Emprisonné, libéré sous caution, réincarcéré, relâché et finalement convoqué par SMS: le journaliste turc Baris Pehlivan est sommé de regagner sa prison pour la cinquième fois par la justice, qui le poursuit depuis 2020.
Le ministère turc de la Justice l'a informé par un message sur son téléphone le 2 août qu'il devait se présenter "d'ici au 15 août" au centre de détention de Marmara, l'ancienne prison de Silivri, où sont détenus beaucoup d'opposants.
"Pehlivan a déjà été incarcéré à quatre reprises en raison de ses activités de journaliste", font valoir mercredi ses défenseurs, dénonçant un "harcèlement judiciaire" dans une tribune signée par une vingtaine d'organisations internationales de défense de la presse dont le Pen club international, la Fédération européenne des Journalistes, le Comité de protection des Journalistes, l'International Press Institute et Reporters sans Frontière (RSF).
Sur ces quatre précédentes périodes de détention, deux ont duré "une journée", en février puis en mai derniers, avant qu'il ne soit remis en liberté.
Baris Pehlivan, alors rédacteur en chef de Oda TV, et six autres journalistes ont été condamnés en 2021 à trois ans et neuf mois de prison pour violation de la loi sur les services secrets.
Ils avaient rapporté en 2020 la mort d'un officier du renseignement turc en Libye, où Ankara avait apporté son soutien à un gouvernement reconnu par l'ONU.
Ce décès n'a jamais été démenti par les autorités turques.
Baris Pehlivan a été depuis plusieurs fois remis en liberté puis réinterpellé.
- Délégation annulée -
Le 15 mai, Pehlivan, désormais contributeur du quotidien Cumhuriyet, a bénéficié d'une libération conditionnelle, puis été renvoyé en prison une journée en raison de multiples procédures ouvertes contre lui.
Mercredi le ministre de la Justice a annulé in extremis un entretien que lui avait demandé le principal parti d'opposition au Parlement, le CHP, a dénoncé le chef de la délégation.
"Quelques minutes avant notre audience, le ministre a annoncé qu'il avait quelque chose de très important à faire", a dénoncé dans un communiqué le député CHP Ali Mahir Basarir.
De son côté, Baris Pehlivan s'est dit prêt à se présenter à la prison "pour la cinquième fois".
"Je n'ai tué, ni violé personne. Je n'ai jamais vendu de drogue à personne", a-t-il remarqué le 2 août sur le réseau Twitter (rebaptisé X).
"S'il n'y a pas de changement en ma faveur en vertu de la loi, je me rendrai à la prison le 15 août: que soit bienvenue mon incarcération pour la cinquième fois", ajoutait-il.
Dans leur tribune, les organisations signataires se disent "préoccupées par ce harcèlement judiciaire à répétition contre Pehlivan qui exerce ses droits fondamentaux à la liberté d'expression comme journaliste en Turquie".
Elles rappellent que le journaliste a co-signé en avril un livre, "SS", consacré au précédent ministre de l'Intérieur Süleyman Soylu, dans lequel il "l'accusait de lien avec le crime organisé".
Mais les signataires remarquent aussi que le procès pour "insulte n'a même pas été ouvert" : "Il apparait comme une tentative de mettre un terme à la libération conditionnelle de Pehlivan".
L'ensemble des organisations "appellent les autorités à annuler cette décision de réincarcérer" le journaliste et à "mettre fin au harcèlement judiciaire systématique" à son encontre.
Pour Erol Öndero?lu, représentant de RSF en Turquie joint par l'AFP, "il est extrêmement frustrant de constater que la menace de la prison guette à chaque tournant les représentants de la presse".
Pehlivan "ne doit passer un jour de plus en prison. D'autant qu'il n'a pas +récidivé+. La vérité est qu'il fait constamment l'objet de poursuites abusives", estime-t-il.
Selon le dernier classement RSF, la Turquie figure en 2023 au 165ème rang sur 180 pays.
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