
Nicolas Sarkozy a dénoncé mercredi une “manipulation” face aux juges qui l’ont mis en examen dans l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, selon des déclarations publiées jeudi par Le Figaro sur son site. Dans ces déclarations, présentées par le journal comme étant le verbatim de ce qu’il a dit aux juges d’instruction, l’ancien chef de l’Etat leur demande de ne pas le mettre en examen mais de retenir pour lui le statut de “témoin assisté”.
A l’issue de deux jours de garde à vue, Nicolas Sarkozy a été mis en examen mercredi soir pour financement illicite de campagne électorale, corruption passive et recel de détournement de fonds publics libyens. L’ancien président, déjà mis en examen dans deux autres affaires en cours, a en outre été placé sous contrôle judiciaire, a précisé une source judiciaire, selon laquelle “Nicolas Sarkozy nie les fait qui lui sont reprochés”.
Dans le verbatim de ses déclarations aux juges publié par Le Figaro, Nicolas Sarkozy se défend de toute malversation. “Je suis accusé sans aucune preuve matérielle”, dit l’ancien chef de l’Etat, qui dénonce notamment les “mensonges” d’un de ses principaux accusateurs, l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, qu’il accuse d’avoir “pillé l’Etat libyen”. “Toutes les investigations montrent que je n’ai jamais été un proche de M. Takieddine”, a-t-il ajouté.
Il a fait aussi valoir que les déclarations de Mouammar Kadhafi, “de sa famille et de sa bande”, évoquant un financement de sa campagne de 2007, avaient commencé le 11 mars 2011 après qu’il a reçu à l’Elysée les opposants au dirigeant libyen, au renversement duquel il a fortement contribué en prenant la tête d’une coalition internationale contre son régime.
D’anciens dignitaires du régime Kadhafi ont évoqué le versement d’argent à Nicolas Sarkozy, comme l’ex-patron du renseignement militaire libyen Abdallah Senoussi ou un proche collaborateur de Mouammar Kadhafi, Bechir Saleh. Selon le site d’information Mediapart, un carnet de l’ancien ministre libyen du pétrole, Choukri Ghanem, retrouvé mort dans le Danube le 29 avril 2012, à Vienne, mentionne des versements destinés à sa campagne présidentielle de 2007.
“CALOMNIE”
“Depuis le 11 mars 2011, je vis l’enfer de cette calomnie”, a déclaré Nicolas Sarkozy aux juges, selon le verbatim publié par Le Figaro. Il a notamment estimé que la polémique “lancée par Kadhafi et ses sbires” et le site d’information Mediapart lui avait valu de perdre l’élection présidentielle de 2012. “Les faits dont on me suspecte sont graves”, a-t-il ajouté.
“Mais si, comme je ne cesse de le proclamer (...) c’est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande ou de ses affidés, dont Takieddine fait à l’évidence partie, alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer (...) la violence de l’injustice qui me serait faite.” “Je vous demande de retenir (...) un autre statut que celui de mis en examen : celui de témoin assisté”, a-t-il conclu.
Les juges, dont Serge Tournaire, qui intervient également dans d’autres investigations visant l’ancien chef de l’Etat, en ont décidé autrement et ont retenu contre lui des incriminations sévères assorties des contraintes du contrôle judiciaire. Ce rebondissement dans la saga judiciaire de Nicolas Sarkozy, encore influent à droite, bien qu’il ait officiellement pris sa retraite politique après sa candidature avortée à la présidentielle de 2017, a mis en émoi son ancien camp.
Xavier Bertrand, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, a ainsi estimé jeudi sur CNEWS que “personne (n’était) au dessus des lois” mais assuré n’avoir rien trouvé de bizarre lors de la campagne de 2007, dont il a été un des porte-paroles. “J’ai envie comme tout le monde de savoir exactement, et je n’ai pas envie de me contenter ni de la version de M. Takieddine ni de la version des Libyens”, a dit le président de la région Hauts-de-France, qui a pris ses distances avec le parti Les Républicains, héritier de l’UMP, parti de l’ex-président. “On attend qu’il y ait une justice qui avance, qui avance vite et qu’elle nous dise les choses, et entendre la version de l’ancien chef de l’Etat ce n’est pas inutile”, a-t-il ajouté.
Emmanuel Jarry, édité par Julie Carriat
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