En visite d’Etat en Belgique, Emmanuel Macron a plusieurs fois été interrogé sur ce mouvement de contestation sur lequel il avait jusque-là laissé le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur monter au front. 1 chacune de ses interventions, il a évoqué le mouvement sans jamais le nommer. De son côté, la France insoumise compte répondre présente à une manifestation annoncée pour samedi, mais pas encore déclarée en préfecture. Sur le terrain, des blocages sont évacués ; mais la situation reste tendue par endroit, notamment dans le territoire d'outre-mer de La Réunion.
Emmanuel Macron n’avait pas l’intention de parler des gilets jaunes. Interrogé au premier jour de sa visite en Belgique, le chef de l’Etat a d’abord sèchement répondu : « Je répondrai en temps voulu, mais ça n'est pas le lieu aujourd'hui. »
Mais le sujet était inévitable et il a été abordé par un étudiant de l’Université catholique de Louvain lors d’un débat, rapporte notre envoyée spécial en Belgique, Valérie Gas. Alors Emmanuel Macron s’est expliqué : « Le gouvernement est aujourd'hui en effet confronté là-dessus à des protestations et c'est dans le dialogue qu'on peut en sortir, dans l'explication, dans la capacité à trouver à la fois le bon rythme et les solutions de terrain. »
Mais le président l’a réaffirmé ensuite devant la communauté française : la transition écologique est un objectif prioritaire et elle nécessite « d'avoir une politique de réduction massive des émissions [de gaz à effets de serre, ndlr] pour les particuliers, des entreprises et la production d'énergie, avec les bonnes incitations et donc une politique d'accompagnement qui s'adapte. C'est tout le débat que nous avons en ce moment qui prend parfois des tours passionnés. »
Et à ceux qui le critiquent, il rappelle : « nous aimons les débats théoriques et nous délaissons trop souvent les travaux pratiques, et ceux-là mêmes qui étaient pour les débats théoriques ne les voient plus quand il faut mettre les mains à la paillasse. Les transitions sont dures parce qu'elles supposent de changer les habitudes et en aucun cas la transition écologique ne saurait se faire au détriment de la transition sociale. »
Une promesse d’accompagner les plus modestes.
Les Insoumis entrent dans la danse
Du dialogue, de la pédagogie, prône donc le chef de l'Etat. Pendant ce temps, à Paris, le Premier ministre accuse la précédente majorité socialiste d'avoir reculé devant la mobilisation des bonnets rouges et de ne pas s'être attaquée à la transition écologique.
Interpelé par l'opposition à l'Assemblée nationale, Edouard Phillippe réaffirme que le gouvernement tiendra le cap qu'il s'est fixé : « Nous allons faire ce sur quoi nous nous sommes engagés : faire basculer progressivement et résolument la fiscalité qui pesait sur le travail vers une fiscalité qui pèsera un peu plus, c'est vrai, sur les carburants et sur le carbone. C'est quelque chose sur laquelle nous nous sommes engagés, que nous assumons, que nous savons nécessaire mais qui pour être accepté doit être accompagné. C'est la raison pour laquelle, dès l'année dernière, un certain nombre d'instruments ont été créés, c'est la raison pour laquelle la semaine dernière j'ai annoncé des mesures qui permettent de renforcer l'efficacité de ces instruments, d'en élargir l'assiette, d'en renforcer l'intensité. Nous voulons revaloriser le travail et nous voulons prendre au sérieux la transition écologique. Voilà notre axe, voilà notre politique, que nous proposons aux Français et que nous allons mettre en oeuvre. »
De la fermeté donc du côté gouvernemental. A la fois sur le fond et sur la forme. Ainsi, le chef du gouvernement a rappelé que la manifestation prévue samedi 24 novembre par des gilets jaunes place de la Concorde à Paris devait être déclarée. Réponse au président du leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon qui l'avait interpelé lors des questions au gouvernement : « Samedi, parait-il, vous avez l'intention d'interdire la manifestation que les gilets jaunes ont appelée. Je vous le dis, les Insoumis iront. Alors, M. le Premier ministre, permettez que la démocratie sociale et la démocratie parlementaire se retrouvent, permettez la manifestation », avait-il insisté.
Castaner regrette une « radicalisation »
« Nous n'avons, M. le président Mélenchon, aucune intention de réprimer ou de diminuer la liberté d'expression et la liberté de manifestation, a rétorqué Edouard Philippe. Mais nous voulons, M. le président Mélenchon, qu'[elles] s'expriment dans le cadre de la loi. Car il n'est pas juste non plus d'interdire aux Français de se déplacer quand ils souhaitent le faire [...]. Pour manifester en France, il faut déclarer un projet de manifestation. Et ça n'est pas du tout accessoire, c'est important parce que ça permet notamment de sécuriser une manifestation », a déclaré le chef du gouvernement lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.
Plus tôt dans la journée, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a dénoncé la « dérive totale » des manifestations, pointant une « radicalisation » et « un très, très grand nombre de blessés ». Les forces de l'ordre se sont employés mardi à libérer l'accès à des dépôts et péages dans plusieurs régions, dans un climat parfois tendu. Une vingtaine de sites « stratégiques » ont ainsi été débloqués dans la journée, a indiqué le ministère de l'Intérieur. D'autres restent toutefois sous tension.
Depuis le début de cette mobilisation contre la hausse des prix du carburant qui a essaimé hors de tout cadre syndical ou politique, les manifestations ont fait un mort, quelque 530 blessés, dont 17 graves. Aucun chiffre officiel sur le nombre de participants n'était disponible mardi après-midi mais une source policière évoquait quelque 10 500 manifestants à travers la France en début de matinée. Ils étaient 27 000 lundi, 290 000 samedi.
Pillages et affrontements à La Réunion
La colère touche également l'île française de La Réunion, dans l'Océan Indien. Le préfet Amaury de Saint-Quentin a instauré mardi une mesure d'interdiction de circuler de 21h à 6h dans la moitié des communes de l'île, bloquée par de nombreux barrages routiers dressés par des gilets jaunes. Ce couvre-feu est en vigueur jusqu'à vendredi au minimum.
Depuis le 17 novembre, plusieurs villes réunionnaises sont le théâtre de pillages et de diverses violences urbaines à partir de la nuit tombée. Plusieurs supermarchés et autres commerces ont été attaqués dans la nuit de lundi à mardi, notamment à Saint-Denis, le chef-lieu. L'ensemble des établissements scolaires, la plupart des commerces et des stations-service, ainsi que des services publics (Chambre de commerce et d'industrie notamment), sont fermés.
Le dépôt de carburant de l'île est bloqué par des manifestants depuis lundi. Le port de commerce, dont l'accès est bloqué depuis hier, est paralysé. Trois escales de paquebot de croisière ont été annulées et les compagnies aériennes bouleversent leurs programmes de vol en raison du barrage filtrant dressé depuis samedi devant l'aéroport Roland-Garros de Saint-Denis. Les deux usines sucrières de l'île sont également à l'arrêt depuis samedi. « C'est certains individus, des délinquants, très jeunes pour la plupart d'entre eux, qui ont profité de la manifestation des gilets jaunes pour piller, dégrader, casser et s'en prendre volontairement aux forces de l'ordre, explique un policier joint par RFI. Il y a plusieurs centaines d'individus, éparpillés sur les différentes circonscriptions de police et gendarmerie de l'île de La Réunion, à savoir les différentes communes. Plus d'une soixantaine ont été interpellés sur ces trois derniers jours. Nous avons une quinzaine de policiers blessés. Tous les supermarchés sont fermés. Nous sommes obligés d'aller nous alimenter dans des petits magasins de proximité. Ca va devenir compliqué si cela perdure longtemps. »
Selon nos confrères de La Première, antenne de FranceInfo à La Réunion, qui suivent en direct les événements, des affrontements entre policiers et jeunes continuaient dans la soirée, notamment au Chaudron, un quartier populaire de Saint-Denis-de-la-Réunion. Un peu plus tôt, une délégation de gilets jaunes avait été reçue en préfecture. Les discussions n'ont pas abouti, suscitant déception et colère chez les manifestants.
Dans une déclaration transmise mardi soir à l'AFP, Annick Girardin dénonce des « violences [qui] sont le fait de bandes de jeunes gens qui n'ont rien à voir avec les gilets jaunes », a-t-elle affirmé. Elle promet une « réponse ferme de l'État » pour contrer cette « évolution intolérable du mouvement ».
(Avec AFP, Reuters)
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