Faisal Shahzad, l'auteur présumé de l'attentat manqué de Times Square (Manhattan, New York) a raconté aux enquêteurs qu'on lui avait appris à fabriquer des engins explosifs dans un camp du Waziristân, région montagneuse du Pakistan. Vu l'amateurisme du travail de Shahzad - il avait notamment oublié les clés du véhicule à bord duquel il devait prendre la fuite -, de nombreux observateurs s'interrogent aujourd'hui sur le contenu des programmes suivis par les terroristes dans les camps d'entraînement.
Les camps d'entraînement ont bien changé
Tout d'abord, il faut savoir que les camps d'entraînement terroristes ne sont plus ce qu'ils étaient. Les immenses camps d'al-Qaida dotés d'installations aussi élaborées que des stands de tir, comme la Ferme Tarnak, située près de Kandahar (Afghanistan), où Oussama Ben Laden aurait préparé les attentats du 11-Septembre, appartiennent dans une large mesure au passé.
Aujourd'hui, al-Qaida sous-traite l'essentiel de ses entraînements à des groupes pakistanais, comme le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) et le Lashkar-e-Taiba (LET); ce dernier est soupçonné d'avoir orchestré les attentats de Bombay (2008). Les camps gérés par ces structures sont souvent de petite taille, se composent généralement d'un ou deux bâtiments, et sont temporaires. Ce type de groupe se déplace constamment pour éviter d'être repéré par des satellites ou des services de renseignement. Il semble, par ailleurs, que ces groupes mutualisent de plus en plus leurs moyens en matière d'entraînement. Selon certaines estimations, la région du Pakistan compte une quarantaine de camps d'entraînement d'activistes.
Accès difficile
On ne s'inscrit pas à un programme d'entraînement terroriste facilement, à fortiori quand on est étranger. Les groupes tels que le TPP, dont les chefs ont été récemment décimés par des frappes de drones américains, sont extrêmement méfiants à l'égard des personnes venant de l'extérieur: quiconque prétend vouloir suivre des entraînements peut être un espion.
Au mois de décembre, cinq jeunes Américains en ont fait les frais. Ils ont été appréhendés par les autorités pakistanaises après avoir été refoulés par plusieurs groupes d'activistes. Les djihadistes en puissance d'origine pakistanaise, comme Shahzad, peuvent augmenter leurs chances d'enrôlement si un parent ou un proche se porte garant pour eux. Toutefois, des groupes d'insurgés ayant des liens avec l'Occident, comme les «Talibans allemands», vont apparemment chercher leurs recrues à l'étranger.
Quel programme?
Admettons que vous remplissiez les conditions d'admission d'un centre d'entraînement - les responsables de la sécurité au Pakistan affirment que seules une vingtaine de recrues sont prises en charge à la fois -, le programme que vous suivrez est variable.
Une journée type débute avec les prières matinales, lesquelles sont suivies d'un sermon sur l'importance et le sens du djihad (ou guerre sainte). Les exercices physiques et autres opérations d'entraînement se déroulent en journée. Les instructeurs sont généralement d'anciens djihadistes, quoique dans des groupes comme le LET ou l'organisation nationaliste kashmiri Jaish-e-Mohammed, d'anciens agents des services de renseignement pakistanais auraient également apporté leur expertise.
La soirée est consacrée à l'endoctrinement. Il peut sembler surprenant qu'on s'efforce de convaincre des élèves a priori convaincus, puisqu'inscrits à un programme d'entraînement terroriste. En fait, il est fort probable que les recrues locales soient souvent manipulées avec douceur ou carrément forcées par leur famille ou la madrasa (établissement d'enseignement islamique) à s'engager dans cette voie.
Les élèves visionnent donc de longues heures de vidéos montrant les atrocités commises par l'Occident contre la communauté musulmane. Le but: dissiper leurs moindres doutes quant à la justesse de la cause djihadiste.
On append généralement aux recrues à manier des petites armes, telles que des AK-47 et des mitrailleuses PK, ainsi que des grenades propulsées par roquette. On leur enseigne des techniques d'attaque de convois militaires et de pose de mines. Les camps d'al-Qaida datant d'avant 2001 entraînaient également les futurs terroristes à se servir des fusils de sniper et de mortiers. Ces pratiques se font toutefois de plus en plus rares. Les étudiants brillants reçoivent des entraînements plus pointus, notamment sur la fabrication d'engins explosifs ou sur la sécurisation des opérations.
Difficile d'en savoir plus
Relativement peu d'étrangers sont passés par ces camps. En outre, des groupes tels que les talibans du Pakistan (TTP) visent rarement des cibles situées hors du Pakistan ou de l'Afghanistan. Il est donc difficile de savoir quel type d'entraînement spécialisé Faisal Shahzad a suivi ou pour quelles raisons il semblait si désorganisé face à sa mission. Une hypothèse avance que Shahzad aurait voulu prouver sa loyauté afin de rejoindre le mouvement du TTP et de bénéficier d'un entraînement opérationnel plus poussé.
En dépit des preuves pratiquement accablantes de son implication dans l'attentat raté de Times, le TTP n'est pas vraiment disposé à reconnaître que Faisal Shahzad était un de ses anciens élèves.
0 Commentaires
Participer à la Discussion