"Le tribunal a jugé que Shell Nigeria était responsable des dommages résultant des déversements", a déclaré un juge lors d'une audience à La Haye, ajoutant que la maison-mère Royal Dutch Shell est également tenue d'équiper les oléoducs concernés "d'un système de détection des fuites" afin de prévenir d'autres dommages environnementaux. Le tribunal a par ailleurs jugé Shell Nigeria "responsable du fait qu'elle n'a pas interrompu l'approvisionnement en pétrole le jour du déversement" à Goi.
Le montant de ces indemnisations sera déterminé à une date ultérieure, a précisé le juge. Shell a encore la possibilité de se pourvoir en cassation.
Un cas de jurisprudence ?
Soutenu par Milieudefensie (organisme de protection de l'environnement), ces quatre fermiers et pêcheurs nigérians ont saisi la justice en 2008, demandant que l'entreprise anglo-néerlandaise paie les travaux de dépollution et leur verse des indemnités.
Les plaignants, dont deux sont décédés depuis le début de cette bataille judiciaire vieille de 13 ans, réclament également que Shell nettoie les dégâts dans leurs villages, Goi, Ikot Ada Udo et Oruma, dans le sud-est du Nigeria.
Plus gros producteur de pétrole en Afrique avec deux millions de barils exportés chaque jour, le Nigeria est le théâtre depuis 50 ans d'une exploitation pétrolière extrêmement polluante.
Cette affaire dure depuis 13 ans déjà.
"Pour les habitants du delta du Niger, il est crucial que leurs terres soient nettoyées et que leurs récoltes et leurs moyens de subsistance perdus soient indemnisés par la partie coupable : Shell", estimait Donald Pols, le directeur de Milieudefensie, dans un communiqué en marge du verdict.
Le Nigeria est le théâtre depuis 50 ans d'une exploitation pétrolière extrêmement polluante
La victoire des agriculteurs nigérians dans cette affaire pourrait faire jurisprudence en matière de responsabilité environnementale.
"Une victoire annoncerait le début d'une nouvelle ère dans laquelle les grandes multinationales telles que Shell ne pourront plus vaquer à leurs occupations sans loi mais seront responsables de l'ensemble de leurs opérations, y compris à l'étranger", indiquait M. Pols avant le jugement.
Une deuxième procédure en cours pour l'exécution de quatre personnes
En 2015, la Cour d'appel avait déclaré la justice néerlandaise compétente pour statuer dans l'affaire, annulant une décision rendue en 2013 en première instance, selon laquelle la maison mère de Shell (dont le siège social se trouve à La Haye) ne pouvait être tenue responsable des éventuelles négligences de sa filiale au Nigeria.
La filiale nigériane de Shell avait elle été tenue partiellement responsable et condamnée à verser des indemnités à l'un des quatre plaignants. Les deux parties avaient interjeté appel.
En 2019, le tribunal de La Haye avait déjà dû statuer sur une affaire impliquant Shell et quatre veuves nigérianes
Shell a de son côté toujours attribué la pollution à du sabotage et assure avoir nettoyé les lieux. Le géant pétrolier a par ailleurs rejeté la compétence de la justice néerlandaise, estimant qu'un éventuel procès devrait être organisé au Nigeria, là où les faits se sont déroulés.
Dans une affaire distincte également contre Shell aux Pays-Bas, quatre veuves nigérianes accusent la compagnie d'avoir contribué à l'arrestation de leurs époux, exécutés par le régime militaire dans les années 1990, alors que ces derniers tentaient de perturber de manière pacifique le développement pétrolier en pays ogoni (sud du Nigeria).
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