Les autorités ont donné de nouveaux signes pour tenter d'apaiser la colère des policiers, qui ont participé dans la nuit de jeudi à vendredi à de nouvelles manifestations spontanées pour réclamer davantage de moyens et de considération. De Bruxelles, où il participait à un Conseil européen, François Hollande a notamment annoncé qu'il recevrait en début de semaine prochaine des organisations de policiers pour recueillir leurs doléances. "Je sais qu'il y a ce malaise qui est profond depuis longtemps chez nos fonctionnaires de police et de gendarmerie", a déclaré le chef de l'Etat, qui avait jusqu'à présent laissé ses ministres Bernard Cazeneuve et Jean-Jacques Urvoas en première ligne dans ce dossier.
Bête noire des manifestants, le directeur général de la police nationale a quant à lui affirmé que l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) privilégierait une approche pédagogique à l'égard des protestataires, sous-entendant par là qu'il n'y aurait probablement pas de sanctions. "L'expression de la colère des policiers peut être considérée comme légitime. Les policiers sont soumis depuis quasiment deux ans à une forte pression, liée aux attentats, liée à l'Euro 2016, liée à la COP 21, aux conflits sociaux", a dit Jean-Marc Falcone sur Europe 1. Il a également parlé d'une "fatigue incontestable des forces de l'ordre, à tous les niveaux de la hiérarchie, dans tous les services" et précisé qu'il ferait des propositions la semaine prochaine à son ministre de tutelle, Bernard Cazeneuve.
Dans la nuit, des policiers ont à nouveau défilé à Paris et dans plusieurs villes de province, comme Marseille et Bordeaux, où ils étaient plus d'une centaine, ou Angoulême, où plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées. De source proche de la police nationale, on évalue à environ 3.000 le nombre de policiers qui ont manifesté dans 25 villes, dont 500 à Paris. Parti de l'Essonne lundi soir, ce mouvement de protestation a éclaté après une attaque au cocktail Molotov dans ce département le 8 octobre, à Viry-Châtillon, qui a grièvement blessé deux policiers, dont un est toujours hospitalisé à Paris.
SYNDICATS DIVISÉS
Une demi-douzaine de mouvements spontanés ont eu lieu depuis les années 1980, mais c'est la première fois que la base marque une triple rupture avec l'exécutif, la hiérarchie policière et les organisations représentatives, par ailleurs divisées. Pour tenter de reprendre la main sur un mouvement lancé hors de tout cadre syndical, Unité SGP police FO a appelé à une "marche de la colère policière et citoyenne" le 26 octobre à Paris et en province. Refusant de s'associer à cette initiative présentée comme une tentative de "récupération", une intersyndicale réunissant notamment Alliance a appelé vendredi à des rassemblements silencieux tous les mardis devant les palais de Justice.
L'opposition de droite a pour sa part saisi ce mouvement d'exaspération pour dénoncer la politique pénale et sécuritaire menée depuis 2012. Les réunions de concertation organisées cette semaine avec le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, n'ont pas suffi à désamorcer la fronde policière. Le ministre de l'Intérieur, qui a affirmé avoir répondu à plusieurs des revendications policières depuis le début du quinquennat, a annoncé qu'une concertation avec les personnels de la police nationale débuterait lundi dans chaque département.
Un "plan sécurité publique dédié aux policiers et aux gendarmes" sera annoncé en novembre. Le ministre de la Justice s'est engagé pour sa part à transmettre aux organisations syndicales "les chiffres sur la réalité de la réponse pénale concernant les atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique". Les syndicalistes ont fait part de leur déception à l'issue des réunions, estimant que leurs revendications étaient loin d'être satisfaites.
(Simon Carraud et Gérard Bon, avec Jean-François Rosnoblet à Marseille et Claude Canellas à Bordeaux, édité par Yves Clarisse)
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