Docteur Mabuse a encore frappé. Il a pris, cette fois-ci, les traits du président gambien Yahya Jammeh, convaincu d’avoir trouvé, à son tour, le remède miracle à la pandémie du sida. Depuis plusieurs semaines, des spots publicitaires vantant les mérites de son « traitement » passent en boucle sur les radios et les télévisions du pays, où le taux de prévalence de la maladie atteint environ 2 %. Ils louent les vertus d’une mixture verdâtre composée de sept plantes médicinales - dont le chef de l’État a le secret - à appliquer sur la tête des malades en récitant des versets du « saint Coran ». Complétée par la consommation de bananes et l’absorption d’une potion jaunâtre très amère, la recette, qui n’est pas sans rappeler celle à base d’ail, de citron et de jus de betteraves concoctée par la ministre sud-africaine de la Santé Manto Tshabalala-Msimang, permettrait d’éradiquer le virus en trois jours seulement !
Lancé au mois de janvier, le traitement, qui aurait fait l’objet d’analyses - contestées… - commandées à un laboratoire sénégalais, aurait déjà été suivi dans son intégralité par quarante-cinq patients. Trente-huit autres l’appliqueraient actuellement, écrit l’hebdomadaire britannique The Economist, qui cite le ministre de la Santé gambien, le Dr Tamsir Mbowe. Parmi eux, dix malades seraient « guéris » et, chez dix-sept autres, le virus serait devenu presque indétectable dans leur organisme.
Évidemment, de telles déclarations n’ont pas manqué de susciter des réactions scandalisées parmi les scientifiques, les ONG et les agences internationales spécialisées dans la lutte contre le sida, qui se sont empressés de rappeler, à l’instar d’Onusida et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), que « des remèdes à base de plantes ne peuvent pas remplacer un traitement global et la prise en charge des personnes vivant avec le VIH ». Selon eux, le profond mystère que Banjul s’efforce d’entretenir autour du prétendu traitement ne fait, par ailleurs, que renforcer les doutes planant sur sa validité. Chaque fois qu’ils ont demandé des éclaircissements aux autorités gambiennes sur la composition et l’élaboration de leur remède, les experts se sont, en effet, heurtés à une fin de non-recevoir.
Aujourd’hui, tous craignent que l’annonce de Yahya Jammeh ne porte un coup fatal au difficile travail de sensibilisation mené depuis des années auprès de la population. Venant d’une autorité telle que celle du chef de l’État, l’arrêt exigé de la prise des antirétroviraux pour suivre le traitement miracle et l’entretien d’un faux espoir concernant l’existence d’un remède au VIH sont très graves, expliquent-ils.
Leur inquiétude est d’autant plus grande qu’en Gambie rares sont les voix qui osent encore s’élever pour dénoncer les propos erronés du président. La Zimbabwéenne Fadzai Gwaradzimba, ex-représentante résidente de l’ONU à Banjul, l’a vérifié à ses dépens. Pour avoir mis en doute l’efficacité du traitement antisida du chef de l’État, elle a été expulsée du pays le 27 février dernier.
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