Le ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, l’avait affirmé : seule la gestion concertée du dossier de la migration, dans une perspective de renforcement du développement économique, pouvait venir à bout des sauts désespérés dans la gueule de l’Atlantique, à bord d’embarcations de fortune. Ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Ousmane Ngom, a défendu le même principe. Finalement, « l’esprit de Rabat » (appellation non officielle de la nouvelle approche), articulé autour de la concertation et non de l’unilatéralisme, donne raison à la position sénégalaise sur les migrations.
RABAT (MAROC) - Adopter des mesures concrètes à court et à moyen termes le long des routes migratoires et inscrire le processus dans la durée, tels sont les axes fondateurs du plan d’action qui a sanctionné la conférence ministérielle eurafricaine qui a pris fin hier, à Rabat. Cinquante-sept pays dont le Sénégal, représenté par le ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Ousmane Ngom, et le ministre du Plan et du Développement durable, Mamadou Sidibé, ont adopté ce texte qui inscrit la problématique des migrations dans une perspective de partenariat aux niveaux économique, politique et non plus seulement sécuritaire. Voilà qui fonde ce qu’on appelle sur place « l’esprit de Rabat », une dynamique de gestion concertée de la question des migrations et du développement. L’approche unilatérale ou unidimensionnelle n’a plus de place.
La conférence de Rabat a ceci de révolutionnaire qu’elle a permis d’obtenir un consensus sur la relation directe entre migration et développement. Ceci constitue le premier point du plan d’action. Les participants mettent l’accent sur la nécessaire promotion du développement. En bonne place, figurent l’amélioration de la coopération économique, le développement du commerce, l’appui au développement socio-économique et la prévention des conflits. À la lecture du plan d’action, la paix est présentée comme le gage de la prospérité économique. Les causes profondes des flux migratoires irrégulières sont aussi liées à la pauvreté grandissante. La conférence propose la promotion de mesures concrètes dans le cadre des politiques de développement, au-delà des cadres nationaux. Des organisations sous-régionales comme le Cedeao, la Cemac, la Censad et l’Uma sont désignées comme « les cadres de création de croissance et de lutte contre la pauvreté » dans leurs rapports respectifs aux politiques nationales, sous-régionales, régionales ou internationales comme avec l’Union européenne.
Instruments pour le co-développement
La conférence préconise aussi l’appui technique aux migrants désireux de développer un projet dans leur pays d’origine, la réduction des coûts de transfert de l’épargne des immigrés, le soutien à la création d’un forum commercial eurafricain, le déploiement de projets de co-développement sur les routes migratoires à partir des expériences menées au Sénégal, au Mali et au Maroc, l’accompagnement des Ong dans ces zones pourvoyeuses, la coopération entre villes, etc. De telles mesures sont encadrées par la mise en place d’instruments financiers favorisant le co-développement. Il est prévu la création de mécanismes financiers de co-financements de projets dans leur pays d’origine en faveur des migrants en situation légale en Europe. À défaut du co-financement, la conférence demande que des garanties soient apportées aux migrants, de même qu’une participation aux fonds d’intervention favorisant le développement local dans les zones victimes de l’exode rural.
Les connaissances et le savoir-faire sont aussi des priorités pour les cinquante-sept pays représentés à Rabat. Ils sont des conditions essentielles du développement des pays africains. Il s’agit, dans la nouvelle démarche concertée, de favoriser l’acquisition des compétences à travers l’accès des étudiants africains aux universités, instituts et grandes écoles africaines ou européennes, la définition de mesures contre la fuite des cerveaux par le moyen de la facilitation du retour des étudiants à la fin de leur cycle supérieur, la mise en place d’une politique incitative au retour grâce à la création de pôles universitaires régionaux, des accords d’échanges de jeunes professionnels en vue d’un perfectionnement de connaissances linguistiques, l’accès aux technologies de l’information et de la communication, etc. Au centre de cette préoccupation liée aux connaissances et au savoir-faire, il y a le développement de partenariats entre les institutions scientifiques et techniques des pays d’origine, de transit et d’accueil des migrants. Cela passe par l’accès des chercheurs aux réseaux scientifiques, le développement des « systèmes de travail partagé » destinés aux scientifiques, chercheurs, médecins, techniciens ou autres professionnels africains. Toujours dans ce chapitre, le renforcement de la coopération en matière de formation est demandé au moyen de l’élargissement de la gamme de filières universitaires et techniques en tenant compte des besoins du secteur privé et des marchés africain et européen.
Insertion dans les pays d’accueil
Sur un deuxième point, la conférence s’est intéressée à la migration légale avec, comme première recommandation, le renforcement des services administratifs responsables de l’émigration. À travers cette approche, les émigrés potentiels ont l’information à leur disposition. Les participants accordent aussi une attention particulière aux possibilités d’insertion dans les pays d’accueil en fonction du profil du candidat au voyage, la langue, les droits et devoirs reconnus à l’émigrant. L’exportabilité des droits à la retraite sera étudiée pendant que des discussions seront ouvertes sur la simplification des procédures pour certaines catégories de personnes comme les étudiants, les chercheurs, les hommes d’affaires, les commerçants, les artisans, les artistes ou encore les sportifs.
L’immigration irrégulière fera l’objet d’une coopération, notamment la logistique et le financement des retours volontaires des migrants se trouvant dans les pays de transit. La coopération s’étendra à l’appui technique en vue d’une identification de la nationalité des émigrants, la facilitation de la réinsertion dans leur pays d’origine, les campagnes d’information et de sensibilisation, la mise à disposition de ressources financières pour les pays faisant face à des situations d’urgence en matière d’émigration illégale, le renforcement de la capacité de contrôle des frontières nationales des pays de transit et de départ.
Tout en étant ouvert à l’idée d’une coopération policière, judiciaire pour démanteler les filières de migration illégale, des pays comme le Sénégal ont demandé avec insistance le respect de la dignité des migrants. La conférence en a tenu compte dans l’élaboration de systèmes de réadmission.
Les actions seront financées par les États partenaires, l’Union européenne et les autres organismes ou institutions internationaux fortement concernés par la question des migrations et du développement. La conférence a mis sur pied un Comité de suivi en vue de la bonne mise en œuvre du plan d’action.
1 Commentaires
Allons Y Molo
En Octobre, 2010 (18:36 PM)Participer à la Discussion