Le 12 avril dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky accusait les troupes russes de “déporter” des centaines de milliers d’Ukrainiens en Russie, pour garantir leur silence sur des crimes de guerre présumés commis par les troupes russes. Plusieurs d’entre eux, originaires de Marioupol, ont livré des témoignages poignants sur l’expérience glaçante qu'ils ont vécus.
“C’était comme un vrai camp de concentration”. Voici les mots forts d’Aleksandr, un Ukrainien de 49 ans, à la BBC. Cet habitant de Marioupol a quitté la ville portuaire, assiégée par les troupes russes, et a directement été emmené dans un camp dit “de filtration” tenu par des Russes dans une ancienne école du village de Nikolske, au nord-ouest de Marioupol.
Aleksandrl était accompagné par Olena, également originaire de Marioupol. Elle a également raconté ce qu’elle a vécu. “Il n’y avait qu’une seule toilette et un seul lavabo pour des milliers de personnes. C’était impossible de se laver ou de se nettoyer, ça sentait extrêmement mauvais”.
Dans ce camp russe, des officiers les ont interrogés pendant plusieurs heures après avoir pris leurs empreintes digitales et les avoir photographiés. Les autorités russes ont également regardé dans leurs téléphones pour “tenter de trouver des liens avec des journalistes ou autorités ukrainiennes.” “Si quelqu’un était suspecté d’être ‘un nazi ukrainien’, ils l’emmenaient à Donetsk pour continuer à l’interroger ou le tuer”, affirme Aleksandr. Heureusement, les deux Ukrainiens ont finalement pu rejoindre Lviv, à l’est de l’Ukraine.
Dimtry, un autre habitant de Marioupol ayant fui la ville avec sa famille, a, lui aussi, été obligé de passer par un camp “de filtration”. “Ils prennent nos empreintes, vérifient nos passeports, mais surtout ils soumettent tout le monde à une pression très forte”, confie-t-il à France Info. “On a subi des violences psychologiques, avec des interrogatoires très longs et agressifs. Tout ça pour en laisser sortir une dizaine par jour seulement sur les centaines qui attendent”.
Plus de 600.000 réfugiés en Russie
Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, au 24 avril, il y avait 605.815 réfugiés en Russie. Le HCR indique que 105.000 personnes sont passées des territoires séparatistes prorusses de Donetsk et de Lougansk en Russie entre le 18 et le 23 février.
Il y a quelques jours, Volodymyr Zelensky accusait la Russie de détenir des Ukrainiens dans des “camps spéciaux”. “Ils sont emmenés dans des camps spéciaux. On leur enlève leurs papiers, ils sont interrogés, humiliés. On ne sait pas combien d’entre eux sont tués”, affirmait-il.
“Toutes les personnes qui sont allées vers des territoires contrôlés par les Russes ont disparu”, a également déploré le président ukrainien sur BFMTV. “Vous devez savoir que toutes ces personnes ont disparu, dont plusieurs enfants qui sont allés dans cette direction. Elles se trouvent dans des camps spéciaux sur le territoire russe. C’est une grande tragédie.”
Kiev dit soupçonner la Croix-Rouge d’être “complice” de la Russie
Le 21 avril dernier, une responsable ukrainienne a reproché au Comité international de la Croix-Rouge de ne pas coopérer avec son pays sur le sort de réfugiés ukrainiens en Russie. “Le CICR ne remplit pas son mandat” concernant les personnes évacuées, selon elle de force vers la Russie par l’armée russe, a lancé Lioudmyla Denissova, chargée des droits humains auprès du Parlement ukrainien à la télévision ukrainienne. “Je les soupçonne d’être complices” de la Russie, a-t-elle poursuivi, après s’être entretenue mercredi avec un responsable de la branche ukrainienne du CICR.
“Cela fait un mois que j’essaie de voir le président du CICR pour discuter avec lui de la déportation de nos citoyens vers la Russie. J’essaie de le faire après que le président du CICR a dit que le CICR allait ouvrir une représentation à Rostov-sur-le Don (sud de la Russie à la frontière avec l’Ukraine, ndlr) et encourager l’accueil des Ukrainiens sur le territoire de l’Etat-agresseur”, a déclaré Mme Denissova.
“Aujourd'hui, j’ai rencontré le représentant de la branche ukrainienne de la Croix-Rouge à qui j’ai écrit 120 lettres au sujet de la recherche de nos citoyens. Je n’ai reçu aucune réponse”, a-t-elle dit mercredi.
Elle a cité les chiffres de l’ONU, selon lesquels 550.000 réfugiés ukrainiens se trouvent en Russie dont 121.000 enfants. “Où se trouvent-ils? Dans des camps de filtration? Dans des foyers temporaires? On a des témoignages de gens qui ont été amenés” en Russie, a-t-elle dit.
Mme Denissova a dit avoir demandé à son homologue russe Tatiana Moskalkova de lui fournir les listes des Ukrainiens réfugiés en Russie afin de travailler avec la Croix-Rouge pour leur rapatriement: “Zéro réponse de sa part et de la part du CICR”.
Le CICR “rejette fermement ces fausses accusations”
Interrogé par l’AFP, le CICR a “fermement rejeté ces fausses accusations” en assurant une nouvelle fois ne pas “effectuer d’évacuations forcées” et en rappelant que l’organisation avait “facilité le passage volontaire de civils et de blessés en toute sécurité vers d’autres villes ukrainiennes”.
L’organisation a confirmé “avoir exploré la possibilité d’ouvrir un bureau à Rostov-sur-le-Don” afin “d’alléger les souffrances des personnes touchées par le conflit armé”.
“Construire et entretenir un dialogue avec les parties d’un conflit est essentiel pour avoir accès à toutes les personnes affectées et obtenir les garanties de sécurité nécessaires pour que nos équipes apportent une aide vitale”, a souligné le CICR.
Le CICR a également dit avoir eu mercredi “une réunion positive et constructive” avec la chargée des droits humains ukrainienne et avoir “répondu aux préoccupations des autorités sur ces questions de manière bilatérale et confidentielle”.
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