la sécurité publique. La place Beauvau cherche à identifier l’origine de cette information.
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C’est dans ce contexte effarant que les agents du ministère de l’Intérieur travaillent depuis la mise hors d’état de nuire du terroriste islamiste Abdoulakh Anzorov, qui a décapité Samuel Paty, le 16 octobre dernier.
L’enquête sur la froide exécution de l’enseignant, qui émeut et révolte le monde entier, a été confiée, on le sait, à la police judiciaire et à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Pourquoi, comment et grâce à qui le tueur a pu identifier, retrouver et supplicier l’enseignant de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), alors qu’Anzorov habitait à Évreux (Eure), à près de 100 kilomètres du collège où exerçait Samuel Paty?
Les seize gardes à vue déjà prononcées dans cette affaire, dont celle de cinq élèves de cet établissement, commencent à éclairer les zones d’ombre du parcours macabre du jeune Russe de 18 ans, d’origine tchétchène. Point clé des investigations: la téléphonie et les données numériques, mais aussi certaines auditions, qui révèlent que le terroriste a bien contacté le parent d’élève qui a déclenché toute la polémique après le cours du 6 octobre pendant lequel des caricatures ont été montrées.
Une expertise complexe
Dans sa vidéo envoyée sur les réseaux sociaux, le père d’élève en question donnait, il est vrai, son nom, son numéro de portable pour être joint, ainsi que l’adresse du collège à quiconque voudrait signaler l’enseignant, «pour dire stop». Abdoulakh Anzorov a donc non seulement relayé cette vidéo sur internet, mais il a aussi, via ce numéro de téléphone, pris attache avec ce père par la messagerie WhatsApp.
La police cherche maintenant à remonter le contenu de l’échange et les éventuels autres messages ou appels qui établiraient un lien encore plus formel entre les deux hommes. Mais s’agissant d’une messagerie cryptée, cette expertise ne serait pas aussi facile que de lire une simple facture détaillée.
La police y voit plus clair, en tout cas, sur la manière dont Anzorov a pu identifier sa victime: il aurait carrément payé des élèves à la sortie du collège pour qu’ils lui désignent sa proie. Eux assurent qu’ils ne savaient rien de ses intentions. L’un des élèves au moins aurait avoué, malgré tout, que le terroriste l’avait prévenu qu’il allait forcer l’enseignant à s’excuser en le filmant.
Quant à l’arme du crime, le couteau a été acheté par Anzorov à Rouen avec un ami, un certain Azim, et le père de ce dernier. Placés en garde à vue, ces deux suspects disent ne pas savoir à quoi était destinée cette lame. De même, l’homme qui a conduit le tueur d’Évreux, où il habitait, à Conflans-Sainte-Honorine, où travaillait Samuel Paty, assure n’avoir jamais été mis au courant du projet criminel. Il s’est présenté de lui-même au commissariat.
«L’enquête du parquet national antiterroriste avance à son rythme», lâche, sibyllin, un magistrat parisien. Au total, sept personnes doivent être déférées dans la nuit de mardi à mercredi pour être présentées mercredi à un juge antiterroriste en vue de l’ouverture d’une information judiciaire et d’éventuelles mises en examen, a appris l’AFP de source judiciaire. Parmi elles, deux mineurs suspectés d’avoir reçu de l’argent de l’assaillant en échange de renseignements sur la victime, le parent d’élève ayant lancé la mobilisation contre le professeur, le militant islamiste Abdelhakim Sefrioui et trois amis de l’assaillant soupçonnés de l’avoir convoyé ou de l’avoir accompagné lors de l’achat d’une arme. Les gardes à vue de neuf autres personnes ont en revanche été levées mardi soir.
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