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Mais l'affaire pourrait rebondir en France, où les familles des 22 victimes françaises ont porté plainte en 2003. L'instruction, ouverte à Evry pour "homicides involontaires et défaut d'assistance à personne en danger" par le juge Jean-Wilfrid Noël, est sur le point d'être close. Elle pourrait aboutir à l'émission de mandats d'arrêt visant la première ministre sénégalaise de l'époque, Mame Madior Boye, ainsi que sept membres de son gouvernement. Cette perspective est explicitement prônée dans la note adressée par le juge Noël au parquet le 29 septembre 2006. Ce document, que Le Monde s'est procuré, affirme que "le drame du Joola tient à des causes tant techniques que politiques". Le nombre de gilets de sauvetage était insuffisant et le bateau, faute de visites de sécurité, ne pouvait plus être couvert par aucune assurance.
Surtout, selon le juge, une cause du drame tient à l'"enjeu de pouvoir" autour du navire. La gestion du Joola avait été retirée au ministère des transports au profit du ministère des forces armées. Conséquence : il n'était plus question d'interdire l'appareillage pour des raisons de sécurité. Les militaires ont "géré un navire marchand comme un navire de guerre et n'(ont) pas fait de la sécurité un axe majeur" de leur gestion.
Le juge révèle une "note confidentielle" de 2001, très alarmante sur les "risques" pour les passagers, à laquelle le premier ministre n'a "jamais répondu". Selon un officier français, "le dossier est un raccourci des défaillances de l'Etat sénégalais". D'autres témoignages pointent "la passivité absolue et même souvent l'absence physique des militaires sénégalais de haut rang qui auraient dû déclencher les secours".
Accablant, le tableau brossé par le magistrat débouchera-t-il sur un procès ? Le Quai d'Orsay n'y est pas favorable. Consulté sur la possibilité de viser d'anciens ministres par des mandats d'arrêt, il a répondu par la négative. Mais le juge n'est pas lié par cet avis. L'éventualité d'un procès reste ouverte. Le Sénégal est considéré comme l'un des plus fidèles alliés de la France en Afrique. "Le naufrage du Joola n'est pas réductible à sa seule dimension judiciaire", note avec réalisme le juge Noël.
Au Sénégal, l'amertume liée à l'anniversaire du naufrage est renforcée par la suspension, depuis le 15 août, de la desserte maritime de la Casamance. En pleine nuit, le Wilis, navire qui a succédé au Joola, a été victime d'une avarie qui a ravivé un traumatisme national.
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