Les deux victimes ont été identifiées sur des photos retrouvées dans l'ordinateur de l'islamologue suisse, qui conteste toutes les accusations
Déjà doublement mis en examen, depuis février 2018, pour "viol" et "viol sur personne vulnérable" à la suite des plaintes de deux femmes à l'automne 2017, Tariq Ramadan l'est désormais aussi pour le viol de deux autres femmes.
Entendu environ cinq heures par les juges d'instruction, jeudi 13 février, l'islamologue suisse de 57 ans est ressorti du tribunal de Paris sans commenter ces nouvelles charges retenues contre lui. Libre depuis novembre 2018, après plus de neuf mois de détention, il reste placé sous contrôle judiciaire et a interdiction de quitter la France.
Contrairement à Henda Ayari et "Christelle" – un prénom d'emprunt –, qui avaient porté plainte contre lui en octobre 2017, les deux femmes qui valent au théologien ces nouvelles mises en examen n'avaient pas initialement saisi la justice avant d'être entendues. Elles ont été auditionnées en février 2019 par la brigade criminelle de Paris, en tant que témoins, après avoir été identifiées par les enquêteurs parmi les photos de femmes retrouvées dans l'ordinateur de M. Ramadan.
L'une d'entre elles, âgée de 37 ans, a toutefois fini par porter plainte et s'est constituée partie civile, au début de l'année. Face aux enquêteurs, elle avait évoqué une relation "toxique", mais parlé d'un rapport sexuel "consenti", "ce dimanche de mars 2016" où elle a vu Tariq Ramadan à l'hôtel Crowne Plaza de la place de la République, à Paris.
"Il a une telle emprise qu'on fait tout ce qu'il nous demande"
Dans une chambre de l'établissement avait eu lieu, selon ses mots, une "relation sexuelle brutale" avec l'islamologue. "Vous me demandez si, devant ces “violences”, je manifeste une désapprobation ou, au contraire, une satisfaction : je ne dis rien. Ce qui l'excite, ce sont les femmes qui ne veulent pas." Elle gardera d'ailleurs contact avec lui dans un premier temps, se disant "très amoureuse de lui". "C'est d'un autre ordre que le viol physique, cela va au-delà, il y a de l'emprise. Il y a un viol moral. Il a une telle emprise sur vous qu'on fait tout ce qu'il nous demande, on n'est plus maître de notre personne. Mais cette relation physique a été consentie. Il faudrait une autre infraction pour ce genre de personne."
L'autre femme, elle, n'a pas porté plainte. Aux policiers, elle avait décrit deux rencontres, à la fin de l'année 2015, au cours desquelles elle affirme avoir été giflée, insultée, et contrainte à certains actes sexuels violents. "Cela ne me plaisait pas mais j'ai fait ce qu'il demandait pour que cela s'arrête, j'étais prise dans quelque chose qui me dépassait", avait-elle déclaré aux policiers, au début de 2019.
Après plus de deux ans d'enquête, M. Ramadan est visé par cinq plaintes en France. Mais toutes ne lui ont pas valu une mise en examen. Il a été entendu sous le statut de témoin assisté concernant la troisième plainte ; la quatrième plaignante, surnommée Elvira dans la presse, ne s'est pas rendue aux convocations de la justice et son récit a été contredit par les investigations. Me Marsigny a dénoncé, jeudi, la décision des magistrats, nouveau coup dur pour son client : "Il vient d'être de nouveau mis en examen alors que la première femme visée a elle-même déclaré que les relations avaient été “consenties” et que l'autre ne s'est jamais plainte de leurs deux rencontres."
Après avoir longtemps nié toute relation sexuelle avec les deux premières plaignantes, M. Ramadan avait fini par admettre, à l'automne 2018 et après la découverte de messages explicites, avoir eu des rapports, "consentis" selon lui, avec elles. Ayant également reconnu avoir eu des relations sexuelles avec la troisième plaignante, il réfute toute contrainte imposée à ces femmes.
Une expertise, confiée au psychiatre Daniel Zagury, devra dans les prochaines semaines se prononcer sur la notion d'emprise entre l'islamologue et ses accusatrices.
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