FREETOWN - L'ancien président libérien Charles Taylor, l'un des chefs de guerre les plus sanguinaires d'Afrique de l'Ouest, a récusé le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) siégeant à Freetown et plaidé non coupable.
"Je ne reconnais pas la juridiction de ce tribunal", a déclaré Taylor après avoir écouté, impassible dans le box des accusés, la lecture par le greffier de l'acte d'accusation. L'accusé, dont la seule présence fait redouter des troubles dans la région, était entouré de policiers et flanqué d'avocats commis par la cour.
Il a plaidé non coupable des onze chefs d'inculpation de crimes de guerre et crimes contre l'humanité durant la guerre civile en Sierra Leone, devant cette juridiction mise sur pied avec le soutien de l'Onu pour juger les auteurs d'atrocités commises au cours de ce conflit.
"Je pense qu'il s'agit d'une tentative de division des peuples libérien et sierra-léonais; aussi ne suis-je absolument pas coupable", a déclaré celui que ses anciens "enfants-soldats" surnommaient affectueusement "Pappy".
L'audience a, par la suite, été ajournée mais aucune date n'a été fixée pour la prochaine comparution de l'accusé.
Devant le tribunal entouré de murs de béton surmontés de fil de fer barbelé et gardé par la police sierra-léonaise et les forces de l'Onu, des rescapés de la guerre civile avaient auparavant exprimé leur soulagement de voir Taylor traduit en justice.
"C'est un jour heureux. Je suis si content qu'il soit jugé. C'est un terroriste ouest-africain", dit Ali Tullah, 18 ans, animateur d'un centre de formation pour jeunes situé en face du tribunal.
"Les Sierra-Léonais attendent depuis longtemps de voir cet homme traduit en justice", a déclaré pour sa part le procureur en chef du tribunal spécial, Desmond de Silva.
"DEPAYSEMENT" A LA HAYE ?
En revanche, des membres de la familles de Taylor venus du Liberia critiquent le procès.
"Je pense qu'il ne bénéficiera pas d'un jugement équitable parce qu'il a déjà été inculpé, jugé et condamné dans les journaux et dans les médias", a déclaré l'une de ses soeurs, Louise Taylor Carter.
Avec quatre autres proches, elle a apporté à son frère des ouvrages religieux.
Plusieurs avocats prêts à défendre Taylor sont arrivés dimanche à Freetown en provenance du Liberia et d'autres pays d'Afrique occidentale.
Kilari Anand Paul, qui se présente comme le conseiller spirituel de Taylor, a dit à Reuters que ce dernier lui avait confié par téléphone qu'il voulait que l'équipe le défendant soit dirigée par Alan Dershowitz, professeur de droit à Harvard.
Taylor, qui était parti en exil en 2003, a été arrêté la semaine dernière au Nigeria alors qu'il tentait de passer au Cameroun. Aussitôt acheminé au Liberia, il a été transféré ensuite en Sierra Leone, menotté, et placé en détention dans la prison du tribunal spécial.
En raison des craintes pour la stabilité de la Sierra Leone, où Taylor continue de jouir d'importants soutiens, le TSSL a demandé à ce que l'ex-chef d'Etat soit jugé à La Haye, "capitale" de la justice internationale.
Mais le "dépaysement" de son procès à La Haye risque de prendre plusieurs semaines au moins, ont estimé dimanche des juristes et des diplomates.
Les chefs d'inculpation relèvent du catalogue des horreurs.
Des civils ont été abattus, brûlés vifs dans leur maison, ou tués à coups de machette.
Les rebelles traçaient au couteau dans le dos de certaines victimes les initiales du Front révolutionnaire uni (RUF), le mouvement sierra-léonais soutenu par Taylor.
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