« Pape Diouf secrétaire d’Etat ? » : C’est par ce titre question, que le site Africa Intelligence parle des contacts (peu médiatisés) entre l’Elysée et l’ancien Président de l’OM.
"L’ancien président de l’OM (Olympique de Marseille), qui prenait un pot le 10 juillet au Bristol avec Xavier Boucobza, ex-conseiller juridique de Robert Louis-Dreyfus, a été reçu le même jour à l’Elysée par Nicolas Sarkozy"
On connaît l’engouement de notre Président pour le sport et notamment le football, et on pourrait croire qu’il s’agissait d’une rencontre amicale et sportive, mais il semble que cette rencontre ait été moins anodine qu’on pourrait le penser, puisque : Mercredi, Pape Diouf était convoqué dans le bureau de Rama Yade, la secrétaire d’Etat aux Sports, pour évoquer certaines problématiques du foot professionnel. Selon L’Equipe, aucune mission ne lui a été confiée. Mais l’ancien agent est un homme demandé. Il ne dévoilera ses projets d’avenir qu’une fois ses problèmes réglés. - Source 20Minutes
"Pour Pape Diouf, ce serait effectivement une belle reconversion pour l’ancien journaliste et agent de joueurs, plutôt classé ... à gauche !" comme le fait remarquer Le Télégramme
Car pour ceux qui l’ignoreraient, Pape Diouf a fait ses débuts de journaliste, comme " pigiste à La Marseillaise, un journal communiste. Diouf ne se définira pas comme communiste mais plutôt tiers-mondiste à tendance gauche. Ensuite, il deviendra journaliste sportif à La Marseillaise et sa tâche sera de couvrir toutes les activités sportives de l’ Olympique de Marseille " - Source Web libre
D’ailleurs comme l’écrit Backchich : " À l’occasion de la dernière élection présidentielle en 2007, le président de l’OM n’avait pas caché que son inclinaison politique le poussait plutôt vers la Madone du Poitou, alias Ségolène Royal, plutôt que vers le petit Neuilléen Sarkozy" - Source Bakchich
Or, au delà des qualités humaines et professionnelles de l’homme, on se dit à la lecture de son parcours, comment l’Elysée et ses communicants pourraient l’instrumentaliser et jouer sur deux tableaux : l’ouverture à gauche et la diversité au gouvernement
L’histoire de Diouf, c’est celle d’un jeune immigré fan de foot et de basket. Né le 18 décembre 1951 à Abéché, au Tchad, sa vie invite au voyage ... / ... Une famille sénégalaise moyenne, une enfance « normale ». Pape est plutôt bon élève, il court les ballons de toutes sortes (foot, basket et handball). .../ ...
À la fin de 1969, premier tournant. À 18 ans, le grand échalas débarque à Marseille. Surprise : « Je croyais arriver à l’école militaire pour trois années d’études avant de rentrer chez moi », se souvient-il. L’austère et peu avenant capitaine Ducasse, chargé de son intégration, lui explique que c’est en fait d’engagement pur et simple qu’il s’agit. Pape refuse, son père se fâche. C’est la rupture. Et le spleen : pas d’argent, les os glacés par ce satané mistral, la nourriture qui ne ressemble à rien – et surtout pas à son riz au poisson habituel. Il dort au foyer des jeunes travailleurs, enchaîne les petits boulots : coursier, pointeur au Port de Marseille, manutentionnaire. Parallèlement, il obtient son bac en candidat libre, tente le concours d’entrée à Sciences-Po Aix-en-Provence et réussit. ... / ...
Au bout de deux ans, la réalité reprend le dessus : il entre aux PTT. Il se lie d’amitié avec un inspecteur des services, Toni Salvatori. Pape parle foot avec lui. Tellement bien que Salvatori, qui fait quelques piges pour le journal communiste La Marseillaise, lui propose d’y écrire un peu. « J’étais le seul à ne pas avoir ma carte du Parti communiste français », rappelle Pape. Ce qui n’a pas empêché l’ancien homme d’affaires et patron de l’OM Bernard Tapie de lâcher un jour à son propos : « C’est le communiste qui a le mieux saisi les règles du capitalisme. »
Diouf n’est pas « rouge » mais tiers-mondiste et de gauche. « À l’époque, nous autres jeunes Africains vivions pleinement la décolonisation et soutenions les mouvements d’indépendance dans les colonies portugaises. On adhérait aux idées d’Amilcar Cabral, le libérateur de la Guinée-Bissau, et à son combat pour la dignité. Le PCF soutenait les luttes tiers-mondistes et je m’en sentais proche. Quant au capitalisme… Sans doute Tapie fait-il allusion à ma réussite en tant qu’agent de joueurs… » .../ ...
Sa carrière s’accélère. Il s’illustre par ses écrits, obtient des prix. En 1987, Pape quitte La Marseillaise pour L’Hebdomadaire, un périodique lancé pour concurrencer Le Provençal du tout-puissant député-maire Gaston Defferre. Puis direction Le Sport, concurrent éphémère du quotidien L’Équipe. ... / ... Après tant d’années passées à couvrir l’Olympique de Marseille, Pape connaît tout des arcanes du football en général et du club en particulier. Le « retraité » du journalisme organise en Afrique des tournois en hommage à certaines légendes du continent, comme Roger Milla ou Eusebio. Des liens d’amitié se nouent, il joue le rôle de grand frère.
Deux stars de l’OM le sollicitent alors : le gardien de but des Lions indomptables du Cameroun Joseph-Antoine Bell et le défenseur d’origine ivoirienne de l’équipe de France Basile Boli. À l’époque, à la fin des années 1980, les joueurs africains sont généralement moins bien payés que les autres. Bell et Boli lui demandent de prendre en charge leurs carrières et de défendre leurs intérêts. Diouf sait qu’il quitte le journalisme pour un métier qui n’a pas bonne presse. Mais cette nouvelle aventure le passionne. En 1989 il se lance et crée sa société, Mondial Promotion ... / ..
Le succès est fulgurant, les poulains affluent au sein de son écurie : Marcel Desailly, François Omam-Biyik, Bernard Lama, William Gallas, Abedi Pelé, Rigobert Song, Péguy Luyindula, Didier Drogba. Même les Blancs sautent le pas. Laurent Robert, Grégory Coupet, Sylvain Armand ou Samir Nasri le rejoignent. Chiffre d’affaires de Mondial Promotion en mai 2004 : plus de 3,5 millions d’euros. ... / ...
Seize heures par jour « sur le pont », pas de vacances, le téléphone portable sonnant en permanence. Il gère les parcours de ses joueurs, mais aussi leurs états d’âme, leurs angoisses, leurs caprices. L’argent coule à flots dans ce milieu, grise les esprits les plus sains et attire des nuées de bimbos en quête de bons partis. Du coup, il doit aussi gérer les chagrins d’amour, les ruptures et les assiettes qui volent dans le foyer conjugal de ses protégés. Une vie de fou, passée essentiellement dans les avions et les taxis. La contrepartie du succès et de l’argent.
C’est que agent de joueurs, ça paye bien. Mieux même que président de l’OM. Pape est apprécié des dirigeants. « C’est un homme d’honneur », confie le Messin Carlo Molinari. « Il est fin, intelligent, malin. On prenait plaisir à négocier avec lui, même si on savait que ce serait très, très dur », complète Gervais Martel, président du RC Lens. La faconde sénégalaise et la rigueur cartésienne séduisent. ... / ...
L’Europe ? « Elle tourne de plus en plus le dos à l’Afrique. Cela devient choquant. Sa seule préoccupation : empêcher l’immigration et défendre ses intérêts stratégiques. Du pur cynisme et un manque de reconnaissance flagrant. Le discours de Sarkozy à Dakar en est l’illustration parfaite. » Transition idéale pour aborder le cas Sarkozy. « Il a eu le mérite de poser les problèmes, d’éviter la langue de bois et de dépoussiérer la fonction de chef de l’État. Maintenant, s’il est très différent de Chirac et de ses aînés de par son style, sur le fond, c’est pareil. » Pour qui a-t-il voté en 2007 ? « J’ai toujours voté à gauche, donc j’ai voté pour Ségolène Royal. Mais je dois reconnaître que c’était sans conviction… »
Pape Diouf mesure le chemin parcouru. Mais il sait qu’il a eu beaucoup de chance, qu’il a fait les bonnes rencontres. « L’intégration en France est un problème mal posé. J’ai beau m’intégrer, épouser tous les tics locaux, il y aura toujours des gens pour qui je serai le Noir débarqué d’Afrique. Pareil pour mes enfants. Ils grandissent avec leurs copains blancs, et puis, à 18 ans, font un voyage et se rendent compte qu’on regarde deux fois leur passeport, et pas celui du copain. » Celui à qui Tapie lança un jour « toi, tu es le Black le plus intelligent que je connaisse ! » se veut lucide. Quarante ans après son arrivée sur le Port de Marseille, il est toujours l’exception qui confirme la règle. - Extraits du "fabuleux destin de Pape Diouf" par Jeune Afrique
A la lecture de cette bio, on imagine immédiatement que le futur impétrant correspond exactement aux profils que Nicolas Sarkozy aime attirer au gouvernement. Avantage complémentaire, Diouf pourrait faire oublier l’expérience Bernard Laporte ...
On ignore quelle sera la décision de Pape Diouf ni le poste ou la mission qui pourraient lui être confiés, par contre, on constate que l’Elysée continue à utiliser la technique de la possible "prise de guerre" ou tout simplement, on pérennise ce qu’expliquait Benoît Hamon : "La spécialité de Nicolas Sarkozy" c’est "le ’name-dropping’ qui consiste à jeter un nom dans le débat et imaginer que celui-là puisse entrer au gouvernement"
Dans la mesure où la nomination de nouveaux secrétaires d’Etat, qui devait être annoncée en début de semaine, ne pourra intervenir qu’après les vacances du Président, il faudra attendre la rentrée de septembre pour classer cette information dans la catégorie info ou intox ...
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