David Cameron a ignoré lundi les appels de ses partenaires européens favorables à des négociations rapides sur le divorce entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne, affirmant qu'il n'entendait pas, à ce stade, invoquer l'article 50 du traité de Lisbonne après le référendum sur le Brexit. Le Premier ministre britannique, s'exprimant devant les députés à la chambre des Communes, a expliqué que le lancement de la procédure de sortie de l'Union européenne relevait d'une "décision souveraine" de la Grande-Bretagne et "d'elle seule".
Tout en affirmant que le résultat du scrutin de jeudi dernier devait être accepté, David Cameron a confirmé qu'il entendait prendre son temps, souhaitant que les relations économiques avec les Vingt-Sept restent les plus fortes possibles. Cette clarification intervient alors que les dirigeants européens multiplient les rencontres pour tenter de dégager une position commune sur le calendrier que Londres souhaite observer pour gérer sa séparation de l'UE.
Le président français, François Hollande, retrouve ce lundi soir à Berlin la chancelière allemande, Angela Merkel, et le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi. David Cameron doit participer mardi à un Conseil européen au cours duquel il devra exposer la position de son gouvernement. La déclaration devant la chambre des Communes prolonge celle faite juste après la publication des résultats du référendum lorsqu'il avait signifié son intention de démissionner d'ici octobre et de laisser à son successeur le soin de mener les négociations de retrait.
Le nom du prochain Premier ministre britannique pourrait être connu au plus tard le 2 septembre, a indiqué Graham Grady, président d'une commission parlementaire fixant les règles de fonctionnement du Parti conservateur. La procédure de sélection du prochain chef du gouvernement, qui pourrait être Boris Johnson, ex-maire de Londres et figure de proue du camp du "Leave", pourrait débuter la semaine prochaine, selon les recommandations de cette commission.
L'ÉCONOMIE BRITANNIQUE ASSEZ SOLIDE
Un porte-parole de David Cameron a expliqué qu'une équipe de hauts fonctionnaires a été constituée afin d'aider le futur Premier ministre dans la tâche qui l'attend face aux autres pays européens. "C'est un travail de réflexion préalable. Il ne s'agit pas de prendre de décisions car il convient que la décision soit prise par le Premier ministre du nouveau gouvernement", a commenté Oliver Letwin, parlementaire et ami de David Cameron, qui fera partie de cette équipe.
Selon le ministre des Finances britannique, George Osborne, l'économie du Royaume-Uni est suffisamment solide pour assumer la volatilité née du vote favorable à la sortie de l'Union européenne. S'exprimant pour la première fois depuis le référendum, George Osborne a dit qu'il était en contact étroit avec la Banque d'Angleterre et avec des responsables économiques et financiers internationaux pour assurer la stabilité pendant les négociations avec l'UE.
"Notre économie est aussi solide que possible pour faire face aux défis auxquels notre pays est dorénavant exposé", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. "Il est inévitable qu'à l'issue du vote de jeudi, l'économie britannique devra s'adapter à la nouvelle situation". Le ministre a reconnu que les finances publiques du pays souffriraient du Brexit mais a ajouté que de nouvelles mesures budgétaires ne seraient pas proposées avant l'automne, quand un nouveau Premier ministre sera choisi.
La question essentielle, a souligné de son côté David Cameron aux Communes, est de garantir le meilleur accès possible de la Grande-Bretagne au marché unique afin de ne pas pénaliser l'économie britannique. Alors que la France souhaite que la procédure de séparation soit entamée sans attendre, la chancelière Merkel estime que la Grande-Bretagne doit se voir accorder le temps nécessaire à la préparation de cette sortie.
Cette position est soutenue par la Pologne dont le ministre des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski, a souligné lundi la "nécessité d'une période de réflexion plus longue". "Cela ne peut pas être une procédure hâtive consistant à forcer la sortie de la Grande-Bretagne aussi vite que possible", a-t-il dit avant de se rendre à Prague pour une rencontre avec ses homologues tchèque, slovaque, hongrois, allemand et français.
PAS DE PRÉ-NÉGOCIATIONS
La Slovaquie, qui assurera la présidence tournante de l'UE à partir du 1er juillet, est elle aussi favorable à un rythme lent. "Il n'est pas nécessaire de se presser. Il n'y a pas de vide juridique", a commenté Miroslav Lajcak, ministre slovaque des Affaires étrangères. "Bien sûr, il faut que les Britanniques règlent le problème de qui les représente", a admis le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault.
Son collègue des Finances, Michel Sapin, estime pour sa part que Paris et Berlin sont d'accord pour que les choses aillent vite et qu'il n'y a pas de divergence au sein du couple franco-allemand sur cette question. Cette patience des Européens tient compte des conséquences induites par la victoire des partisans du Brexit et notamment un éventuel blocage de la part du parlement britannique.
David Cameron a prévenu qu'il ne devait pas y avoir d'initiative en ce sens. "Le résultat (du référendum) ne laisse aucune place au doute (...). Il est clair à mes yeux, et le gouvernement a rendu le même avis ce matin, que la décision doit être acceptée", a-t-il dit devant les Commmunes. L'autre question concerne le Royaume-Uni, et notamment les velléités d'indépendance réaffirmées par l'Ecosse qui entend ne pas se laisser imposer une sortie du bloc européen dont elle ne veut pas.
David Cameron a promis d'associer pleinement les instances dirigeantes écossaise, irlandaise et galloise aux préparatifs avant le début des négociations. Malgré des divergences, les Vingt-Sept semblent s'accorder sur un point : pas question de procéder à des pré-négociations, ni d'entamer des tractations avant que l'article 50 du traité de Lisbonne soit officiellement invoqué.
De source française, on indiquait lundi que les "sherpas" des partenaires européens du Royaume-Uni étaient d'accord pour que les négociations débutent après le déclenchement de la procédure communautaire.
(Avec les rédactions de Reuters en Europe, Wilfrid Exbrayat et Pierre Sérisier pour le service français, édité par Marc Angrand)
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