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Trump au secours de la RD Congo ? Ce que l'on sait de l’accord minier évoqué entre les deux pays

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Trump au secours de la RD Congo ? Ce que l'on sait de l’accord minier évoqué entre les deux pays
Les autorités congolaises espèrent conclure un accord avec l’administration Trump sur les ressources minières du pays, comptant sur le soutien américain dans leur lutte contre les rebelles du M23 et les forces rwandaises qui mènent une offensive dans l’est de la RD Congo. Des discussions préparatoires ont débuté, selon Kinshasa et Washington, bien que les contours du projet demeurent très flous.

 

Des négociations formelles pourraient prochainement s’ouvrir entre les États-Unis et la République démocratique du Congo, en vue d’un accord sur les matériaux critiques. La présidence congolaise a confirmé auprès de France 24 que des discussions étaient en cours sur l’accès aux précieuses ressources de ce vaste pays d’Afrique centrale, qui renferme l’une des plus importantes réserves de cobalt, coltan, cuivre et lithium, essentiels à la fabrication de technologies de pointe dans les domaines de la défense et de la transition énergétique.

Le Département d'État américain s’est dit ouvert à un partenariat minier en RD Congo, secteur très largement dominé par la Chine, confirmant que des échanges préparatoires avaient débuté.

Les autorités congolaises espèrent faire ainsi barrage au Rwanda, soutien des rebelles du M23, accusé de piller les ressources minières du pays. Depuis janvier, le groupe armé mène une offensive dans l’est de la RD Congo qui met en grande difficulté l’armée congolaise.

Main tendue des autorités congolaises

La possibilité d’un tel accord sur les minerais a d’abord été esquissée par le président Félix Tshisekedi le 22 février dans une interview au New York Times. Il y appelle de ses vœux "les États-Unis et l'Europe à participer à l'exploitation des vastes richesses minières en RD Congo", disant espérer que "ces investissements majeurs" apportent "plus de sécurité et de stabilité à son pays", rapporte le journal. Le président indique également que l’administration Trump a déjà manifesté son intérêt pour un accord qui pourrait garantir un approvisionnement en minerais stratégiques directement depuis le Congo.

En parallèle, un cabinet de conseil américain missionné par le sénateur congolais Pierre Kanda Kalambayi, proche soutien de Félix Tshisekedi, a adressé une lettre au secrétaire d’État Marco Rubio, en vue de concrétiser un "partenariat stratégique" entre les deux pays. Ce plan propose un accès aux minerais congolais, la gestion d’un port pour les exporter ainsi que la mise en place d’une réserve stratégique commune. 

En contrepartie, Washington s’engagerait à former et équiper les forces congolaises, et à protéger les "ressources stratégiques". Cette "coopération renforcée" aurait même vocation à remplacer la Monusco, la mission des Casques bleus des Nations unies, peut-on lire sur le document.

“Jusqu’à preuve du contraire il ne s’agit pas d’un plan officiel”, souligne Jason K. Sterns, chercheur américain spécialiste de la RD Congo. “Certains points semblent irréalistes, comme le déploiement de forces américaines sur le terrain qui va à contre-courant de la promesse de Donald Trump de faire rentrer les soldats à la maison. Mais ce qui est sûr, c’est que l’armée congolaise est en position de faiblesse dans l’Est et que les autorités comptent beaucoup sur la pression internationale, en particulier des États-Unis, pour accroître la pression sur Kigali."

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Des minerais pour la paix ?

En RD Congo, la possibilité d’un accord avec Washington suscite de nombreuses questions. "Ces informations sortent dans la presse américaine et nous n’avons pas de confirmation du gouvernement ; ceci est symptomatique des problèmes de gouvernance dans notre pays", déplore Jean Pierre Okenda, directeur exécutif de l’ONG congolaise La sentinelle des ressources naturelles. L’expert du secteur minier dit s’inquiéter de la négociation d’un accord dicté par l’urgence sécuritaire qui ne profiterait pas à l’économie du pays. "Certains pensent ici que les autorités cherchent avant tout à protéger leur pouvoir. Un tel accord ne devrait pas être négocié en sous-main mais être soumis au Parlement car il pourrait avoir un gros impact pour la population."

Le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya Katembwe a affirmé la semaine dernière que la RD Congo cherchait simplement à diversifier ses partenaires. De son côté, la porte-parole du chef de l'État a contredit l’idée selon laquelle la RD Congo était prête à échanger ses minerais contre un appui sécuritaire. “Le président Félix Tshisekedi invite plutôt les USA dont les entreprises s'approvisionnent en matières premières stratégiques auprès du Rwanda qui les pille en massacrant nos populations, de venir directement les acheter chez nous qui en sommes les véritables propriétaires”, a déclaré Tina Salama sur X.

 
Gérer mes choix

Contactée par France 24, la porte-parole affirme que la démarche du sénateur congolais Pierre Kanda Kalambayi est une "initiative personnelle". "Nous cherchons à stopper la prédation rwandaise de nos ressources", explique-t-elle, entretenant l’espoir qu’un accord stratégique avec les États-Unis puisse contribuer à "arrêter la guerre".

Durcissement occidental envers le Rwanda

La porte-parole du chef de l’État a également précisé que ce dernier s’était adressé en priorité aux Américains “parce que ce qui était caché et entretenu depuis 30 ans vient d’être révélé par l’administration de Donald Trump”.

Une référence aux sanctions américaines ciblées annoncées le 20 février contre James Kabarebe, ministre d'État rwandais chargé de l'Intégration régionale, et Lawrence Kanyuka, porte-parole de la rébellion du M23.

“Il est clair que les récentes sanctions américaines sont perçues comme un pas important”, explique Jean Pierre Okenda. “C’est la première fois qu’un ministre rwandais est directement visé. Par ailleurs, il ne s’agit que d’un palier des sanctions que Washington pourrait décréter contre le Rwanda", souligne-t-il.

Dans l’exposé de leurs motifs détaillant ces sanctions, les États-Unis décrivent James Kabarebe comme la "liaison" entre le gouvernement et le groupe rebelle, affirmant qu'il est également chargé de "coordonner les exportations" de minerais depuis la RD Congo vers le Rwanda.

Selon les experts de l’ONU, le M23 prélève d'importantes taxes sur les activités minières, générant environ 800 000 dollars par mois uniquement par la taxation du coltan, dans la zone de Rubaya, qu’il contrôle depuis mai 2024.

Le 21 février, le Conseil de sécurité a approuvé à l’unanimité une résolution “condamnant fermement” l’offensive du M23 en République démocratique du Congo (RDC) et les avancées qu’il mène dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu avec le soutien des Forces rwandaises de défense (FRD), l'armée officielle de la république du Rwanda.

Désamour pour la Chine

Les appels des autorités congolaises aux puissances occidentales les invitant à investir dans le domaine minier sont perçues comme un camouflet pour la Chine, qui contrôle à elle seule entre 75 et 80 % de l'exploitation minière en RD Congo, en particulier dans les secteurs du cuivre et du cobalt.

Faut-il y voir pour autant une bascule diplomatique de la part du président congolais ? Assurément non, répond Jason K. Sterns. “Félix Tshisekedi a toujours eu tendance à regarder vers l’Occident, il a passé une grande partie de sa vie en Belgique et a été soutenu par les États-Unis lors de son élection contestée en 2018”, rappelle-t-il.

Depuis son arrivée au pouvoir, le président congolais a effectué deux visites bilatérales en Chine dans le but de développer mais également de rééquilibrer le partenariat avec Pékin. En janvier 2024, il a conclu la renégociation du principal accord minier avec Pékin dit "contrat du siècle", signé en 2008, obtenant une augmentation pour la RD Congo de la part des bénéfices miniers et un doublement des investissements chinois destinés aux infrastructures du pays.

Une annonce loin d’avoir suffi à calmer la colère des Congolais, selon Jean Pierre Okenda. “La Chine n'a pas respecté la contrepartie de l’accord de 2008 concernant ses investissements en matière d’infrastructures. Sur le terrain il n’y a pas de véritable engagement avec les communautés locales et les entreprises chinoises n’ont que faire des droits des travailleurs ni du respect de l’environnement", dénonce-t-il. "Aujourd’hui nombre de ces travailleurs pensent, à tort ou à raison, qu'il serait préférable de traiter avec les États-Unis."

Mirage américain ?

Inspiré de l’accord minier actuellement en discussion entre les dirigeants américains et ukrainiens, la version congolaise présente plusieurs attraits pour Washington. Elle pourrait s’inscrire dans l’agenda “America first” de Donald Trump, tout en contrariant les intérêts de son rival chinois. Mais sur le plan opérationnel, un tel projet présente des défis énormes, alerte Jean Pierre Okenda.

"La plupart des concessions minières ont déjà été cédées à des entreprises privées dans le sud-est du pays, la partie la plus riche en minerais de cuivre, cobalt et lithium. Cela semble laisser peu de place pour un accord d’envergure avec les États-Unis. Bien sûr de nombreux projets d’exploration sont en cours mais ils représentent des investissements énormes, sans garanties à l’arrivée qui ne sont pas de nature à peser dans la balance pour obtenir une aide sécuritaire d’urgence”, souligne-t-il.

Les négociations avec les États-Unis s'annoncent d’autant plus hasardeuses que plus aucune entreprise minière américaine n’est présente en RD Congo. Et la dernière expérience a laissé de mauvais souvenirs. Le départ de Freeport-McMoRan avait causé des remous en 2016, l’entreprise ayant été accusée d’avoir cédé ses actifs à une entreprise chinoise sans consultation avec les autorités.

Les États-Unis conservent néanmoins un intérêt certain pour les ressources minières de la RD Congo. En témoigne le soutien actif de Joe Biden au corridor de Lobito, projet ferroviaire visant à relier les mines du nord de la Zambie et du sud-est de la RD Congo au port angolais de Lobito, pour renforcer l’approvisionnement américain et contrecarrer l’influence chinoise.

"Des entreprises minières américaines pourraient revenir en RD Congo à la faveur des discussions en cours. Mais l’idée selon laquelle les États-Unis pourraient sérieusement concurrencer voire remplacer la Chine est un leurre, car ils ne possèdent plus les capacités industrielles de transformation et de raffinage des métaux, contrairement à Pékin", explique Jason K. Sterns.   

En coulisse pourtant, responsables congolais et américains s’activent pour tenter de trouver un terrain d’entente. Les "discussions vont bon train", s'est félicitée mardi la porte-parole de la présidence congolaise, expliquant vouloir "attendre qu'elles aboutissent pour en dévoiler la teneur".

Tina Salama a par ailleurs confirmé les informations selon lesquelles André Wameso, chef de cabinet adjoint du président congolais Félix Tshisekedi, s'était rendu à Washington au début du mois de mars, accompagné d'une délégation. Des "échanges quotidiens" ont lieu avec les États-Unis expliquait la semaine dernière le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya Katembwe.

Donald Trump de son côté s’apprêterait à nommer un envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, avec pour mission prioritaire l’étude d’un accord sur les minerais congolais.


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