Auteurs : Ellen Johnson-Sirleaf, Paul Kagame, Seretse Khama Ian Khama et Abdoulaye Wade *
Trois semaines à peine après la fin du voyage triomphal du président Barack Obama en Afrique, le véritable défi de la mise en œuvre d’un changement stratégique réside dans la prochaine visite de la Secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, sur le continent. Lorsque le président américain est monté à bord d’Air Force One, un fait à été passé sous silence : l’Afrique cherche non pas des protecteurs, mais des collaborateurs prêts à travailler avec elle plutôt que pour elle. Si l’administration Obama souhaite vraiment changer les choses, elle doit agir comme un partenaire, d’égal à égal, en s’attelant à plusieurs tâches prioritaires peu coûteuses, mais ayant une incidence considérable.
Tout d’abord, les pays développés partenaires doivent lutter contre la corruption à l’étranger. Les efforts déployés par les gouvernements africains pour renforcer la démocratie et la gouvernance perdent de leur efficacité si l’argent volé au continent trouve refuge dans des comptes secrets en occident. Il est effrayant de constater que les grands pays de l’OCDE n’ont encore poursuivi en justice aucune personne accusée de fraude et de pratiques entachées de corruption à l’étranger. S’ils sont mal appliqués, les engagements internationaux n’empêcheront pas la collusion et les trucages d’offres dans les gros contrats d’infrastructure africains.
L’équation économique doit changer elle aussi. Depuis 1970, la part de l’Afrique dans les exportations mondiales est tombée de 3,5 % à 1,5 %. Pour réduire la pauvreté et soutenir la croissance, l’Afrique doit enrayer cette baisse. Madame Clinton a la possibilité de marquer rapidement des points lorsqu’elle viendra à Nairobi (Kenya) ce mois-ci pour participer au forum de la Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique (Africa Growth and Opportunities Act, AGOA). Il serait utile de développer l’AGOA -- élément phare des relations commerciales de l’Amérique avec l’Afrique -- pour y inclure un nombre accru de produits agricoles et transformés. Toutefois, si Madame Clinton omet de traiter la question des subventions américaines aux échanges agricoles qui faussent le jeu du marché, l’AGOA ne donnera jamais toute sa mesure -- et l’Afrique ne pourra s’extraire de la pauvreté par le biais du commerce.
L’Afrique souffre de la récession mondiale. L’afflux de capitaux privés vers le continent, encouragé par les gains en efficience découlant de l’amélioration des politiques, a contribué au financement du développement d’infrastructures dont le besoin était particulièrement pressant. Avec la crise économique, toutefois, ces flux privés -- qui ont dépassé 53 milliards de dollars en 2007, surpassant pour la première fois le montant de l’aide étrangère -- ont chuté de 40 %. En matière d’infrastructures, l’insuffisance des financements atteint encore 40 milliards de dollars par an.
Il est possible de combler rapidement ce déficit en mettant à contribution les partenariats privés pour dégager des financements par capitaux propres et en accroissant les fonds mis à la disposition des entreprises désireuses d’investir. Par ailleurs, le quart seulement de la population africaine dispose de l’électricité : des investissements publics–privés dans l’énergie hydroélectrique apporteraient une solution neutre en carbone à ce problème.
Les garanties de prêts de l’Export-Import Bank des États-Unis aux entreprises américaines qui souhaitent investir en Afrique se sont montées à 400 millions de dollars en 2007. Cette année, l’Export-Import Bank de Chine a accordé pour sa part des garanties de prêts d’un montant de 13 milliards de dollars aux entreprises chinoises qui investissent en Afrique. La réduction de cet écart contribuerait beaucoup à faire apparaître l’Afrique comme un bon placement.
Dans les industries d’extraction, il conviendrait d’encourager les entreprises américaines à modifier la pratique consistant à construire de coûteux actifs ferroviaires, énergétiques et portuaires privés, déconnectés du réseau d’infrastructures souvent restreint du pays d’accueil.
En fin de compte, la qualité de vie de l’Afrique dépendra de la santé de ses citoyens. La clé de voûte de l’aide américaine à la lutte contre le VIH/Sida en Afrique -- le President’s Emergency Plan for AIDS Relief (PEPFAR) -- a contribué à étendre les traitements permettant de sauver des vies. Le président Obama a la possibilité d’accroître l’efficacité du PEPFAR en passant d’une aide d’urgence à un soutien à long terme -- sur le modèle du partenariat quinquennal de la Millennium Challenge Corporation, chaque pays prenant en charge la conception de ses programmes.
Enfin, nous avons besoin de prêts au développement plus efficaces et plus prévisibles. Les États-Unis demeurent la principale exception à la pratique habituelle des bailleurs de fonds consistant à faire passer l’aide au développement par le système financier des pays bénéficiaires. Si elle est assortie de garanties suffisantes, cette pratique renforce la responsabilisation des pays et leur prise en charge du processus. La réticence des États-Unis à adhérer aux pratiques multilatérales en la matière affaiblit l’efficacité de l’aide étrangère.
Le charisme, l’éloquence et les origines du président Obama ont suscité un enthousiasme sans précédent en Afrique. Il faut maintenant que les mesures de fond nécessaires à la réalisation des espoirs créés par sa visite figurent à l’ordre du jour de la visite de Madame Clinton dans sept pays africains.
* Ellen Johnson-Sirleaf est présidente du Libéria; Paul Kagame est président du Rwanda; Seretse Khama Ian Khama est président du Botswana; Abdoulaye Wade est président du Sénégal.
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