En juin dernier, avant le second tour des élections municipales, alors qu'il briguait à nouveau la mairie du Havre, une interview d'Edouard Philippe à « Paris-Normandie » avait agacé en Macronie. Plus encore la couverture de « Paris Match » quelques jours plus tard, avec lui, rayonnant, en campagne dans sa ville. Alors certes, Edouard Philippe s'en est effectivement retourné au Havre et depuis son départ de Matignon en juillet dernier, s'était contenté de quelques cartes postales - sur la musique, le foot ou sur les tempêtes « économique, sanitaire, peut-être sociale et politique » que la France doit affronter. Mais le voici à nouveau sous les lumières, regardé de très près dans la majorité.
Car Edouard Philippe publie ce mercredi un livre à la première personne du pluriel avec son complice de toujours - et ex-conseiller spécial à Matignon - Gilles Boyer, « Impressions et lignes claires » (Editions JCLattès). Le Normand se livre comme jamais à une intense tournée médiatique - « Le Point », France 2, France Inter, Quotidien sur TMC, « Elle » etc...- pour parler de cet « essai en forme de récit », explique Gilles Boyer. Un retour sur l'expérience de trois ans d'Edouard Philippe à Matignon, « pas un bouquin de justification mais d'explication, de contribution à comprendre la difficulté des décisions », poursuit-il. Une « réflexion », aussi, « sur la Vème République et son fonctionnement, sur la dyarchie président et Premier ministre, sur le présider et gouverner », ajoute l'eurodéputé.
Mais ce livre est aussi, assurent-ils, une manière de « tourner la page de Matignon ». Bref, l'occasion d'affirmer une ambition, de rappeler que « la fin de l'expérience à Matignon n'était pas la fin d'une vie politique » a martelé Edouard Philippe dimanche sur France 2. Si le maire du Havre a redit sa « loyauté » à l'égard d'Emmanuel Macron durant ses trois ans à Matignon - à laquelle certains dans la majorité n'ont pas toujours cru -, il a aussi affirmé désormais sa « très grande liberté de ton et de pensée ». « Je veux me servir de cette liberté pour essayer de faire vivre un débat que je crois indispensable dans le pays », a lancé un Edouard Philippe qui écrit entre autres sur la dette, « l'un des sujets centraux probablement de l'année qui vient », souligne Gilles Boyer. « Il fallait qu'il reparle à la France, qu'il reprenne le dialogue, par le haut, de manière équilibrée, raisonnable, modérée », plaide un proche.
C'est aussi une manière d'essayer de consolider son capital de popularité , qu'il qualifie lui-même, en bon juppéiste, de « très fragile ». Personnalité politique préférée des Français dans le baromètre Elabe depuis plusieurs mois, il caracole même, depuis mars, en tête devant Nicolas Sarkozy auprès des sympathisants LR.
Alors compter sur la scène nationale, certes, mais pour quoi faire ? « Il est organisé », se borne à répéter son entourage- « plus que Juppé », glisse même un proche- lui qui n'a de cesse de cultiver ses réseaux d'élus. « On peut imaginer une droite qui joue l'alliance, souligne un proche. Tu peux alors jouer Matignon, de gros ministères ». Certains, dans son ancienne famille politique LR, verraient bien Edouard Philippe en candidat. Présider après avoir gouverné ? Les questions sur 2022 exaspèrent celui qui aime « être aux manettes » comme il le dit au « Point », mais qui ne sera évidemment pas candidat contre Emmanuel Macron à la présidentielle, jurent des proches quand Edouard Philippe souligne qu'il ne peut pas être « celui qui souhaite l'échec ».
Mais lui-même n'écrit-il pas que « depuis quelque temps, le second mandat n'est plus tout à fait la norme » ? Interrogé dimanche sur France 2 sur cette phrase « je ne serai pas candidat, sauf si peut-être Emmanuel Macron ne l'était pas », Edouard Philippe a esquivé. « Je ne crois pas l'avoir dit, pas publiquement. Je ne me prononce pas là-dessus », a-t-il balayé avant d'appeler à davantage penser au « dessein pour la nation » qu'au « destin ». A penser davantage stratégie - « on en a furieusement besoin dans notre pays » a-t-il pointé - plutôt que tactique. Filant la métaphore en échangeant dimanche soir sur France 2 avec l'astronaute Thomas Pesquet, Edouard Philippe s'est plu à lâcher : « on commence d'abord par définir la mission, le plan de vol et ensuite on choisit le commandant ». De quoi ne se fermer aucune porte et tenter de peser sur le plan de vol et le reste.
Isabelle Ficek
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