
Dans son dernier livre, l'expert en sécurité nationale Garrett M. Graff dévoile les plans secrets du gouvernement américain. Ancien journaliste pour le Politico Magazine et rédacteur en chef du Washingtonian, Garrett M. Graff a publié ce mois-ci l'ouvrage "Raven Rock: The Story of the US Government's Secret Plan to Save Itself - While the Rest of Us Die" (c'est-à-dire l'histoire du plan secret du gouvernement américain pour survivre - pendant que le reste d'entre nous mourra).
Le Raven Rock est un site militaire américain construit près de la région montagneuse de Camp David à la fin des années 40 afin de protéger la population en cas de catastrophe pendant la Guerre froide. Toute la population? Pas exactement. "Durant les années Truman, Eisenhower et Kennedy, on avait vraiment cet espoir de pouvoir protéger la population civile. Mais ensuite, la perspective d'un conflit nucléaire a pris tellement d'ampleur que ce n'était plus techniquement possible."
Nouveaux bunkers depuis le 11 septembre Depuis plus d'un demi-siècle, le gouvernement américain a préparé secrètement plusieurs plans destinés à assurer la survie du pays si tout était détruit. Selon Graff, ces programmes, infrastructures et technologies coûtent approximativement deux milliards de dollars chaque année. "Il y a deux ans, alors que je travaillais pour le Washingtonian, un de mes collègues a trouvé par terre le pass d'un fonctionnaire fédéral. Au dos de la carte, il y avait des instructions d'évacuation.
En faisant une recherche sur Google Maps, j'ai découvert que ces données correspondaient à une route qui disparaissait dans les montagnes de Virginie-Occidentale. Je n'avais jamais entendu parler de cette installation secrète et je me suis dit: Wow, on a construit une série de nouveaux bunkers depuis le 11 septembre", raconte Garrett Graff dans un entretien avec le site Vice. Qu'est-ce que l'Amérique? Qui mériterait d'être sauvé en cas d'apocalypse? Au fil des années, les plans des autorités ont dû être simplifiés.
"Si vous tentez de sauver l'Amérique, hé bien, qu'est-ce que l'Amérique?", se demande le spécialiste. "Aujourd'hui, il semble que la réponse se résume au président américain dans un premier lieu, puis aux trois branches du gouvernement et enfin après un certain temps à des bureaux de poste et un système fiscal." Dans son livre, Garrett Graff raconte une anecdote au sujet d'Earl Warren, président de la Cour Suprême à l'époque d'Eisenhower.
Quand on lui a donné une carte d'identification qui lui permettrait de rejoindre une zone protégée en cas de guerre nucléaire, un privilège réservé à seulement 2.000 membres de l'élite américaine, il a refusé. "Je ne vois pas de pass pour Mme Warren", aurait-il déclaré. Gravité des conséquences L'auteur évoque aussi la réaction de Khrouchtchev, dirigeant de l'URSS durant une partie de la Guerre froide, lorsqu'on lui a expliqué le fonctionnement des armes nucléaires et leurs conséquences.
"Il était terrifié. Et puis il a réfléchi et dit: Bon, dans ce cas, je pense que personne ne les utilisera jamais, donc tout ira bien." Mais alors que les tensions entre les États-Unis et la Corée du Nord deviennent de plus en plus inquiétantes, une question se pose: Donald Trump saisit-il aujourd'hui la gravité que pourrait avoir un conflit nucléaire? En août dernier, avant de devenir Président, il aurait demandé, à trois reprises, à un expert de la politique étrangère: "Mais si nous avons les armes nucléaires, pourquoi ne peut-on pas les utiliser?"
Abandonner le peuple à son triste sort Garrett Graff rappelle: "La Corée du Nord ne dispose pas, pour le moment en tout cas, d'un arsenal proche de ce qu'avait l'Union soviétique à son apogée ou même de que la Russie a comme armes aujourd'hui. Techniquement, si Kim Jong-un décidait de frapper le sol américain, il ne pourrait tuer "que" plusieurs dizaines de millions de personnes au lieu de plusieurs centaines de millions."
Mais la question est surtout de savoir si nous sommes mieux préparés aujourd'hui à une telle éventualité apocalyptique que durant la Guerre froide. "La réponse est non. Nous n'avons rien entrepris sérieusement pour la protection de la population civile depuis la crise des missiles de Cuba (1962)", répond le journaliste. "Sauver les citoyens américains représente plus de problèmes que d'avantages et depuis une vingtaine d'années, le gouvernement a plus ou moins décidé de d'abandonner le peuple à son triste sort."
0 Commentaires
Participer à la Discussion