Les membres de l'Association des victimes de tortures et de crimes sous Hissène Habré réclament justice à l'Etat du Sénégal, après 19 ans de poursuites judiciaires contre l'ancien président tchadien, auteur de ‘crimes contre l’humanité’. Ils accusent les autorités sénégalaises d’être la principale cause de la lenteur dans la tenue du procès contre l’ex-président Hissène Habré. C’est dans cet ordre d’idées que s’inscrivent les propos tenus hier par la présidente de cette organisation, Mme Jacqueline Mouréna. Pour elle, ‘la position de l'Etat du Sénégal consistant au refus de juger cet homme se fonde essentiellement sur des raisons politiques. Cela constitue une nouvelle torture pour les familles des victimes et les rescapés’.
Mme Mouréna a aussi fait la genèse des procédures judiciaires intentées depuis plus d’une décennie pour réclamer le jugement de l'ex-président du Tchad. Et si cela tarde tant à bouger, c’est parce que ‘le juge d'instruction subit des pressions de la part du pouvoir. C'est pourquoi nous avons intenté trois procédures judiciaires : au Sénégal, en Belgique et au Tchad même. Pour que justice soit rendue à qui de droit et pour que les responsabilités soient situées, de même que l’on connaisse enfin le degré d'implication de tout un chacun dans cette affaire’.
L’avocat sénégalais Me Sidiki Kaba s’est, quant à lui, penché sur l'aspect financier posé par le Sénégal pour juger le président Hissène Habré. ‘Cette condition financière souffre de transparence et de crédibilité. C'est pourquoi l'Union européenne n'a toujours pas financé le procès. Il appartient au Sénégal d'ajuster le montant des 18 milliards réclamés pour la tenue du procès et de préciser toute la transparence requise pour que le procès puisse être tenu dans les plus brefs délais’, a-t-il déclaré hier, lors d’une rencontre avec la presse nationale et internationale, en présence de son confrère Me Demba Ciré Bathily et d’organisations de défense des droits de l'homme comme l’Ondh et la Raddho.
Le président déchu du Tchad est poursuivi pour crimes contre l'humanité, tortures, assassinats politiques et violation des droits humains. Selon un rapport de l'Ong internationale Human Rights Watch, Hissène Habré est responsable d'assassinats politiques de 40 mille personnes, d'exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées. A cela, s'ajoutent 1 200 cas de tortures notés à son compteur. Le dictateur tchadien est aussi accusé d'avoir ordonné le meurtre de plusieurs milliers de personnes pour des raisons politiques, au cours des huit années passées à la magistrature suprême. Les exactions et exterminations ont commencé dès son accession au pouvoir en 1982 à la faveur d'un coup d'Etat militaire. Il fut destitué et forcé à l'exil au Sénégal en 1990 par l'ancien commandant des Forces armées et actuel président du Tchad, Idriss Déby.
Me DEMBA CIRE BATHILY (COORDONNATEUR DES AVOCATS AU SENEGAL) : L'Union européenne est prête à financer le procès
Le coordonnateur des avocats sénégalais des familles victimes de crimes et de torture sous le règne de l’ancien président tchadien Hissène Habré, Me Demba Ciré Barhily, a déclaré hier que l'Union européenne est prête pour financer le procès de M. Habré. L'avocat fait cette révélation pour ainsi prouver à la face du monde que ‘seul notre pays traîne le pas pour la tenue de ce procès tant attendu par les familles des victimes et les rescapés des tortures, assassinats politiques et exterminations dont l'ancien président du Tchad est présumé être auteur’. L'Etat du Sénégal avait demandé à l'Union européenne le montant de 18 milliards de francs Cfa pour que la tenue du procès contre l'ancien président tchadien soit organisée sur le territoire national.
Me Demba Ciré Barhily a, par ailleurs, fait remarquer leur volonté de surseoir à la déposition de plainte des 14 familles victimes, auprès du doyen des juges d'instruction, prévue hier matin. Motif invoqué pour le report : permettre au tout nouveau ministre de la Justice de s'installer et de prendre connaissance du dossier relatif à l'affaire dite Hissène Habré. Selon l'avocat, les membres des familles des victimes et les rescapés ont pris cette mesure par courtoisie républicaine. ‘Le seul moyen de nous affranchir des tribunaux internationaux et des mandats arrêts décernés contre nos dirigeants est de prendre la responsabilité de juger nous-mêmes les fils du continent accusés de crimes’, soutient-il.
L'avocat rappellera également à l'Etat du Sénégal ses obligations par rapport aux traités et conventions internationaux ratifiés. ‘Le Sénégal a l'obligation de juger Hissène Habré, en vertu de la convention du Comité des nations unies contre la torture (Cat), ratifiée par notre pays. Il doit honorer ses engagements vis-à-vis des organisations internationales de défense des droits de l'homme’.
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