Non, les Gaulois ne sont pas les "ancêtres" des Français

Le virage à droite toute de Nicolas Sarkozy et sa définition de l'identité française ont suscité de nombreux remous dans l'Hexagone. Une référence approximative aux "ancêtres gaulois" a particulièrement attiré l'attention. Il faut dire que les Gaulois n'avaient pas grand'chose à voir avec la population française actuelle... "Si l'on veut devenir français, on parle français, on vit comme un Français. Nous ne nous contenterons plus d'une intégration qui ne marche plus, nous exigerons l'assimilation. Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont gaulois.

'J'aime la France, j'apprends l'histoire de France, je vis comme un Français' doit se dire celui qui devient français". La prose nationaliste de l'ex-président de la République s'inscrit déjà comme l'un des moments forts de la bataille de l'Élysée. Elle tranche en effet par sa radicalité et flirte avec le discours de l'extrême-droite. Mais qu'en est-il de la rigueur scientifique de cette référence historique? En quoi les Gaulois sont-ils les ancêtres des Français?

"Prédécesseurs", pas "ancêtres"

Le journal Libération, par la plume de son emblématique directeur de publication Laurent Joffrin, n'a pas raté l'occasion de démonter le candidat des Républicains. Car les Gaulois ne sont pas "les ancêtres" des Français mais plutôt leurs "prédécesseurs lointains sur le territoire actuel de la France", au même titre que les Etrusques en Toscane, les Phocéens à Marseille ou les Amérindiens aux Etats-Unis. Langue française La langue française possède d'ailleurs peu de mots hérités du "gaulois".

Dans son essai "Le français dans tous les sens", la célèbre linguiste Henriette Walter en distingue 71, dans une liste "pas loin d'être exhaustive": alouette, barde, charrue, druide, gobelet, lieue (distance), lotte, mouton, sapin, vassal, etc. Ils concernent pour la plupart "leur mode de vie, le monde agricole, la pêche, la chasse", précise la linguiste. Le français vient du latin Tout le monde le sait, "le français est une langue romane, issue du latin parlé en Gaule, et non pas une langue celtique, venue du gaulois".

Il faut savoir également que d'autres peuples ont précédé les Gaulois sur le territoire français actuel et/ou ont continué à y vivre en même temps qu'eux: les Ibères, les Aquitains (ancêtres des Basques), les Ligures, etc. Le français est la plus germanique des langues romanes. Il a en outre été très largement enrichi par des emprunts ou des influences venus de langues voisines. Par ailleurs, le nom-même de la France est hérité des "envahisseurs" germaniques: les Francs.

Apport de l'arabe

Si l'imagerie gauloise d'Asterix et Obélix caresse le peuple français dans le sens du poil, le lien qui unit les Gaulois aux Français s'avère finalement beaucoup moins riche que Nicolas Sarkozy ne tente de le prouver. Ironie de l'Histoire, le français a d'ailleurs emprunté énormément de mots à la civilisation arabe, directement ou indirectement (via le latin, l'italien, l'espagnol): alcool, alambic, sirop, guitare, hasard, chiffre, algèbre, zéro, amiral, gilet, gazelle, talc, etc. soit autant de mots d'usage quotidien bien plus utilisés que les 71 mots désuets des fameux "ancêtres gaulois"...

Vercingétorix Bref, comme le rappelle Laurent Joffrin, "à l'époque de Vercingétorix, la France n'existait pas" et elle est née bien plus tard, au Moyen Âge, au rythme des victoires des Capétiens, au fil des guerres contre ses voisins, des guerres de religion et, enfin, des apports de la Révolution française. La référence gauloise ressemble dès lors à une image d'Epinal destinée à émouvoir par l'exploitation erronée de l'Histoire une frange de la population française, effrayée par l'islam, attirée par l'assimilation, et qui exige toujours de la même communauté française musulmane qu'elle abandonne ses origines.

Les ancêtres des Français sont peut-être un peu gaulois, mais ils sont aussi "wisigoths, burgondes, francs, vikings, juifs, arabes, espagnols, italiens, polonais, arméniens, portugais", et même hongrois, comme ceux d'un certain Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa. Et il faudra bien que les "Français" l'acceptent un jour...