Mutineries, assassinats, évasions, violence: la crise qui frappe les prisons du Mexique s'aggrave, marquée par la surpopulation, la présence du crime organisé et la corruption des autorités.
L'évasion spectaculaire du baron de la drogue Joaquin "El Chapo" Guzman en 2015 et l'émeute survenue l'an dernier dans une prison de Monterrey, qui a fait 49 morts, n'ont fait que souligner un des défis que doit affronter le gouvernement mexicain.
"La crise est due à deux facteurs", explique à l'AFP Guillermo Zepeda, directeur de Jurimetria, un centre d'investigation sur les questions judiciaires. "D'un côté, la surpopulation, et de l'autre, le crime organisé qui s'est implanté dans ces prisons".
Le gouvernement du président Enrique Peña Nieto s'est engagé à affronter ce problème endémique avec davantage d'infrastructures, d'équipements, en augmentant les salaires et formant mieux les personnels.
L'an dernier, les autorités sont parvenus à réduire la population carcérale de 30.000 personnes, néanmoins 58% des 216.831 prisonniers vivent encore dans des prisons surpeuplées. Plus d'un tiers des 375 prisons du pays accueillent aujourd'hui trop de détenus.
Armes et fêtes
Dans plusieurs prisons, les groupes criminels font la loi, déclenchant des mutineries, tuant ou organisant des évasions.
Depuis le début d'année, des fusillades, des incendies et l'évasion de 29 prisonniers ont eu lieu dans plusieurs prisons de l'Etat de Tamaulipas (nord-est). Dans l'Etat de Sinaloa (nord-ouest), Juan José Esparragoza, le fils d'un des fondateurs du puissant cartel de Sinaloa, s'est échappé.
Les réseaux sociaux et les médias mexicains ont largement diffusé ce mois-ci les images d'une "narcofiesta" (fête de narcotrafiquants) se déroulant dans une prison de Jalisco (ouest), où l'on voit des dizaines de prisonniers s'amusant et buvant de l'alcool, tandis que des musiciens chantent à la gloire du chef de gang criminel organisateur de la fête.
Dans une autre vidéo, des prisonniers sont maltraités par des membres d'un gang adverse qui les obligent à laver leurs cellules et porter de la lingerie féminine.
Il y a quelques jours, dans une prison de Tamaulipas - où 80% des détenus appartiennent au cartel du Golfe -, la police a découvert des armes de gros calibres ainsi qu'un tunnel.
Les évasions rocambolesques en 2001 et 2015 de Joaquin "El Chapo" Guzmán, un des plus puissants narcotrafiquants au monde, sont encore très présentes en mémoire, de même que le massacre l'an dernier de 49 prisonniers lors d'une rixe entre deux cartels dans la prison de Topo Chico à Monterrey (nord).
Ces scènes sont rendues possibles "par la corruption au sein du système", explique à l'AFP Catalina Perez, professeure au centre de recherche et d'enseignement en économie. "Il y a beaucoup de corruption, dont personne ne s'occupe".
"Certains détenus payent pour avoir des cellules de luxe et tout ce qu'ils veulent, tandis que les plus pauvres doivent laver les toilettes", ajoute-t-elle.
La Commission nationale des droits de l'homme (CNDH) a exprimé de nouveau en mai son inquiétude devant l'augmentation des cas d'autogestion ou de cogestion de prisons par des détenus tandis que "les prisonniers liés au crime organisé sont plus nombreux ou ont des moyens économiques plus grands".
Loi inefficace
Presque 50% des détenus des prisons fédérales et 30% de ceux des prisons des Etats sont en détention préventive, dans l'attente de leur jugement ou de leur condamnation. Dans beaucoup de cas, ils ont commis des délits mineurs, tels que des vols sans violence.
Selon l'experte, le Mexique doit définir quel rôle il faut attribuer aux prisons, "si on les utilise pour ceux qui ont une quantité minime de substances illicites ou pour réinsérer ceux qui ont commis les pires délits".
En juin 2016, le Congrès mexicain a voté une loi qui prévoit des peines alternatives telles que la réparation ou des travaux d'intérêt général.
L'objectif est de soulager les prisons et d'aider à la réinsertion, mais son application tarde.
"Nous devons à présent exiger des autorités qu'elles appliquent la loi, ce que nous ne voyons pas arriver", indique à l'AFP la sénatrice Angelica de la Peña, du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), également à la tête de la commission sénatoriale pour les droits de l'Homme.
Les organisations civiles, de leur côté, s'inquiètent d'une société mexicaine qui n'a pas été éduquée à réinsérer les anciens prisonniers.
"Si les gens en sortant de prison ne trouvent pas de travail, sont de nouveaux discriminés, pointés du doigt dans leur propre quartier, alors c'est une histoire sans fin", déplore Consuelo Bañuelos, directrice de Promoción de Paz, une association qui aide à la réinsertion des anciens détenus.
0 Commentaires
Participer à la Discussion