C’est la fin d’un bras de fer judiciaire qui aurait pu durer, de recours en recours, plusieurs années. Les enquêteurs américains ont annoncé avoir réussi à pénétrer dans le téléphone de Syed Farook, l’un des auteurs de la tuerie de San Bernardino. Une opération réalisée sans l’aide d’Apple, qui avait toujours refusé de coopérer avec le FBI dans ce dossier.
Cette annonce du FBI vient mettre un terme à un feuilleton qui durait depuis le mois de décembre dernier, avec la découverte d’un iPhone appartenant à l’un des auteurs de la tuerie de San Bernardino, en Californie. Téléphone dont les enquêteurs suspectent très vite qu’il contient des données à même de les aiguiller dans leurs investigations. Las, celui-ci est verrouillé, et le FBI ne souhaite pas prendre le risque de compromettre les données en forçant le chiffrement de l’appareil. De l’aide est donc demandée à Apple, qui refuse de l’apporter, au motif que l’entreprise se doit d’assurer la protection des données personnelles de tous ces clients, hors de question donc d’offrir à la police américaine une solution clé en main qu’elle pourrait décliner sur tous les iPhone en circulation. L’impasse est telle que le spectre d’un marathon judiciaire émerge lorsqu’en février une injonction en justice est émise contre la firme à la pomme.
C’est donc sans l’aide d’Apple que les enquêteurs ont réussi à contourner les dispositifs de sécurité du téléphone, grâce à une tierce partie dont l’identité est tenue secrète, mais que plusieurs médias américains suspectent d’être une société américaine. Une troisième voie qui pourrait contenter tout le monde – le FBI a eu ce qu’il voulait et Apple n’a pas cédé - sauf peut-être les organisations de défense des libertés numériques. « Le problème de fond n’est pas réglé », estime Adrienne Charmet de la Quadrature du Net. « Les droits fondamentaux, la vie privée, l’intimité des citoyens sont toujours menacés ». Pour la simple raison que le FBI dispose désormais des outils lui permettant de contourner les sécurités mises en place par Apple, et qui sont applicables sur tous les iPhone de ce type, en l’occurrence un modèle 5c.
Une inquiétude d’autant plus prégnante que le débat de fond tourne court avec cette annonce : jusqu’où aller dans la lutte antiterroriste ? « C’est d’autant plus préoccupant que l’on voit aujourd’hui une surenchère en terme de surveillance, à la fois aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne qui votent des lois sur le renseignement, en France avec une énième loi antiterroriste qui continue de partir dans une logique de surveillance délétère pour les droits fondamentaux », poursuite Adrienne Charmet.
Pour les organisations comme la Quadrature du Net, le nœud du problème se trouve en effet dans la masse de données personnelles que glanent les géants d’internet, comme Apple, Google et Facebook. Ebranlées par les révélations d’Edward Snowden et leurs liens avec les agences de renseignements américaines, ces sociétés se placent aujourd’hui en parangons de la protection des données, dans ce qui ressemble plus à un argument commercial. Elles possèdent en tout cas des serveurs entiers de données relatives à leurs utilisateurs, des données qui intéressent les services de police et de renseignement dans la lutte contre le terrorisme. Mais, comme le note Adrienne Charmet « ça commence toujours par ça, puis on l’étend à la pédophilie, puis au grand banditisme, puis finalement aux simples délits ».
Aujourd’hui, le FBI, en cherchant comment « casser » la protection d’un seul iPhone, a désormais les moyens d’appliquer cette technique à tous les appareils du même modèle. Doit-il avoir ce pouvoir, même sous couvert de lutte contre le terrorisme ? La question se pose, et malheureusement ce débat risque de ne pas avoir lieu.
2 Commentaires
Derrick2
En Mars, 2016 (22:32 PM)Vive la police scientifique!!!
Anonyme
En Mars, 2016 (23:13 PM)Participer à la Discussion