Artisan de l'internationalisation de Samsung, il a développé l'entreprise de son père pour en faire le plus grand conglomérat de Corée du Sud.
Le président de Samsung, Lee Kun-hee, artisan du succès mondial du conglomérat sud-coréen, est mort. M. Lee, 78 ans, était plongé dans le coma depuis une crise cardiaque subie en mai 2014. Il était traité au centre médical Samsung, à Séoul.
"C'est avec grande tristesse que nous annonçons la mort de Lee Kun-hee, président de Samsung Electronics", a déclaré le premier chaebol ("conglomérat") sud-coréen. "Le président Lee est décédé dimanche 25 octobre en présence de sa famille, y compris le vice-président Lee Jae-yong". Lee Jae-yong, aujourd'hui vice-président, dirige le groupe depuis l'hospitalisation de son père.
"Le président Lee était un véritable visionnaire qui a transformé Samsung en faisant d'une entreprise locale un leader mondial de l'innovation et de la puissance industrielle", a souligné la société, ajoutant : "Son héritage est éternel."
"Changez tout, sauf votre femme et vos enfants"
Né à Daegu (centre de l'actuelle Corée du Sud) en 1942, M. Lee était le septième des huit enfants – et troisième fils – de Lee Byung-chul (1910-1987), lui-même fils d'un riche propriétaire terrien et fondateur, en 1938, de Samsung Sanghoe (littéralement "la maison de commerce trois étoiles"), prospère société d'exportation de fruits, de légumes et de poisson vers la Mandchourie et Pékin.
Diplômé de l'université japonaise Waseda et titulaire d'un MBA obtenu à l'université américaine George-Washington avant d'intégrer Samsung en 1968, Kun-hee a pris les rênes du groupe en 1987, deux semaines avant la mort du fondateur. Il devançait ses aînés, alors que les principes confucianistes, très ancrés en Corée, auraient voulu qu'il s'efface.
Le patriarche l'a voulu autrement. En 1966, un scandale oblige Lee Byung-chul à quitter provisoirement la tête de la société. Il confie alors la direction de Samsung à son aîné, Maeng-hee (1932-2015). "Avant six mois, écrit-il dans ses Mémoires, toute l'entreprise était en plein chaos." Déçu, il choisit en 1976 comme successeur Kun-hee.
Une fois aux commandes, Kun-hee, surnommé "Chairman Lee", décide de réformer un groupe lancé après la guerre de Corée (1950-1953), dans la distribution, l'assurance et la finance, puis dans l'électronique à la fin des années 1960 grâce à un rapprochement avec le japonais Sanyo et enfin, la décennie suivante, dans la construction navale, la chimie et la construction.
"Changez tout, sauf votre femme et vos enfants", lance-t-il en 1993 au personnel, avec l'idée de sortir de la logique de production massive de produits de qualité moyenne. Il ouvre la porte à l'internationalisation de l'entreprise. Peu à peu, le développement s'articule autour du joyau Samsung Electronics, qui s'impose sur le marché des nouvelles technologies, à commencer par la téléphonie mobile et les microprocesseurs.
Sans cesse à l'affût d'innovations, Chairman Lee ne se satisfait pas des succès engrangés. "La majorité de nos produits d'aujourd'hui auront disparu dans dix ans", affirme-t-il en 2011. A travers des rapprochements, il veut que Samsung Electronics développe de nouvelles activités, axées sur les technologies environnementales, comme les panneaux solaires, les batteries ou l'éclairage aux LED, et médicales.
En 2020, ses revenus équivalent à 23 % du produit intérieur brut (PIB) de la Corée du Sud. Et les 89 sociétés de sa complexe structure capitalistique assurent 13 % des exportations du pays.
En marge de la direction de Samsung, M. Lee fait partie du Comité international olympique (CIO), jouant un rôle important dans l'obtention des Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang en 2018. Il a fondé en 2004 le remarquable Musée d'art Samsung Leeum, par la suite dirigé par son épouse, Hong Ra-hee.
Scandales et caisse noire
Son règne reste toutefois entaché de scandales. Chairman Lee a maintenu les liens de son entreprise avec le pouvoir, noués par son père, un proche du président autoritaire Park Chung-hee (1961-1979). M. Park avait été à l'initiative du développement des chaebols dans le cadre de sa "stratégie de développement déséquilibré", qui visait à attribuer les quelques ressources disponibles d'un pays appauvri à un petit nombre d'entreprises.
En 2008, Samsung se trouve accusé de corruption. Le groupe avait créé une caisse noire pour acheter des procureurs, des juges ou encore des politiciens influents. Condamné à sept ans de prison, Lee Kun-hee bénéficie fin 2009 du pardon du président, Lee Myung-bak (2008-2013). Il semble que la faveur présidentielle ait été octroyée en échange de pots-de-vin.
Cette affaire a aussi ravivé les violents conflits au sein de la famille dirigeante de Samsung. L'enquête a révélé que Chairman Lee possédait des actions du groupe et de ses filiales sous des prête-noms, un fonctionnement mis en place par son père Lee Byung-chul pour faciliter la transmission à son fils. Son frère aîné, Lee Maeng-hee, réclame alors sa part.
Sa sœur Sook-hee également, relançant le conflit ouvert avec Chairman Lee lors de son mariage, en 1956, avec le fils du fondateur du groupe qui allait devenir le géant de l'électronique LG, principal rival sud-coréen de Samsung.
Une fortune estimée à 17,7 milliards d'euros
Sur le plan familial, Lee Kun-hee était de la "vieille école". L'une de ses trois filles s'est suicidée en 2005 car il aurait refusé de la laisser épouser celui qu'elle avait choisi. Selon la rumeur, il s'agissait du fils du dirigeant du cinquième chaebol sud-coréen Lotte. Son défaut ? Etre né d'un remariage, inadmissible en Corée.
Aujourd'hui se pose pour Samsung à nouveau les questions d'héritage, la fortune de Lee Kun-hee étant estimée par Forbes à 17,7 milliards d'euros. Depuis la crise cardiaque de 2014, le conglomérat cherche à réduire le coût de la succession, estimé à 7,6 milliards d'euros, au profit de Jae-yong, surnommé "la Fleur cultivée sous serre", et ses deux sœurs, Boo-jin, qui dirige la branche hôtelière de Samsung, Hotel Shilla, et Seo-hyun, en charge de la Samsung Welfare Foundation.
Cette simplification se fait grâce à une révision de la structure complexe de participations croisées du géant. Un processus opaque, au cœur des poursuites lancées en 2017 contre Jae-yong, accusé de corruption et de détournement de fonds, qui a par ailleurs assuré qu'il ne voulait pas transmettre le groupe à ses enfants.
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