La Cour internationale de justice (CIJ) a rejeté jeudi à La Haye une demande de la Belgique de forcer le Sénégal à garder sur son territoire l'ex-président tchadien Hissène Habré, en résidence surveillée à Dakar et inculpé de crimes contre l'humanité.
"La Cour constate que le risque de préjudice irréparable au droit revendiqué par la Belgique" de voir M. Habré jugé pour des crimes qu'il est présumé avoir commis pendant sa dictature au Tchad (1982-1990) "n'est pas apparent", a déclaré le juge Hisashi Owada, qui présidait l'audience.
"Les circonstances, telles qu'elles se présentent actuellement à la Cour, ne sont pas de nature à exiger (...) des mesures conservatoires", a-t-il ajouté.
La Belgique, qui avait émis en 2005 un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité et tortures à l'encontre de l'ex-président tchadien après une plainte de survivants de son régime, a saisi le 19 février la CIJ en demandant qu'elle ordonne au Sénégal de le juger ou de l'extrader.
En attendant une décision sur le fond qui pourrait prendre des années, Bruxelles avait initié une procédure d'urgence, comparable au référé dans les juridictions nationales, en demandant que la CIJ ordonne au Sénégal de garder M. Habré sur son territoire.
Le président sénégalais Abdoulaye Wade avait menacé récemment de lever la détention de l'ex-président, qui s'était réfugié au Sénégal après sa chute en 1990, s'il ne recevait pas les 27,5 millions d'euros qu'il estime nécessaires à l'organisation du procès.
Une première plainte pour complicité de crimes contre l'humanité, d'actes de torture et de barbarie avait été rejetée par la cour d'appel de Dakar en juillet 2000 au motif que ces crimes n'étaient pas prévus par le code pénal sénégalais.
Mais l'Union africaine a mandaté en juillet 2006 le Sénégal pour qu'il juge M. Habré, âgé de 67 ans. Des réformes judiciaires permettant de le poursuivre ont depuis été engagées, mais aucune procédure pénale n'a été entamée.
Au dernier des trois jours d'audiences qui s'étaient tenues en avril devant la CIJ, le Sénégal avait fait la promesse "solennelle" qu'il "n'a(vait) pas l'intention de permettre à M. Habré de quitter le territoire alors que cette affaire est pendante devant la Cour".
La CIJ, le principal organe judiciaire des Nations unies, a estimé jeudi qu'au vu de ces "assurances" de la part de Dakar, que Bruxelles avait d'ailleurs acceptées, "il n'existe (...) aucune urgence justifiant l'indication de mesures conservatoires par la Cour".
Selon une commission d'enquête tchadienne, le régime d'Hissène Habré (1982-1990) a fait plus de 40.000 morts parmi les opposants politiques et dans certains groupes ethniques.
"Ce qu'il faut maintenant, c'est que le Sénégal remonte ses manches et se mette au travail avant qu'il ne soit trop tard", a commenté Reed Brody, de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, pour l'AFP.
"Les survivants du régime d'Habré meurent constamment, cela fait dix-neuf ans qu'il n'est plus au pouvoir", a-t-il souligné. "Le Sénégal a dit à plusieurs reprises qu'il va juger Hissène Habré, mais il faut qu'il le fasse plus vite".
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