La guerre entre gangs criminels a provoqué un bain de sang dans la nuit de dimanche à lundi dans une prison de Manaus (nord du Brésil): 56 détenus ont été massacrés, et nombre d'entre eux ont même été décapités. Les autorités ont révisé à la baisse un premier bilan de 60 morts donné par le secrétaire à l'Administration pénitentiaire de l'Etat d'Amazonie, Pedro Florencio. La mutinerie, pendant laquelle 12 surveillants ont été pris en otage, a duré 15 heures entre dimanche après-midi et lundi matin dans le complexe pénitentiaire Anisio Jobim (Compaj), situé en périphérie de Manaus.
"Il s'agit du plus grand massacre commis dans une prison en Amazonie", a souligné le secrétaire de l'Etat d'Amazonie à la Sécurité publique Sergio Fontes lors d'une conférence de presse, précisant qu'"un grand nombre de détenus ont été décapités". "Les prisonniers ont été tués par d'autres détenus, lors d'affrontements d'une extrême violence qui ont duré plus de quinze heures", a-t-il ajouté. "Cette guerre entre factions a lieu dans tout le pays, dans toutes les unités pénitentiaires", a confirmé M. Florencio, qui a évoqué une "vengeance" du groupe local FDN (Familia do Norte) contre le PCC (Premier commando de la capitale), fondé à Sao Paulo.
En octobre, d'autres mutineries avaient déjà fait 33 morts dans deux prisons de la région amazonienne, dans les Etats de Rondonia, frontalier avec la Bolivie, et de Roraima, limitrophe avec le Venezuela. A Manaus, les règlements de compte entre narcotrafiquants incarcérés ont pris une ampleur sans précédent depuis le massacre de Carandiru, qui avait fait 111 morts en 1992, à Sao Paulo. "Nous sommes parvenus à mettre fin à la mutinerie et à préserver la vie des otages", a expliqué M. Florencio.
Avant d'intervenir, les autorités locales patrouillaient déjà les lieux, à la recherche de dizaines de détenus qui s'étaient échappés. Une quarantaine de fugitifs sur un total de 184 au total ont été retrouvés. De nombreux membres des familles des prisonniers se sont massés devant la prison lundi à l'aube, mais les autorités n'ont toujours pas révélé l'identité des victimes, dont l'identification, rendu plus difficile par les décapitations, est en cours. Des photos circulant sur les réseaux sociaux, prises par des détenus et des policiers après le massacre, montrent des scènes de carnage insoutenables.
On y voit des dizaines de corps empilés, la plupart sans tête. "Nous vivons une guerre silencieuse du trafic de drogue et l'Etat se doit d'intervenir. Les factions se battent entre elles pour gagner plus d'argent, c'est une lutte de territoire", a alerté M. Fontes. Les mutineries sont fréquentes dans les prisons surpeuplées du Brésil, qui sont contrôlées en interne par ces factions criminelles. "Le problème commence avec la surpopulation carcérale", a expliqué à l'AFP Marco Fuchs, avocat de l'association de défense des droits de l'homme Conectas, spécialisée dans la défense des détenus.
"Quand on met dans la même unité pénitentiaire des détenus de factions rivales, l'Etat ne contrôle absolument pas ce qui se passe. Le crime organisé est aux commandes". Avec 622.000 détenus recensés par le ministère de la Justice fin 2014, le Brésil compte la quatrième population carcérale au monde, derrière les États-Unis, la Chine et la Russie. Pour faire face à la pression carcérale, le pays devrait augmenter de 50% la capacité de ses prisons, selon un rapport du ministère. Au niveau national, le taux d'occupation est de 167%, soit 1,67 détenu par place disponible, un chiffre qui s'élève à 2,59 en Amazonie, qui comptait 8.868 détenus en 2014.
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