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Michelle Obama, la First Lady authentique

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Michelle Obama, la First Lady authentique
À l’automne 2006, alors que l’idée d’une candidature le titille de plus en plus, Barack Obama réunit ses conseillers à Chicago. Michelle, sa femme, est là. Mais, pour une fois, on ne discute pas de grandes idées, d’espoir ou de changement. Michelle bombarde l’équipe de questions pratiques : comment vont-ils lever des fonds ? Comment comptent-ils contrecarrer Hillary ? Y a-t-il vraiment une chance de victoire ? Doit-on craindre des tentatives d’assassinat ?

Dans la famille Obama, Barack est le "rêveur". Et Michelle, son "rocher", comme il l’appelle. Celle qui lui maintient les pieds sur terre. Et le "rocher" n’a jamais aimé la politique. "Un gaspillage de temps", résumait au début de la campagne cette Noire immense, toujours suprêmement élégante. Elle freine donc des quatre fers lorsque Barack lui annonce ses intentions. À 44 ans, elle a déjà vécu - ou plutôt survécu - à plusieurs campagnes électorales. Elle sait que cela va perturber l’existence de ses deux filles, Malia, 9 ans, et Sasha, 6 ans. Elle sait aussi qu’elle va être propulsée sur le devant de la scène, elle qui n’a jamais recherché les projecteurs. Elle sait enfin qu’une campagne présidentielle est une empoignade sanglante dont son cher époux risque de ressortir bien amoché. Quelques semaines plus tard, les conseillers lui remettent un plan qui détaille budget et stratégie. Michelle donne son feu vert. À deux conditions : la vie de famille devra être protégée au maximum et Barack doit arrêter de fumer !

Michelle s’est rendue célèbre par ses descriptions caustiques de son cher et tendre

Michelle n’a guère de tendresse pour la politique. Mais elle supporte encore moins l’échec - dixit son frère, une ex-star du basket qui entraîne l’équipe de l’université Brown. Donc, pas question pour elle de jouer l’épouse potiche. Au fil des mois, Mme Obama se plonge avec passion dans la campagne. Elle donne des interviews, fait la une de Newsweek , tient ses propres meetings électoraux... Michelle n’est pas Barack. Si l’on en doutait, il suffit de les écouter en campagne. Partout, il envoûte les foules avec ses grandes envolées lyriques. Michelle rappelle la salle à des réalités plus terre-à-terre : "Vous devez aller voter, il n’y a pas d’autre option et on se fiche de vos excuses, s’il pleut ou si vous êtes fatigués."

Lui essaie d’être nuancé, courtois, positif, même à l’égard de ses adversaires. Elle pratique la franchise brute, directe, impulsive. Interrogé lors d’un débat sur le choix de Hillary Clinton comme colistière, Barack Obama répond diplomatiquement : "Tout le monde la placerait en tête de liste." Mais, quand on demande à sa femme si elle voterait pour Hillary, elle lâche : "Ça mérite réflexion." "Elle a la dent un peu plus dure que moi", plaisante son mari. Elle a aussi un humour mordant qui lui a attiré bien des critiques. Michelle s’est rendue célèbre par ses descriptions caustiques de son cher et tendre. Il a des "grandes oreilles", laisse traîner ses chaussettes sales, "ronfle et sent mauvais le matin"... Il n’est pas le prochain "Messie qui va tout arranger". Cela partait d’un bon sentiment. En le montrant sous son vrai jour, pensait-elle, elle éviterait à ses fans d’être déçus. Las, on lui a reproché de l’ "émasculer" !

Michelle ne ménage pas plus Barack en coulisse. Son rôle, dit-elle, c’est celui du rabat-joie. Elle qui sait être ferme, combative, pragmatique se moque de son idéalisme, lutte contre son dilettantisme, l’oblige à mettre le nez dans les détails alors qu’il adore la grandiloquence, et lui rappelle surtout qu’ "il n’est qu’un homme" lorsque, au sortir des bains de foule, son ego enfle démesurément.

"J’essaie d’être moi-même de la manière la plus authentique possible"

Diplômée de Harvard, avocate comme lui et pratiquement de même taille juchée sur des talons, Michelle peut se targuer d’être l’égale de son mari. Mais elle se garde bien de vendre une coprésidence à la manière des Clinton en 1992. Devant les électeurs, elle s’est fait une spécialité : le discours réaliste sur les galères de la femme moderne qui jongle à longueur de journée entre métier, maison et marmots. Avec un job à 275.000 dollars par an et une superbe maison dans un quartier chic de Chicago, elle n’est pas exactement Madame Tout-le-Monde. Qu’importe ! Ça lui attire les sympathies des femmes et des Noires, électorat longtemps fidèle à Clinton.

Avec une assurance et un bagou impressionnants, elle parle de la famille et de ses filles, "la chose la plus importante au monde". Elle décrit ses efforts pour maintenir un semblant de normalité à la maison - pas facile quand les gorilles des services secrets campent devant la porte -, ses contorsions pour ne pas louper le spectacle de danse de l’aînée ou les réunions de parents d’élèves. La plupart des hommes politiques restent discrets sur leur vie privée. Pas Michelle. Elle raconte comment sa mère joue les baby-sitters, évoque ses courses au supermarché et donne même des détails dont l’électeur se passerait volontiers, comme ses démêlés avec les toilettes bouchées. Elle évoque aussi les tensions dans leur couple. Dans son livre, L’Audace de l’espoir , Barack Obama raconte qu’elle lui a jeté : "Tu ne penses qu’à toi... Je n’aurais jamais imaginé que je devrais élever une famille toute seule." "J’essaie d’être moi-même de la manière la plus authentique possible, confie-t-elle au New York Times . Mes déclarations découlent de mes expériences, de mes observations et de mes frustrations."

Sa bio est moins exotique que celle de Barack. Mais elle en joue autant. Peut-être parce qu’elle incarne cet espoir que son mari ne cesse d’invoquer. Elle retrace à satiété sa jeunesse dans un quartier noir modeste de Chicago. Son père employé du service des eaux qui a travaillé dur toute sa vie, alors même qu’il souffrait de sclérose en plaques. Les sacrifices de ses parents pour les envoyer, elle et son frère Craig, à Princeton, puis à Harvard. Dans ses discours, Barack Obama évite soigneusement la question raciale. Sa femme l’aborde tout le temps. "Je ne devrais pas être ici, déclarait-elle à un meeting dans le Delaware. En tant que Noire du quartier de South Side à Chicago, je n’étais pas censée aller à Princeton. On me disait aussi que je ne devrais pas tenter Harvard. Et je ne devrais pas non plus être là pour devenir peut-être la prochaine First Lady des États-Unis ."

"Mon rôle de First Lady ? Il y a des tas de possibilités"

De retour à Chicago, elle est engagée par une firme d’avocats prestigieuse. C’est là, en 1989, qu’elle rencontre un stagiaire du nom de Barack Obama. Malgré les assauts répétés du futur candidat, elle reste insensible à son charme jusqu’au jour où elle l’entend parler dans un sous-sol d’église du "monde tel qu’il est et du monde tel qu’il devrait être". Elle est conquise. Ils se marient. Elle abandonne une carrière lucrative pour travailler à la mairie, puis dans une ONG, avant de devenir vice-présidente de l’hôpital de l’université de Chicago.

Aujourd’hui, elle a pris un congé sans solde et se consacre à la campagne. Ce qui n’est pas allé sans mal. Il y a eu d’abord quelques controverses. Elle a dû démissionner l’an dernier du conseil d’administration de TreeHouse Foods, un fournisseur des hypers Wal-Mart, groupe dont son mari critique la politique sociale. Elle a dû aussi tempérer ses sarcasmes. Elle présente désormais Barack comme "l’un des hommes politiques les plus brillants que vous verrez dans votre vie". Ce qui ne l’empêche pas de garder son franc-parler. "Pour la première fois de ma vie d’adulte, je suis vraiment fière de mon pays", a-t-elle clamé en février. Une gaffe qui l’a fait taxer aussitôt d’antipatriotisme, et à laquelle elle n’a pas tardé à répondre : "Je suis une fille qui a grandi dans un milieu modeste à Chicago. Laissez-moi vous dire que, bien sûr, je suis fière. Nulle part ailleurs qu’en Amérique, mon histoire n’aurait été possible."

Du coup, les républicains la portraituraient comme une égérie noire extrémiste et hargneuse. Depuis cet été, Michelle fait donc tout pour adoucir son image. Même sa voix a changé, plus douce, plus feutrée. Lors de la convention démocrate, en août, son discours était prononcé sur un ton de conversation de salon. Elle participe désormais à des émissions pour les ménagères où on la voit mitonner des beignets de crevettes. Elle arbore parfois des robes H&M. Il n’y a qu’un sujet sur lequel elle reste évasive : son rôle de First Lady. "Il y a des tas de possibilités", lâche-t-elle. Au Texas, à un supporteur qui lui posait une fois de plus la question, elle lance : "M’occuper de mes filles pour être sûre qu’elles s’adaptent bien à la Maison-Blanche."



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