Trois questions à Plinio Sist, directeur de l'unité Forêts et Sociétés au Centre de recherche agronomique pour le développement (Cirad), spécialisé dans les zones tropicales. Pour ce chercheur, face à la déforestation il faudra renforcer l’aide internationale directe aux États amazoniens pour pallier l’absence d’aide de l’État fédéral brésilien et aux dénégations de Jair Bolsonaro face à l'urgence.
Quelles sont les différentes fonctions de la forêt amazonienne et en quoi nous est-elle indispensable ?
La forêt amazonienne joue de très nombreux rôles indispensables. Elle abrite tout d'abord une des plus grandes diversités d'espèces de notre planète : plus de 40 000 espèces de plantes, dont 16 000 espèces d'arbres. Elle représente aussi un puit de carbone qu'elle stocke dans ses arbres. Elle joue également un rôle fondamental dans l'équilibre climatique du continent sud-américain et un rôle de régulation des cours d'eau très nombreux en Amazonie.
80% de la forêt amazonienne est dite primaire ou vierge. Donc rien n’est perdu ! La forêt primaire, c’est une forêt à l'équilibre. Elle constitue un des écosystèmes terrestres les plus complexes. Lorsqu'elle est coupée, elle est remplacée par un couvert forestier appelé forêt secondaire constituée d'espèces dites pionnières capables de pousser en pleine lumière. Petit à petit se succèdent des espèces d'arbres de moins en moins exigeantes en lumière pour finalement reconstituer la forêt primaire. Mais ce processus demande plusieurs siècles !
Plus précisément, pourquoi est-elle considérée comme le poumon de la planète ?
L'image du « poumon de la Terre » est erronée. Certes la forêt amazonienne produit de l'oxygène, mais elle en consomme aussi et le bilan est nul en réalité. Les véritables poumons de la terre ce sont les océans grâce au phytoplancton.
Mais la forêt amazonienne joue naturellement un rôle fondamental de régulation climatique en maintenant l'humidité en produisant de la vapeur d'eau, en régulant les réseaux hydriques. Elle est donc fondamentale à l'équilibre général du continent sud-américain.
La saison sèche ne fait que commencer elle doit se poursuivre jusque fin octobre. Si la forêt amazonienne devait disparaitre encore davantage, il y aurait effectivement un risque certain sur le climat et sur l'intensité et la durée des saisons sèches à venir.
Quelles devraient être les mesures à prendre pour sauvegarder ce patrimoine naturel et permettre aux populations qui l'habitent de subsister ?
Il faut continuer les efforts initiés depuis maintenant plus de dix ans, efforts qui avait positionné le Brésil comme le leader du combat contre la déforestation. Le Brésil s'est doté d'un système performant de suivi de la déforestation, et avait donné les moyens aux agences environnementales de vérifier sur le terrain les causes et de sanctionner les fautifs. De 20 000 km² en 1988, la déforestation est passée à 7 500 km² en 2018 et même à 4 600 km² en 2011-2012. Il faut donc envoyer les bons signaux et ne pas relâcher ses efforts.
Malheureusement, les nombreuses déclarations de Jair Bolsonaro ne vont pas dans ce sens, au contraire : il s'installe chaque jour davantage un sentiment d'impunité auprès des acteurs de la déforestation qui ne fait que croitre. Le Brésil est un État fédéral et les États amazoniens n'ont pas voté pour Jair Bolsonaro, car la plupart des Amazoniens sont aujourd'hui sensibles au problème. Dans de nombreuses communes, les agriculteurs veulent aller de l'avant et lutter contre la déforestation. Mais ils ne seront sans doute pas aidés par le gouvernement fédéral. Ce sera donc sans doute à l'aide internationale de développer, directement avec les gouvernements des États amazoniens, des programmes de lutte contre la déforestation.
2 Commentaires
Yes !
En Août, 2019 (17:03 PM)Avec 30 millions de km2 nous avons toute la place possible et imaginable pour le faire.
Africa the Geenest !
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