(Correspondant permanent à Paris) - Dans une interview avec le président ivoirien, Laurent Gbagbo, Le Figaro écrit que ‘Charles Pasqua a accusé Dominique de Villepin, alors secrétaire général de l'Elysée, d'avoir planifié le renversement de deux chefs d'Etat africains’. ‘Tout le monde a pensé que vous étiez l'un des deux concernés par l'allusion. Et vous ?’, demande le journal français à Laurent Gbagbo. Le chef de l'Etat ivoirien de répondre : ‘Eh bien, je fais partie de ‘tout le monde’ ’. Il promet tout de même de témoigner ‘un jour en détail’. ‘Mais, je pense que les dirigeants français de l'époque n'ont pas été sages. Ils ont nui à la France et ils ont nui à l'Afrique’, croit savoir le président Gbagbo. L'Ivorien pense que ‘c'était une très mauvaise idée’ que d'avoir imposé les Accords de Marcoussis. ‘S'il fallait recommencer Marcoussis, je ne le recommencerais pas. Mais, c'est du passé. On est sorti de la crise par l'accord de Ouagadougou, pas par Marcoussis’, fait-il savoir. ?Comment se portent alors les relations entre la France et la Côte d'Ivoire ? ‘Je ne porte pas de jugement idéologique. Je dis que depuis que Nicolas Sarkozy a succédé à Jacques Chirac, je me sens mieux. Je me sens plus à l'aise pour mener tranquillement la sortie de crise’, semble-t-il se réjouir, même s'il croit à sa manière l'existence de la Françafrique. ‘Si des gens songent à renverser un chef d'Etat dans un pays qui n'est pas le leur, alors, oui, elle existe encore’, répond-il au Figaro, tout en considérant que ‘les rapports de l'Afrique et de l'Occident ont changé avec la fin de la guerre froide’. ‘Mandela a été sorti de prison et présenté comme un modèle par ceux-là même qui le qualifiaient de terroriste. Les Etats africains ont accru leur indépendance. C'est valable pour la Côte d'Ivoire’, fait-il remarquer. Ce qui permet aux ‘ex-colonies françaises de s'ouvrir à tous ceux qui veulent les aider’. ‘Certes, elles sont plus à l'aise avec la France. Mais la langue n'est pas un lien qui maintient prisonnier. Le Rwanda, francophone à l'indépendance, est, sous nos yeux, en train de devenir anglophone. Les peuples africains s'adressent à d'autres pays à cause de la lourdeur et des conditions parfois humiliantes posées par l'ancienne puissance coloniale ou par l'Union européenne. Aujourd'hui, il est plus facile de discuter avec la Chine, l'Inde ou l'Iran pour l'industrie, et avec les pays arabes pour les prêts. Nous construisons l'autoroute Abidjan-Yamoussoukro avec des prêts de la Banque islamique de développement et de la Banque arabe pour le développement en Afrique. Ce n'est pas antifrançais, mais l'occasion se présentait, et la discussion était plus facile’, explique-t-il quand on lui a posé a question de savoir si les rapports économiques entre la France et son pays sont toujours spécifiques. ?
Le président ivoirien est revenu sur la question de l'organisation des élections dans son pays. Mais c'est pour dire qu'il ne lui revient pas de fixer la date. ‘C'est la Commission électorale indépendante (Cei) qui propose. La Cei a beaucoup de travail, car elle délivre en même temps les cartes d'électeurs et les cartes d'identité. La Cei dépend de l'Etat pour son financement, et je suis bien placé pour savoir que l'Etat ne dispose pas toujours de l'argent qu'il faut’, précise-t-il. ?Il a déclaré que les difficultés du processus électoral ont été ‘sous-estimées’. ‘Il y avait une voie plus facile. En 2007, après la signature des accords de Ouagadougou (...), j'avais proposé de faire remettre à jour les listes de 2000 par les préfets. On aurait pu tenir des élections en décembre 2007 ou courant 2008. On a choisi une autre solution. On a dépensé des sommes folles pour établir des cartes d'identité numériques, pour un résultat qui n'est pas meilleur. Mais nous sommes presque à la fin du processus’, espère Laurent Gbagbo. Qui considère que le million d'électeurs est résolu parce qu'il n'y a ‘plus de débat politique’ là-dessus. ‘Il ne s'agit plus que de cas individuels’, fait-il remarquer.
?Pour ce qui est de la Guinée, Gbagbo dit qu'il ne désespère pas qu'on trouve une solution. ‘Simplement, il faut que les Guinéens et la classe politique trouvent une solution interne et volontariste, comme nous l'avons fait. Mais, l'Europe ne doit pas regarder la Guinée avec condescendance. Où en était la France en matière de stabilité, cinquante ans après la prise de la Bastille ? C'est cent ans après les indépendances que l'on pourra juger’, avance-t-il. ?Le chef de l'Etat ivoirien souligne que la décision de conserver les frontières des pays africains au lendemain des indépendances était ‘sage’. ‘Mais, je pense que les Etats africains ne resteront pas dans ces frontières. Je ne pense pas à des guerres, mais à des alliances et à des accords. Il y aura des regroupements sous forme de fédérations ou de confédérations, qui ne seront pas construites sur des bases idéologiques mais pragmatiques’, fait-il savoir.
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