Les oligarques tiennent un rôle central au sein du système politico-économique de la Russie. Décryptage de leur relation complexe avec Poutine.
En quête de moyens pour arrêter et punir Vladimir Poutine –ainsi que ceux qui l'ont soutenu et ont profité de son règne– après l'invasion de l'Ukraine, Joe Biden et d'autres dirigeants mondiaux lorgnent du côté des oligarques russes. Dans son discours sur l'état de l'Union, le président américain les a pointés du doigt, promettant de «saisir (leurs) yachts, appartements de luxe, jets privés». «Nous venons chercher vos biens mal acquis», a-t-il déclaré. Au Royaume-Uni, ce sont en tout onze Russes richissimes qui ont été ou seront personnellement sanctionnés.
Qui sont ces oligarques, quelle est leur relation avec Poutine? Et, plus important encore, s'attaquer à leurs richesses peut-il aider à mettre fin à la guerre en Ukraine?
Une caste apparue en deux temps
En tant que chercheur spécialiste des marchés émergents, de la stratégie d'entreprise et de l'économie politique post-soviétique, j'ai étudié les oligarques de près. Ils constituent une élite commerciale ultra-riche, détentrice d'un pouvoir politique disproportionné. Cette caste est apparue en deux temps.
La première vague d'oligarques est née des privatisations des années 1990, en particulier des ventes au comptant des plus grandes entreprises russes d'État, après 1995. Le tout dans un contexte de corruption de grande ampleur. On se souvient par exemple de la tristement célèbre opération «prêts contre actions», qui a permis à des magnats choisis par le pouvoir de prendre des participations dans douze grandes entreprises d'État, en échange de prêts destinés à consolider le budget fédéral.
Le gouvernement a délibérément fait défaut sur ces prêts, permettant à ses créanciers –les futurs oligarques– d'acheter au rabais les participations dans de grandes sociétés telles que Ioukos, Lukoil et Norilsk Nickel. L'administration de Boris Eltsine, alors président, a ainsi enrichi un petit groupe de magnats en vendant les joyaux les plus précieux de l'économie soviétique, avec une forte décote.
L'accession au pouvoir de Poutine en 2000 a permis l'émergence de la deuxième vague d'oligarques par le biais de contrats d'État. Les fournisseurs privés dans de nombreux domaines tels que les infrastructures, la défense et les soins de santé surfacturaient leurs services au gouvernement, offrant au passage des pots-de-vin aux fonctionnaires impliqués. Poutine a ainsi enrichi une nouvelle légion d'oligarques qui lui doivent aujourd'hui leurs énormes fortunes.
Moins de pouvoir politique
Dans les années 1990, ceux-ci exerçaient une grande influence au Kremlin et pouvaient même parfois dicter la politique russe. Sous Eltsine, de nombreux oligarques ont occupé des postes au sein du gouvernement. Les anecdotes abondent sur les coffres remplis d'argent liquide transportés au Kremlin en échange de faveurs politiques.
Mais depuis que Poutine est aux affaires, c'est lui qui mène la barque. L'ancien officier du KGB a proposé un accord aux oligarques: ils se tiennent éloignés de la politique, et en échange le Kremlin ne s'occupe pas de leurs affaires et ferme les yeux sur leurs profits, souvent acquis illégalement.
La déception populaire à l'égard des privatisations des années 1990 a par ailleurs facilité cette reprise en main dans les années 2000. Le Kremlin de Poutine a exercé des pressions politiques sur les oligarques dans des secteurs stratégiques tels que les médias et les ressources naturelles, afin qu'ils revendent des participations majoritaires à l'État.
Poutine a également adopté des lois qui accordent un traitement préférentiel aux prétendues entreprises publiques. Ces mesures ont permis au Kremlin de renforcer son contrôle sur l'économie et sur les oligarques.
Les trois nuances de l'oligarchie
Aujourd'hui, trois types d'oligarques se distinguent par leur proximité avec le pouvoir.
Tout d'abord, les amis de Poutine, qui sont personnellement liés au président. De nombreux proches du président russe –en particulier ceux de Saint-Pétersbourg où Poutine est né et a grandi, ainsi que ceux du KGB– se sont considérablement enrichis. Parmi les oligarques que Poutine a connus à Saint-Pétersbourg figurent Iouri Kovaltchouk, souvent appelé le «banquier personnel» de Poutine, Guennadi Timtchenko, fondateur de la société de commerce d'énergie Gunvor, et les frères Arkadi et Boris Rotenberg, qui possèdent des actifs dans la construction, l'électricité et le pétrole. Toutes ces personnes sont visées par les sanctions occidentales.
Le deuxième groupe comprend les dirigeants des services de sécurité, de la police et de l'armée russes –connus sous le nom de «siloviki». Ils ont également tiré parti de leurs réseaux pour amasser des fortunes. Certains de ces «silovarques» sont d'anciens officiers de renseignement du KGB, et actuellement du FSB (Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie). Ces hommes observaient jalousement le pouvoir et la richesse des oligarques de l'ère Eltsine et les ont obtenus sous Poutine. Le leader informel des siloviki est Igor Setchine, président du géant pétrolier Rosneft, souvent désigné comme la personne la plus puissante de Russie après Poutine.
Enfin, la plupart des oligarques russes n'ont pas de liens personnels avec Poutine, l'armée ou le FSB. En effet, certains d'entre eux sont ceux des années 1990. Si Poutine a écrasé les oligarques politiquement gênants ou récalcitrants après son arrivée au pouvoir, il n'a pas cherché à «éliminer systématiquement les oligarques en tant que classe», comme il l'avait promis lors de sa première campagne électorale.
Des hommes tels que Vladimir Potanine et Oleg Deripaska, qui ont fait fortune dans les années 1990, figurent ainsi dans la liste des Russes les plus riches aujourd'hui.
Complices de Poutine
Il ne faut pas s'y tromper: quelle que soit la catégorie dont ils relèvent, ces oligarques ont aidé Poutine à rester au pouvoir, par leur docilité politique et leur soutien économique aux initiatives du Kremlin. En outre, mes recherches montrent que les oligarques ont parfois utilisé leur richesse pour influencer les politiciens d'autres pays.
Ainsi, en 2014, la banque russe FCRB a prêté 9,4 millions d'euros au parti d'extrême droite de Marine Le Pen, qui s'appelait encore à l'époque le Front national, créant ainsi une dette politique de cette formation envers la Russie.
En 2016, Lukoil, la deuxième plus grande compagnie pétrolière russe, a payé une amende gouvernementale de 1,4 million de dollars pour Martin Nejedly, un conseiller clé du président tchèque, lui permettant de conserver son poste influent. Cela a contribué à faire du président Milos Zeman «l'un des plus ardents sympathisants du Kremlin parmi les dirigeants européens».
Certains oligarques semblent lancer de leur propre initiative des transactions géopolitiques d'envergure pour s'attirer les bonnes grâces du Kremlin. S'il est difficile d'établir des liens de causalité directs entre ce que j'appelle le «volontariat géopolitique» des oligarques et les politiques pro-Kremlin de leurs bénéficiaires, il existe des preuves empiriques solides montrant que le financement des oligarques facilite l'adoption de positions pro-Poutine hors Russie.
En outre, mes recherches suggèrent que l'utilisation d'intermédiaires qui se proclament apolitiques, comme les sociétés privées, constitue une stratégie clé permettant à des États tels que la Russie de masquer leurs tentatives d'influence politique.
Otages de Poutine
Cela nous amène à la question qui préoccupe la plupart d'entre nous: les lourdes sanctions contre les oligarques pourraient-elles les inciter à abandonner Poutine ou à infléchir le cours de la guerre?
Certains oligarques s'expriment déjà contre cette invasion. Citons le président d'Alfa Group, Mikhail Fridman, et le magnat des métaux, Oleg Deripaska, qui ont tous deux été sanctionnés par l'Occident. Lukoil a également appelé à la fin de la guerre. Bien que cette entreprise ne soit pas actuellement soumise à des sanctions directes, les négociants en pétrole évitent déjà ses produits par anticipation.
Je pense que nous verrons les oligarques s'opposer de plus en plus vivement à la guerre. À tout le moins, leur volonté de faire le sale boulot du Kremlin en essayant d'influencer les politiques occidentaux devrait considérablement diminuer. Mais il y a deux limites déterminantes à leur capacité d'influence sur Poutine.
D'une part, les oligarques ne coopèrent pas entre eux et agissent en ordre dispersé. Au sein du «capitalisme piranha» qui prévaut en Russie, ces milliardaires se trouvent en rivalité pour obtenir les largesses du gouvernement. Dans cette optique, c'est leur survie individuelle face au Kremlin qui a toujours été le moteur de leurs actions. Or il s'agirait aujourd'hui de défendre leurs intérêts communs –la levée des sanctions. Le Kremlin a de son côté promis un soutien de l'État aux entreprises sanctionnées, notamment dans le secteur bancaire.
Plus important encore, c'est le pouvoir des armes, et non celui de l'argent, qui domine au Kremlin aujourd'hui. Tant que Poutine gardera le contrôle sur les siloviki –les officiers de l'armée et des services de renseignement, actuels et anciens, proches de Poutine– les autres oligarques resteront, à mon avis, les otages de son régime.
Les généraux sont plus susceptibles d'influencer Poutine que les oligarques. Et un effondrement économique du pays pourrait être encore plus convaincant…
19 Commentaires
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En Mars, 2022 (08:18 AM)Reply_author
En Mars, 2022 (09:56 AM)Reply_author
En Mars, 2022 (10:13 AM)ce sont eux qui gardent les butins des vols perpetres a travers le monde au detriment des populations.
Putin a les mains plus propres que les leurs.
Tout ça pour la mégalomanie d'un aigri, décri par ses pairs comme un cancre qui prend sa revanche.
C'est souvent le cas... ça me rappelle une certaine alternance pendant laquelle des habitués des cars-rapides étaient subitement devenus milliardaires, avaient troqué les Thiarakh contre des Weston et les "sarettes" contre des Mercedes rutilantes. Thiey adouna...
J'espère qu'un de ces oligarques aura la pbonne idée de mettre un contrat sutr la tête de ce débile de Poutinen, assoiffé de sang.
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En Mars, 2022 (08:05 AM)Reply_author
En Mars, 2022 (08:48 AM)Reply_author
En Mars, 2022 (09:12 AM)Propagande
En Mars, 2022 (08:47 AM)Merci de ne pas relayer les propagandes, en temps de guerre !
Vous imaginez que ces gens vont détruire les conditions qui ont fait leur grandeur pour se jeter dans les bras de ceux qui les traitent d'oligarques ?
Laissez les tranquilles oubien vous y laisserez non seulement des plumes, mais toutes vos ailes.
Ne vous fr
Moi
En Mars, 2022 (08:50 AM)L'Ukraine dénonce le bombardement d'une mosquée à Mariupol
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a affirmé que les forces russes ont bombardé la mosquée du sultan Soliman le Magnifique dans la ville de Mariupol. Plus de 80 civils, adultes et enfants, dont des citoyens turcs, y étaient réfugiés, selon le récit du ministre.
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En Mars, 2022 (10:39 AM)Honte à vous !
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En Mars, 2022 (10:37 AM)La Russie s'attendait à faire tomber l'Ukraine en trois jours, mais la vérité est que ce pays résiste. A cette résistance, les russes opposent des bomardements massifs hier contre une maternité et aujourd'hui contre une mosquée. Le but n'est pas de faire la guerre mais de faire règner la terreur dans la population civile.
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En Mars, 2022 (11:05 AM)Reply_author
En Mars, 2022 (11:10 AM)Voilà la vérité !
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En Mars, 2022 (10:50 AM)Les médias locaux rapportaient samedi matin des sirènes d’avertissement anti-bombardement sur l’ensemble du territoire ukrainien, notamment les grandes villes Kiev, Odessa, Dnipro et Kharkiv.
Après douze jours de siège, Marioupol, port stratégique, se trouve sans eau, sans gaz, sans électricité, sans communications, et on y voyait ces derniers jours des gens se battre pour de la nourriture. Une situation « quasi désespérée », a alerté Médecins sans frontières (MSF).
« L’ennemi bloque toujours Marioupol », a lancé vendredi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky. « Les troupes russes n’ont pas laissé entrer notre aide dans la ville », a-t-il ajouté promettant d’essayer une nouvelle fois d’y acheminer « demain », samedi, nourriture, eau et médicaments.
« Marioupol assiégée est à présent la pire catastrophe humanitaire sur la planète. 1.582 civils tués en 12 jours, enterrés dans des fosses communes comme celle-ci », a pour sa part accusé vendredi le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba dans un tweet accompagné de la photo d’une tranchée.
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En Mars, 2022 (10:56 AM)Julio_75
En Mars, 2022 (10:44 AM)Alors si les occidentaux veulent éliminer Poutine, ils doivent aller le chercher eux même au Kremlin à Moscou ou quelque part en Russie dans un de ses palais bunkerisés. Mais cela, les occidentaux ne le feront jamais car Poutine n'est ni Bagbo, ni Khadafi, ni Saddam et ni Bachar.
Alors c'est facile pour eux de rester dans leurs palais à l'Elysée ou à la Maison Blanche ou dans les bureaux feutrés des rédactions et de balancer des articles appelant à la révolte des oligarques. Essayer de déloger Poutine c'est lui déclarer la guerre et créer une guerre non pas mondiale - comme on le crie et on nous emmerde partout - mais une guerre destructrice pour toute l'Europe et le monde occidental car le champ de guerre reste et doit rester en Europe. Ce n'est pas notre affaire à nous africains puisque c'est chacun son tour et nous avons longuement et longtemps trinqué SEUL nos guerres provoquées par ces mêmes occidentaux pour nous diviser et nous fourguer leurs armes. Ils se croyaient protégés à jamais de ces guerres qui pour eux ne se passaient et ne devraient se passer que chez les autres - comme l'a lamentablement déclaré le prince William - mais qui vient d'éclabousser sur leurs visages et qui vient leur rappeler que le malheur ne se passe pas que chez les autres et qu'il ignore les frontières.
Que valent tous ces yatch, ces châteaux et autres pacotilles qui appartiennent aux milliardaires russes et qui sont saisis par les américains, français et autres ? RIEN, nada, "tousse" !!! Car comme l'indiquent leur noms, ce sont des milliardaires et toutes ces saisies ne représentent rien pour eux. Et il faut savoir que ces oligarques ont tout abandonné en Europe et partout où ils se trouvaient en terre et en mer et sont tous repartis en Russie pour rejoindre Poutine et rester autour de lui car ils savent qu'ils lui doivent TOUT. Ils avaient tout organisé et tout planifié ensemble et sont tous rentrés chez eux en Russie pour éviter d'être arrêtés. Ce n'est pas un hasard qu'on nous révèle que certains yatch étaient amarrés dans plusieurs ports européens et à travers le monde car leurs propriétaires étaient en vadrouille en ce moment et ont immédiatement quitté pour rallier la Russie. Bref, c'est clair et net qu'aucun de ces oligarques ne lèvera le doigt pour attaquer ou critiquer Poutine mais au contraire. Alors toutes ces balivernes et spéculations occidentales dénotent leurs impuissances face à Poutine. Au lieu d'aller l'attaquer frontalement, ils ne leur reste que la parole et leur médias pour l'attaquer à distance. Et malheureusement les seuls perdants dans cette guerre restent l'Ukraine et les ukrainiens qui ont été sacrifiés.
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En Mars, 2022 (10:54 AM)Des turcs s'était apparemment réfugiés dans cette mosquée croyant être protéger dans ce lieu Saint : « La mosquée du sultan Souleïman le Magnifique et de son épouse Roxolana à Marioupol a été bombardée par les envahisseurs russes », a déclaré le ministère dans un tweet. « Plus de 80 adultes et enfants s’abritent là, dont des citoyens turcs », a-t-il ajouté, sans préciser quand le bombardement avait eu lieu.
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En Mars, 2022 (11:07 AM)LA vérité c'est que Poutine est entrain de commettre des crimes de guerre en Russie.
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En Mars, 2022 (11:18 AM)Yaafi
En Mars, 2022 (16:10 PM)poudquoi les russes ne peuvent pas répliquer ? pourtant la Russie est un grand pays je ne comprends pas