Emmanuel Macron et son gouvernement “assument” les risques d’un durcissement de la répression des violences commises lors des manifestations de “Gilets jaunes”, notamment de l’usage d’armes intermédiaires dénoncées jusqu’au Conseil de l’Europe. “Il est certain que si nous avons une stratégie qui permet aux forces de l’ordre d’être plus mobiles, plus dynamiques, plus fermes, il y a plus de risques”, a déclaré lundi sur France 2 le Premier ministre, Edouard Philippe.
“Jusqu’à présent, nous avons voulu faire très attention et nous voulons toujours faire très attention aux débordements, aux accidents, à la sécurité des personnes”, a-t-il ajouté. “Mais nous constatons que le déchaînement de violence justifie une réponse ferme. Je l’assume.” Pour le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, et son secrétaire d’Etat, Laurent Nunez, policiers et gendarmes mobiles ont été débordés samedi par les casseurs qui se sont déchaînés sur les Champs-Elysées parce que les consignes de fermeté du gouvernement n’ont pas été “correctement appliquées”.
Le premier sanctionné est le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, dont Edouard Philippe a annoncé lundi le remplacement dès cette semaine, mais “il y aura d’autres sanctions”, a prévenu mardi Laurent Nunez sur BFM TV. Le Directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), Frédéric Dupuch, et le directeur de cabinet du préfet, Pierre Gaudin, ont ainsi été limogés, a-t-on appris mardi de source policière. “La préfecture de police (...) doit appliquer les instructions des ministres à la lettre (...) et ne pas subir d’autres influences”, a expliqué le secrétaire d’Etat.
CAMPAGNE CONTRE L’USAGE DES LBD
Edouard Philippe et ses ministres ont clairement mis en cause la campagne contre l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) conduite depuis le début du mouvement des “Gilets jaunes” par des organisations de défense des droits de l’Homme et relayée jusqu’à l’Onu et au Conseil de l’Europe.
Depuis le 17 novembre et le début des manifestations des “Gilets jaunes”, un mouvement hétéroclite réclamant notamment plus de justice sociale et plus de démocratie participative, plus de 13.000 tirs de LBD ont été recensés et 83 enquêtes ont été ouvertes, selon le ministère de l’Intérieur. Plusieurs dizaines de manifestants ont été blessés, parfois gravement, par cette arme intermédiaire ou des grenades dites de désencerclement, et des plaintes ont été déposées.
Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a été parmi les premiers à exhorter le gouvernement à suspendre l’usage des LBD (), suivi fin février par le Conseil de l’Europe(). Début mars, c’est le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, qui a appelé la France à faire toute la lumière sur les cas “d’usage excessif de la force” rapportés ces derniers mois.
Le gouvernement a paru lui-même un temps sensible à ces critiques en envoyant aux forces de l’ordre des directives sur les conditions d’emploi de ces armes et en demandant en janvier que les policiers qui en sont équipés soient systématiquement dotés de “caméras-piétons”.
“INHIBITION”
Mais l’heure n’est visiblement plus à la conciliation. Les polémiques sur les LBD “ont conduit à ce que des consignes inappropriées soient passées pour réduire leur usage”, a ainsi déploré lundi le chef du gouvernement. Selon Christophe Castaner, interrogé sur France Inter, la “mise en cause systématique des policiers et des gendarmes” et la dénonciation des LBD ont conduit à “une forme d’inhibition”.
“Il y a des responsables dans la hiérarchie, des policiers qui ont douté, et ce doute n’est pas acceptable quand vous êtes confrontés à l’hyperviolence”, a-t-il ajouté. Selon lui, les policiers ont reçu instruction samedi d’utiliser des munitions moins puissantes et de moins recourir aux LBD, de la part de membres de l’état-major de la préfecture de police, sans même que le préfet, Michel Delpuech, et à plus forte raison les ministres de tutelle, en soient avertis.
Le ministère de l’Intérieur a constaté samedi un nombre de tirs de LBD “bien inférieur” à ce qu’il a été lors des samedis précédents, a précisé Laurent Nunez, pour qui les responsables des forces de l’ordre sont “censés relayer les instructions des ministres et pas les adapter” pour “les rendre moins fermes”.
Insuffisante pour la droite, qui réclame notamment par la voix du député Les Républicains Eric Ciotti le retour de l’état d’urgence, la réponse sécuritaire du gouvernement est jugée dangereuse à l’extrême gauche : “Le gouvernement a fait le choix de l’escalade de la violence”, a ainsi déclaré la députée La France insoumise Clémentine Autain sur France 2.
Emmanuel Jarry, avec Marine Pennetier, édité par Sophie Louet
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