Fini le langage diplomatique et autre « droit de réserve ». Le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio a lâché une vraie bombe sur le régime socialiste. Des faits jusque-là tenus secrets et qui se sont passés sous Senghor et Diouf sont révélés au grand public : viol, trafic d’or, détention de chanvre...Tout simplement explosif !
C’est une bombe qu’a lâchée hier le ministère des Affaires étrangères pour répondre à l’ancien ambassadeur Falilou Kane qui avait profité du « scandale » des diplomates sénégalais « épinglés dans une histoire de trafic d’alcool au Brésil » pour tirer à boulets rouges sur l’alternance et la diplomatie sénégalaise en général.
« La famille diplomatique du Sénégal dans son ensemble, si l’on en croit les nombreux témoignages indignés reçus au ministère des Affaires étrangères, a noté avec consternation les propos du « diplomate-politicien » Falilou Kane qui, dans une pseudo-interview parue récemment, s’est, une nouvelle fois, distingué par son manque de tenue et de retenue contre la diplomatie post-alternance de notre pays », commence le ministère des Affaires étrangères. Les services de Cheikh Tidiane Gadio poursuivent : « Les diplomates, les vrais, le savent fort bien, qui, même pendant la retraite, conservent ces traits si exquis de leur métier que sont la courtoisie, la réserve, la loyauté aux institutions de la république et surtout le sens de la mesure. Toutes choses que l’ancien Ambassadeur Falilou Kane a choisi d’ignorer superbement, lui qui sait qu’il a toujours été traité avec déférence et courtoisie par tout le personnel de notre Ministère, le Ministre d’Etat en tête. S’il a choisi par conséquent d’enlever les gants pour verser dans le style provocateur de certains politiciens, il change de terrain et nous contraint à la réplique sans concessions ».
Cheikh Tidiane Gadio d’avancer : « la diplomatie du Sénégal, sous Wade, c’est la poignée de main historique entre Ratsiraka et Ravalomanana pendant les médiations de « Dakar I » et « Dakar II ». Médiation saluée par Condoleezza Rice comme ayant peut-être « épargné une guerre civile et plusieurs dizaines de milliers de victimes ». C’est la signature du cessez-le-feu de Bouaké qui a arrêté la guerre en Côte d’Ivoire. C’est la participation du Sénégal à toutes les rencontres du G-8 depuis l’avènement du Nepad, ce qui a fait de notre pays un interlocuteur incontournable des huit pays parmi les plus puissants du monde. Le positionnement exceptionnel par le Président Wade du Sénégal sur l’échiquier africain et international explique les visites successives à Dakar du Président Bush, du Premier ministre Blair, du Premier ministre Jean Chrétien, du Président Chirac, du Président Lula Da Silva, de Sa Majesté Mohamed VI, du Président Khatami... et -ce qui est plus que probable- les visites prochaines du Premier ministre Zapatero et du Premier ministre de l’Inde. Ce qui est remarquable ici c’est que chaque fois que ces leaders du monde doivent toujours choisir 4 à 5 pays dans leur tournée, le Sénégal, à leurs yeux, ne pourrait être ignoré dans une telle « short list ».
« Que le Président des Etats-Unis mette, par téléphone, le Président du Sénégal dans la confidence du début des opérations contre Saddam Hussein, et se voit donner des conseils sages et avisés, a, en dépit de tout, une signification diplomatique majeure sur la place assignée au Sénégal par Washington », croit savoir M.Gadio. Plus encore que « le Sénégal ait conquis un tel statut sans renier la primauté de l’axe Dakar-Paris et tout en permettant l’ouverture d’une ambassade de Cuba à Dakar et en renforçant ses relations fraternelles avec l’Iran et la Libye, ne peut être salué que comme étant une prouesse diplomatique de grande portée ». Mieux, « si Le Sénégal, seul pays africain à avoir relevé le défi de l’organisation d’un Sommet de l’Oci en 1991, peut obtenir d’abriter ce même Sommet une deuxième fois ; et que par déférence, considération et amitié pour notre pays, tous les autres pays d’Afrique s’abstiennent de présenter leur candidature, on ne peut que constater le respect pour notre Leader et la grande considération pour notre pays et sa diplomatie. Si, lors d’une récente tournée de promotion d’une candidature sénégalaise à la tête d’une institution communautaire, notre ministre des Affaires étrangères et le candidat ont été reçus par six Chefs d’Etat de la sous-région en 48 heures, on ne peut appeler cela qu’égard et respect des leaders de l’Afrique de l’Ouest pour leur homologue sénégalais ». Et Gadio est d’autant plus content de la marche de notre diplomatie que selon ses services, Obasanjo lui-même demande souvent à ses conseillers s’ils ont consulté le Sénégal avant de prendre telle ou telle décision.
Mais évidemment, avance Cheikh Tidiane Gadio, « tout ceci ne pouvait trouver grâce aux yeux de l’ancien Ambassadeur Falilou Kane, et traduit sûrement le fait que selon lui « notre diplomatie n’a jamais atteint un niveau aussi bas que celui auquel nous avons droit actuellement ». En vérité, cela prendrait tout un ouvrage à plusieurs tomes (projet en cours du reste) pour présenter de façon exhaustive les succès et exploits de la diplomatie sénégalaise sous le Président Abdoulaye Wade. Nous aurons alors l’occasion d’opposer tous nos arguments à cette affirmation qui ne mérite au mieux que la caractérisation d’irresponsable. Mais en attendant, montrons que les propos du « diplomate-politicien » sont motivés par le subjectivisme, l’imprudence et parfois la mauvaise foi pure et simple ».
L’affaire du Brésil
Les services du ministère des Affaires étrangères flinguent sans retenue Falilou Kane. « D’abord, le « diplomate-politicien » affirme que le grave incident en question porte sur un trafic d’alcool détaxé. Notre question est la suivante : Monsieur l’Ambassadeur Kane, comment savez-vous cela quand le Ministère brésilien des Affaires étrangères vient de dire à notre Ministre des Affaires étrangères qu’il n’a pas des informations complètes sur la nature exacte du problème parce que le dossier fait l’objet d’une investigation de la police fédérale brésilienne. Nos amis brésiliens, du reste, ne font pas mystère du fait que ce scandale concerne aussi des agents de leur Ministère des Affaires étrangères qui ont eu des complicités dans certaines ambassades (six au total en l’état actuel de l’enquête). Ils ont confirmé au Ministre d’Etat, qui « exprimait les regrets de notre pays », que pour l’instant les seules informations sur cette affaire l’ont été par voie de presse, et qu’eux-mêmes attendent d’être saisis des résultats de l’enquête par leur Ministère de la Justice afin qu’ils puissent notifier les ambassades concernées ».
A ce jour, ajoute Gadio « seule la diligence de notre ambassadeur, qui s’est rendu lui-même dans le Magasin concerné par les achats frauduleux, nous a permis d’obtenir des photocopies de transactions irrégulières opérées malheureusement par certains de nos agents. La procédure administrative habituelle de demande d’explications, de constitution des éléments du dossier étant en cours, en attendant les conclusions de l’enquête de la police fédérale, on peut légitimement se demander comment l’ancien ambassadeur Falilou Kane sait ce qu’il sait et affirme ce qu’il affirme, lui qui va jusqu’à donner des chiffres avec une assurance franchement déconcertante. Plus grave, il fait une affirmation qui, au mieux ne peut-être qu’un commentaire saugrenu dû à un dérapage de langage, et au pire est révélatrice d’une logique effrayante quand il dit : « cela veut dire que la différence ne va pas dans les caisses de l’ambassade, mais dans les poches d’un ou des individus ». Est-ce à dire que ces agents, identifiés par l’ancien ambassadeur Falilou Kane comme étant « des trafiquants d’alcool détaxé », auraient dû plutôt verser la différence dans les caisses de l’ambassade ? Nous refusons de croire une telle interprétation... »
Ensuite, ajoutent les Affaires étrangères, « l’ancien Ambassadeur Kane, qui sait très bien que le scandale qui a éclaté au Brésil concerne la communauté diplomatique en général (et non uniquement le Sénégal), et plus grave, implique des agents complices du Ministère brésilien des Affaires Etrangères, comment peut-il affirmer avec une magistrale imprudence : « A partir du moment où le pays d’accueil fait des investigations et découvre qu’il y a eu trafic, la première chose aurait dû être dans la pratique diplomatique, d’informer le pays qui a envoyé ces diplomates pour qu’il puisse prendre des dispositions avant d’aller devant la presse. » Qui a dit à M.Falilou Kane que ce sont les autorités diplomatiques du Brésil qui ont fait des entorses « à la pratique diplomatique », si ces derniers comme l’a affirmé leur Ministre des Affaires étrangères semble avoir, comme nous, découvert le scandale dans la presse ? En s’érigeant avec autant de désinvolture comme donneur de leçon aux dirigeants brésiliens sur les « convenances et pratiques diplomatiques », on voit que le diplomate-politicien s’est fait piéger et se distingue ici par une imprudence caractérisée ».
Diplomate « rasta »
Là où Falliou Kane affirme qu’un diplomate sénégalais s’est présenté un jour avec des « rastas », les services de Cheikh Tidiane Gadio affirment envers Kane : « la personne dont vous faites allusion est « un freedom fighter » qui a fait du service volontaire au Mozambique pendant sept ans, à côté de feu Samora Machel et de tous les combattants de la liberté d’Afrique australe : de Marcellino Dos Santos à Agostino Neto en passant par les héros du Pac et de l’Anc. Titulaire d’un doctorat ès lettres, intellectuel panafricaniste, auteur de plusieurs dizaines d’articles de haut niveau, militant Nkrumaïste et Cheikh Antaïste, défenseur de la vision Wadiste de la renaissance africaine et des Etats Unis d’Afrique, polyglotte (une dizaine de langues africaines et internationales en plus de son wolof natal), il a sillonné l’Afrique australe cherchant la libération du peuple sud-africain contre le joug de l’Apartheid, pendant que beaucoup se limitaient à la gesticulation dans le confort douillet de leur salon... Au moment de sa nomination comme ambassadeur, il venait de boucler plusieurs années aux Nations Unies comme « consultant et expert en développement international ». Il est notamment l’auteur du « Document d’évaluation des indicateurs du développement » d’un pays comme le Cap Vert où il ne compte que des amis. Dans son passé militant, il a effectivement eu à porter des rastas, style militant -courant dans les milieux panafricanistes- et qui peut rebuter certains mais pas tous. Gilberto Gil, artiste et actuel ministre brésilien de la Culture et qui a co-présidé à Brasilia avec notre Ministre des Affaires étrangères le Comité international Préparatoire de la 2ème Conférence des Intellectuels d’Afrique et de la Diaspora, porte fièrement ses rastas, sans que cela ne gène personne au Brésil et dans le monde ».
Les dossiers sales de Senghor et Diouf
Ripostant à Falilou Kane, le Ministre des Affaires étrangères, quitte son droit de réserve et révèle « quelques » scandales diplomatiques sous Senghor et Diouf jusque-là tenus secrets. Ainsi, « le cas le plus tragique et le plus grave est bien cet incident survenu à Bonn, et tenez-vous bien à la veille de la visite du président Senghor, quand un diplomate sénégalais, pris avec 45 kilos de cocaïne à l’aéroport de Cologne a essayé de prendre le large avant d’être ceinturé par un ...chauffeur de taxi. Vous souvient-il de cette catastrophe, Ambassadeur Falilou Kane, vous qui, parlant de l’incident du Brésil, avez affirmé devant toute la nation et sans sourciller : « C’est cependant la première fois que ça arrive dans l’histoire diplomatique du Sénégal ». Mieux, « au Caire, un agent avait arrêté avec 87 kilos de chanvre indien dont nous tairons et le nom et les liens de famille avec la hiérarchie de l’époque ? Toujours au Caire, les Affaires étrangères rappellent au bon souvenir de Falilou Kane « des exploits d’un agent, charlatan à ses heures perdues, pris, lui et une de ses filles, avec des mallettes de devises trafiquées ? Ou alors, encore au Caire, du réseau de trafic de matériels exonérés (moquettes, meubles, réfrigérateurs, tissus pour rideaux, climatiseurs) ? Le tout, une fois de plus au Caire, à côté du plus grand scandale immobilier enregistré à ce jour par la diplomatie sénégalaise ? ».
A New Delhi, un trafic d’or avait impliqué directement un diplomate. Tandis qu’à Moscou un trafic de devises avait forcé le régime socialiste « à rappeler l’ambassadeur et tous les agents et à « décider de ne plus les affecter dans un poste diplomatique » ? Et le trafic de meubles à Rabat suivi d’accusation de viol sur une personne...mineure ». De tous ces cas, « deux étaient le fait de diplomates issus du corps et tous les autres étaient le fait d’agents recrutés et nommés avec complaisance parmi les protégés de votre ancien régime, dont au demeurant vous vantez la qualité du personnel de l’époque et dont vous évoquez avec une pointe de nostalgie « le lustre d’antan ». Ainsi va la longue liste des scandales ayant émaillé l’histoire de la diplomatie sénégalaise.
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