PUERTO DE LOS CRISTIANOS (AFP) - L'afflux de plus de 23.000 clandestins subsahariens ces derniers mois aux Canaries commence à provoquer des réactions de colère et de rejet parmi les habitants de cet archipel espagnol.
Une embarcation en provenance de Gambie contenant une centaine d'émigrants a été accueillie samedi sur le port de Puerto de los Cristianos à Tenerife aux cris de "Noirs de m..." par une cinquantaine de personnes.
"Nos fils ne vont rien avoir à manger", ou bien "mon frère est au chômage et à lui on ne donne pas de vêtements", criaient ces personnes rassemblées sur le port, a constaté une photographe de l'AFP.
Elles ont également tenté d'agresser les photographes qui se trouvaient sur place et ont du être protégés par la police. "C'était incroyable. Je pensais qu'ils allaient nous lyncher" a dit l'un d'eux.
"Il y a tant de noirs qui arrivent ! Je ne suis pas raciste, mais c'est trop. Nous ne méritons pas ça", estimait dimanche José Manuel Acosta, 53 ans, un cigare à la bouche tout en pêchant à la ligne sur le quai.
"Les gens sont agacés", a déclaré pour sa part à l'AFP Sebastian Paez, ouvrier de la construction de 40 ans venu en famille se promener sur le port.
Ce début de rejet contraste avec l'accueil donné à ces clandestins par les autorités et les ONG locales, qui les prennent en charge à leur arrivée et les soignent quand ils abordent l'archipel après une traversée souvent très difficile.
"L'un d'eux m'a dit qu'il ne pensait pas arriver vivant, il n'arrêtait pas de me remercier" a déclaré à l'AFP Austin Taylor, coordinateur de la Croix Rouge, après l'arrivée de plusieurs embarcations samedi.
Ils ont été également aidés à plusieurs reprises par des touristes sur les plages où sont arrivés certains "cayucos", nom donné en Espagne aux pirogues de pêcheurs venues d'Afrique de l'ouest.
Et un émigrant clandestin sénégalais secouru il y a trois semaines par un bateau de pêche espagnol au large de la Mauritanie a déclaré au quotidien El Pais de dimanche, reconnaissant: "jamais personne ne m'a traité comme l'ont fait ces pêcheurs espagnols".
La vice-présidente du gouvernement espagnol Maria Teresa Fernandez de la Vega a souligné dimanche dans une interview au quotidien ABC le "comportement extraordinaire de la société canarienne" face à cet afflux d'immigrés.
Elle a toutefois reconnu que la situation était "problématique" dans l'archipel, alors que le Parti Populaire d'opposition (PP-droite) accuse le gouvernement d'être "débordé".
L'afflux de clandestins aux Canaries a pour origine la politique menée par le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero et la régularisation massive de 600.000 sans papiers en 2005, a accusé le secrétaire général du PP Angel Acebes.
Quelque 3.500 immigrés venant principalement du Sénégal, de Mauritanie et du Cap Vert sont arrivés depuis le début du mois de septembre aux Canaries, portant le total au niveau record de plus de 23.000 depuis le début de l'année, et les autorités craignaient dimanche l'arrivée à venir de nombreuses embarcations.
Les centres d'accueil, où se trouvent actuellement environ 8.000 clandestins, sont débordés, et des tensions commencent à y apparaître.
Environ 300 émigrants clandestins accueillis provisoirement dans un centre de l'île de Fuerteventura (Canaries), se sont révoltés samedi contre des policiers sénégalais venus les identifier dans le cadre d'un accord entre Paris et Dakar, ont rapporté dimanche les médias espagnols.
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