Le professeur de droit public à l’Ucad, Alioune Sall livre, dans cette première partie, son commentaire de l’arrêt de la juridiction communautaire qui fait polémique entre l’Etat du Sénégal et les avocats de Karim Wade et Cie. L’auteur de La justice de l’intégration. Réflexions sur les institutions judiciaires de la Cedeao et de l’Uemoa (2011) est d’avis qu’en tant que membre de la Cedeao, «le Sénégal est doublement lié par les décisions rendues par la Cour». Une deuxième fois que notre pays est «en difficulté» devant la Cedeao, après l’affaire Habré, objet de son dernier ouvrage, prétexte de cet entretien. Pour le juriste, la non-exécution d’une décision de justice constitue, en principe, une violation du droit communautaire.
Professeur, un livre sur l’affaire Habré, alors que la procédure vient d’être enclenchée. Pourquoi ?
Pour trois raisons : la première est d’ordre académique parce que nous sommes en présence d’un cas d’école relativement à certaines questions que nous abordons dans les facultés, notamment des questions liées à l’application du droit international par les tribunaux internes d’un Etat. C’est aussi une question intéressante du point de vue du contentieux international. Il faut dire que l’affaire Habré a connu des développements internationaux devant la Cour internationale de justice de la Haye, d’une part et devant la Cour de justice de la Cedeao, d’autre part. Il se trouve qu’on parle de la Cour de justice de la Cedeao actuellement au Sénégal pour d’autres raisons. Donc, d’une certaine manière, cette question me paraissait intéressante. Il faut ajouter des raisons plus prosaïques. Il s’est en effet agi d’expliquer l’affaire Habré au citoyen ordinaire dans la mesure où cette affaire met en évidence un certain nombre de questions institutionnelles comme le statut de la parole présidentielle, le suivi et la cohérence de nos engagements diplomatiques et juridiques ou encore notre rapport à la justice internationale.
Dans votre livre justement, vous parlez de l’affaire Habré comme un «feuilleton judiciaire passablement embrouillé». Que voulez-vous dire ?
Il est embrouillé aux yeux des citoyens ordinaires. Effectivement, l’affaire Habré est pour ces citoyens une affaire en perpétuel recommencement. Or ce n’est pas le cas. J’essaie de montrer, en même temps, qu’à chaque fois qu’il y a eu des rebondissements, en réalité, c’étaient d’autres questions juridiques, d’autres enjeux qui étaient posés.
L’affaire Habré est-elle encore une patate chaude pour l’Etat du Sénégal ?
C’est une patate chaude, mais l’Etat du Sénégal est en train de vouloir régler cette affaire. Maintenant, il y a un problème de fond qui est posé. Je crois que la bonne foi des autorités sénégalaises est hors de cause parce qu’elles essayent de mettre en œuvre les procédures nécessaires pour juger M. Habré. Seulement, il me semble qu’il y a quelques malentendus dans cette affaire parce que la procédure suivant laquelle Habré va être jugé a été partiellement dictée par un certain nombre de choses qu’a dites la Cour de justice de la Cedeao. Or ces choses ne sont pas dans le droit fil de la décision rendue par la Cour internationale de justice de la Haye. Cette Cour récuse ce fameux mandat de l’Union africaine. Or le Sénégal prend en compte ce mandat. Si vous lisez bien l’accord qui a été signé entre le Sénégal et l’Union africaine, il fait bien référence à la présence de l’Union africaine dans cette affaire. Or l’Union africaine, en principe, n’était pas habilitée d’une manière ou d’une autre à se saisir de cette affaire. Depuis 2006, les chefs d’Etat africains ont proclamé - je ne sais trop pourquoi - que cette affaire était africaine alors qu’il n’en est rien. Il faut savoir qu’en principe, c’est de bout en bout que les autorités sénégalaises, seules, auraient dû piloter cette affaire conformément à nos obligations de Partie à la convention de 1984 contre la torture.
Est-ce une immixtion d’une institution politique dans une affaire judiciaire ?
Non. En réalité, ce qui s’est passé c’est qu’il y a deux attitudes sur lesquelles il faut s’interroger. La première curiosité se trouve dans la démarche du Sénégal, qui est allé poser la question de Habré devant les instances de l’Union africaine. J’ai dit dans l’ouvrage que cette démarche me semble procéder plus d’une impulsion de type sentimental ou passionnel que rationnel parce qu’en droit, rien n’autorisait cette sorte de transfert de l’affaire Habré du plan national au plan international. On a voulu internationaliser cette affaire alors que c’est le Sénégal qui est débiteur d’obligations internationales figurant dans la convention de 1984 sur la torture.
La deuxième curiosité, c’est la réponse même de l’Union africaine qui, sur la foi d’un rapport établi par un comité de juristes, s’est déclarée compétente pour discuter de cette affaire et décider des conditions dans lesquelles elle devait être jugée. Or cette compétence me paraît éminemment contestable. La troisième curiosité, c’est l’élément de parasitage constitué par l’intervention de la Cour de justice de la Cedeao qui est venue embrouiller encore le Sénégal parce qu’au moment où cette Cour se prononce, notre pays a déjà exprimé sa position devant la Cour internationale de justice de la Haye en disant : «La convention de 1984 me donne une alternative : extrader ou juger. J’ai décidé, après avoir modifié mon droit national, de juger.» Or la Cour de justice de la Cedeao dit : «Vous ne pouvez pas juger nationalement. Il faut une formule de justice internationalisée.». Et elle rattache cette appréciation à ce qu’elle appelle une «coutume internationale». C’est un point de vue très contestable. Malheureusement, le Sénégal en a tenu compte dans une certaine mesure et je crois que c’est ce qui explique aujourd’hui un malaise dans sa position parce qu’au fond, notre pays ne se conforme pas tout à fait à l’arrêt qui a été rendu par la Cour de la Haye qui me paraît le plus pertinent par rapport à celui de la Cour de la Cedeao.
Quand vous dites que nos juges doivent être les «surveillants» de la légalité internationale, voulez-vous dire que notre justice n’a pas fait son travail ?
Non. Je veux dire que c’est une évidence d’ordre juridique. Les conventions que le Sénégal signe au niveau international le lient et ont vocation à être appliquées par nos tribunaux lorsque les conditions de leur application sont réunies. J’ai voulu dire également que cette affaire a montré une certaine impréparation de notre appareil judiciaire à intégrer cette donnée que constitue la norme internationale dans l’acte de juridiction. J’ai parlé de la faible réceptivité de notre appareil judiciaire à cette exigence. C’est effectivement lorsqu’on s’intéresse au contentieux du jugement de M. Habré - qui est la première phase au plan national - ou au contentieux de son extradition - la deuxième phase - qu’on se rend compte que nos juridictions ont eu une certaine réticence à appliquer les normes internationales. Il est vrai que la quasi-totalité des systèmes judiciaires ont connu, dans un premier temps, ce même type de comportement. Mais il faut bien se rendre compte que le temps de la mutation est venu et qu’aujourd’hui il y a de grands pans du droit qui lient le Sénégal et qui sont d’origine internationale. Je pense aux normes de l’Uemoa, de la Cedeao, qui nous lient. Les citoyens sénégalais ou d’autres personnes qui saisissent ces juridictions ont le droit de les invoquer et nos tribunaux ont le devoir, au risque d’engager la responsabilité internationale de notre pays, d’appliquer ces normes, lorsque, évidemment, les conditions de leur application sont réunies.
En gros, quelle appréciation faites-vous du comportement du Sénégal face à ses engagements juridiques ou judiciaires internationaux dans l’affaire Habré ?
Cette appréciation ressort très clairement du tout dernier arrêt qui a été rendu par la Cour internationale de justice de la Haye, décision qui clôt l’affaire. C’est un arrêt qui condamne le Sénégal et on ne le dit pas assez. La Cour estime que notre pays a violé son obligation de juger ou d’extrader Habré. Et c’est pour une raison simple : le Sénégal a mis énormément de temps pour montrer qu’il devait juger ou extrader. Je dis bien juger Habré et non le déclarer coupable parce que ce sont les débats judiciaires qui décideront de ce point précis. Cet épilogue était évitable car en 2009, lorsque l’affaire atterrit devant la Cij, le Sénégal gagne le procès dans sa première phase, contre la Belgique, à une écrasante majorité. C’était le stade des mesures conservatoires. Deux ans après, le Sénégal perd le procès dans les mêmes proportions. Qu’est-ce qui s’est passé entre-temps ? Le Sénégal a pris un engagement devant la Cour, qu’il n’a pas respecté pour des raisons obscures entre 2009 et 2011. Les autorités n’ont pas été cohérentes. C’est ce que la Cour appelle un «fait illicite continu», qui a été ainsi sanctionné.
L’Etat du Sénégal a mis du temps et aujourd’hui encore il mettra du temps pour juger M. Habré puisqu’on parle d’au moins 18 mois de procédure…
La différence c’est qu’il me semble que, maintenant, le processus judiciaire tendant au jugement de Habré est enclenché, même si les bases sur lesquelles il l’est me semblent encore une fois assez contestables du point de vue du droit en général, et des décisions rendues par la Cour internationale de justice en particulier.
En quoi ces bases sont-elles contestables ?
Parce qu’elles associent l’Union africaine à cette affaire, - pas seulement dans le financement du procès mais par exemple dans la nomination même des membres de la juridiction - alors que, je le répète, le pilotage de l’affaire aurait dû rester exclusivement national.
Vous faites allusion à la création de chambres africaines extraordinaires dans l’affaire Habré…
L’Ua n’avait rien à y faire. Qui s’engage à appliquer la convention de 1984 dont il est question ici ? Qui l’a signée ? Qui est lié ? C’est le Sénégal. La convention dit que ce sont les juridictions nationales qui doivent l’appliquer. Même si je pense qu’il n’y aura pas de conséquences graves parce qu’au fond, les gens souhaitaient que M. Habré soit jugé et tout donne l’impression qu’il le sera, sauf accident. D’une certaine manière, le débat est donc clos, mais sur le plan des principes, il y a des problèmes dans la démarche sénégalaise parce qu’elle intègre une donnée qui n’aurait jamais dû figurer dans cette affaire. Il faut espérer que ce point ne vienne pas nourrir de futures controverses.
Il y a aussi le débat sur la rétroactivité de la loi qui donne compétence au Sénégal de juger Habré. Est-ce qu’il n’y a pas de risque de bataille de procédure à ce niveau ?
Il est prévisible que les avocats de M. Habré feront feu de tout bois. C’est de bonne guerre. Ils sortiront tous les éléments de procédure qui leur paraîtront propres à compliquer la tâche de l’Etat du Sénégal. Maintenant, cette loi a été interprétée de diverses façons. A mon avis, c’est une loi qui a été simplement prise par le Sénégal dans la perspective de remplir ses obligations internationales. Parce qu’il y a une règle des relations internationales qui veut que, lorsqu’un Etat conclut une convention internationale, il en tire des conséquences sur le plan national, c’est-à-dire qu’il modifie dans le sens de son engagement international. La position sénégalaise peut parfaitement se recommander de ce principe du droit international.
Quitte à violer le principe de la non-rétroactivité…
Je ne crois pas qu’on puisse dire cela. Je sais que c’est une appréciation qui affleure dans une des décisions de la Cour de la Cedeao. Je ne suis pas sûr que le juge aurait confirmé cela s’il était de nouveau saisi.
C’est encore le respect des engagements internationaux du Sénégal qui fait polémique dans l’affaire dite des biens mal acquis. Quelle lecture faites-vous de cette interdiction de sortie du territoire de Karim Wade et Cie et l’arrêt de la Cedeao sur la question ?
Il y a deux choses qu’il faut distinguer. La première est la valeur même, pour ainsi dire, de la décision rendue. Cette valeur est sujette à caution, notamment lorsque la Cour évoque ce qu’elle appelle un défaut de base légale. On pourrait engager un débat de type technique sur ce point précis. Cela ne veut pas dire que le juge de la Cedeao n’aurait pas pu censurer les mesures prises par les autorités sénégalaises, mais il l’aurait fait au terme d’un raisonnement différent, par exemple en invoquant des règles supérieures à celles en vertu desquelles les mesures discutées ont été prises. La seconde chose qu’il faut dire est qu’en tant que membre de la Cedeao, le Sénégal est doublement lié par les décisions rendues par la Cour, même s’il les conteste. Il l’est comme signataire du protocole relatif à la Cour et comme membre de l’organisation internationale.
A ce propos, une réflexion mérite certainement d’être engagée autour des conditions dans lesquelles la Cour de la Cedeao fonctionne. Cette juridiction est assez particulière en ce sens qu’elle est la seule qui traite des violations des droits de l’Homme et qui ne le fait pas sur la base d’un texte. Si vous allez en Europe, vous avez deux systèmes de protection des droits de l’Homme : la Cour européenne des droits de l’Homme et une convention européenne des droits de l’Homme. Vous avez, ensuite, le système de l’Union européenne, mais il y a une charte européenne des droits fondamentaux. En d’autres termes, dans tous ces cas, il existe un référentiel normatif. Si vous allez en Amérique du Sud, c’est la même chose. Vous avez une convention interaméricaine des droits de l’Homme dont la Cour interaméricaine des droits de l’Homme veille au respect. Avec la Cour de la Cedeao, il n’y a pas de boussole normative. Elle n’a pas de bible précise, sur la base de laquelle elle tranche les litiges qui lui sont soumis. C’est là un premier problème.
Le deuxième problème, c’est que le concept central de sa jurisprudence, celui des droits de l’Homme, n’a jamais fait à ce jour l’objet d’une élucidation par la Cour. Car on peut comprendre que les textes soient muets, mais alors il devient nécessaire que la Cour opère un travail de clarification. Ce qui n’est pas encore le cas. Donc, c’est un problème. C’est pourquoi elle rend des décisions qui, parfois, déboussolent l’observateur parce qu’il n’y a pas de cadre normatif préétabli. J’ajoute que cela pose des problèmes également du point de vue de la dignité même de cette juridiction parce qu’on y retrouve parfois un contentieux qui n’avait pas sa place là-bas et qui aurait dû être traité nationalement, la Cour tranche parfois des affaires qui ne sont pas dignes d’elle.
Par exemple le cas de l’affaire Karim Wade et Cie ?
Non, pas ce cas précis, mais d’autres. Par exemple, un fonctionnaire malien qui perd des objets personnels et qui assigne son Etat. Voilà un contentieux qui n’avait pas sa place là-bas. Un autre exemple, c’est un enseignant du supérieur qui est recruté par l’Etat gambien et qui estime que les conditions de sa rémunération n’étaient pas satisfaisantes. Je trouve que c’est un contentieux qui n’aurait jamais dû atterrir là-bas. Tout cela est aussi le résultat de ce désert normatif dans lequel on est. Il faut ajouter que même pour l’observateur, celui qui, d’un point de vue scientifique, s’intéresse à ces questions, on est dans le malaise parce que justement, par définition, il n’y a pas de base légale permanente, stable, sur laquelle la Cour rend ses décisions.
Est-ce que la Cour dit, dans cet arrêt-là, qu’il n’y a aucune base légale ?
Quand je dis qu’il n’y a pas de base légale, cela veut dire qu’il n’y a pas de document constant sur lequel cette Cour se réfère. Bien sûr qu’elle se réfère toujours à des textes, entendons-nous bien. Mais combien y a-t-il dans le monde de textes qui se réfèrent aux droits de l’Homme ? Il y en a des centaines et donc on est dans un maquis textuel. C’est d’ailleurs le lieu de préciser que c’est la deuxième fois que notre pays est en difficulté devant la Cedeao. Il a été embarrassé déjà dans l’affaire Habré ; il est aujourd’hui en difficulté dans l’affaire des biens mal acquis. C’est pour cela qu’il me semble opportun de doubler notre action judiciaire d’une action diplomatique tendant précisément à réfléchir sur les conditions dans lesquelles la Cour travaille, sinon nous aurons, dans le futur, d’autres problèmes.
Qu’entendez-vous par action diplomatique ?
J’entends par action diplomatique une redéfinition des conditions de travail de la Cour, car ce sont les Etats qui définissent ces conditions-là. Par exemple, rien n’empêche aujourd’hui notre pays de proposer un texte à partir duquel la Cour pourrait travailler. Je pense que cela pourrait être un facteur qui n’éliminerait peut-être pas les malentendus possibles, mais cela les réduirait considérablement. Et ça, le Sénégal peut le faire parce qu’il a les moyens de changer les textes qui organisent l’organisation et le fonctionnement de la Cour.
Par rapport à la répudiation de la logique étatique dont vous avez fait état dans votre ouvrage sur Les mutations de l’intégration en Afrique, une approche institutionnelle, pensez-vous qu’elle puisse justifier la force d’application des décisions de la Cour ?
Ce que j’ai essayé de montrer, c’est que nous étions en présence d’une mutation de ces organisations dont d’ailleurs la création d’une Cour de justice dans une organisation comme la Cedeao procède, mais qu’il y avait des problèmes dans la mise en œuvre des engagements qui étaient pris, c’est-à-dire que, sur le papier, les engagements qui sont pris sont très généreux, l’option qui a été prise par les Etats est très claire : c’est celle de l’intégration au sens technique du terme. Les Etats s’engagent à sacrifier leurs compétences et une part de leur souveraineté au profit des organisations internationales, mais le problème c’est qu’il n’y a toujours pas la volonté politique qui va avec. Regardez par exemple les problèmes posés par l’action de la Cour de justice de la Cedeao, les réticences auxquelles elle se heurte. Elles sont compréhensibles d’une certaine manière, mais posent des problèmes vis-à-vis des engagements que l’on a pris. Regardez les lenteurs que les Etats mettent à mettre en œuvre les engagements qu’ils ont pris. Tout cela montre qu’ils n’ont pas encore saisi ou assumé toutes les implications de leurs proclamations de principe.
Justement par rapport à ces réticences, pensez-vous qu’elles puissent générer des contentieux ouverts entre la Cedeao et l’Etat du Sénégal et jusqu’où cela peut aller ?
Oui, théoriquement. Les éléments d’une superposition des contentieux existent aujourd’hui. C’est-à-dire qu’il y a le risque ou la probabilité, si les choses devaient empirer, qu’au contentieux des biens mal acquis proprement dit, s’ajoute un contentieux avec les institutions communautaires et plus précisément avec la commission de la Cedeao parce qu’il faut savoir qu’il y a, dans le dispositif juridique de la Cedeao, un recours dont la commission dispose et qui pourrait être mis en branle contre un Etat qui violerait le droit communautaire. Or la non-exécution d’une décision de justice constitue, en principe, une violation du droit communautaire.
Le Pds réclame la suspension du Sénégal, est-ce que cela peut être le cas ?
Ça peut être le cas. Je ne sais pas si on en arrivera à cela, franchement parce que nous sommes en face d’une organisation qui aime bien régler politiquement et de façon informelle les différends. Vous me demandiez tout à l’heure à l’extrême ce qu’il peut y avoir. Il peut y avoir des sanctions contre le Sénégal. Mais il faut savoir que les sanctions, dans le cadre de la Cedeao, n’ont jamais été mises en œuvre contre un Etat. Je veux parler de toute la panoplie des sanctions prévues. Je ne pense pas qu’on en arrivera là, mais théoriquement, rien ne l’exclut.
Vous avez fait référence à un «désert normatif» et à un «maquis normatif». Pensez-vous qu’il y a un nécessaire effort de réajustement qu’il faille faire à ce niveau-là ?
Je reprécise ma pensée. Je dis que c’est le désert normatif parce qu’il n’y a pas de texte unique et constant auquel la Cour se réfère comme les juridictions homologues dans le monde. C’est pourquoi je dis qu’il y a une espèce de vide, un désert précisément. A l’opposé, il y a aussi un maquis normatif parce que, du coup, la Cour peut se référer à une pluralité de textes, dès lors qu’ils portent sur les droits de l’Homme. On oscille donc entre ces deux pôles-là, entre la hantise de la carence et celle de la surabondance. Qu’est-ce qu’on peut faire ? On peut, à l’instar des juridictions de même nature dans le monde, trouver un texte de référence, par exemple une déclaration des droits des citoyens communautaires.
Peut-on dire que les juges de la Cour de la Cedeao n’ont pas voulu aller jusqu’au bout de leur raisonnement dans l’affaire Habré, dans le second jugement rendu ?
Dans l’affaire Habré, j’ai effectivement relevé que dans une décision judiciaire il vient toujours le moment du verdict. La main du juge ne tremble pas quand il s’agit de donner le verdict. Le raisonnement du juge peut être encombré de doutes, peut s’interroger sur la pertinence des éléments qui sont portés à son appréciation, peut douter. Mais quand vient le moment d’émettre le verdict, celui-ci doit être limpide, clair. Or dans l’affaire Habré, si vous lisez le verdict, ce qu’on appelle, en termes techniques, le dispositif de la décision, vous verrez qu’il y a des éléments qui induisent le doute. Or ce n’est pas le moment de douter. On peut douter dans le raisonnement judiciaire, on ne doit pas le faire quand advient l’arbitrage proprement dit des prétentions des parties. L’élément le plus révélateur de cette tergiversation est, dans l’affaire Habré, l’impasse que le juge fait sur la demande d’indemnisation faite par M. Habré. Le juge a éludé la question, ce qui explique d’ailleurs que l’Etat du Sénégal ait, après M. Habré, lui aussi crié victoire.
L’arrêt de la Cedeao sur l’interdiction de sortie fait l’objet d’interprétations. Des fois, le juge dit que l’Etat du Sénégal ne s’est appuyé sur aucune base légale, d’autres fois elle se déclare incompétente sur tel autre aspect. Est-ce que cela ne résume pas la décision de la Cour ?
Pas tout à fait. Je ne suis pas en train de légitimer son raisonnement. Je trouve même qu’il est contestable à certains égards, mais je pense que quand le juge dit qu’il n’est pas apte à se prononcer sur certaines questions, il pense au procès national, à la législation nationale, et il a raison sur ce point. Il prétend seulement que ce n’est pas à Abuja qu’on apprécie les législations nationales ou qu’on rejuge un procès déjà tranché au plan national. Une Cour de ce type ne constitue pas un degré supplémentaire de juridiction. On n’y va pas pour annuler des décisions judiciaires nationales. On y va parce que les procédures nationales ont révélé des violations des droits de l’Homme. Il est donc salutaire, dans un tel contexte, que les débats soient précis, que les règles et les arguments qu’invoquent les parties le soient aussi. Malheureusement - je le disais tout à l’heure - ce référentiel normatif permanent n’existe pas aujourd’hui.
9 Commentaires
P.m.diao
En Avril, 2013 (15:13 PM)Thosa
En Avril, 2013 (15:19 PM)Nit Dafay Nité
En Avril, 2013 (15:26 PM)auquel la Cour devrait se référer pou opérer son contrôle.
Efgras
En Avril, 2013 (15:34 PM)Le Senegal ds l Uemoa ou la CDEAO ne doit en aucun cas se plier comme impussant.
Combien de conventions les USA , Britain et Israel ne suivent pas .
Le Senegal doit et devrait donner des lecons a la CDEAO.
L independance est d abord mentale
La puissance de meme .
Il faut que le Senegalais : nguem Bo pamm!
Mg
En Avril, 2013 (16:09 PM)Grand, tu es une fierté pour le Sénégal!
Djig
En Avril, 2013 (18:17 PM)Max
En Avril, 2013 (19:12 PM)Bravo et merci
Justice Pour Tous
En Avril, 2013 (01:37 AM)« Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. »
Un recteur qui ignorait royalement l'autonomie des structures et les lois du Sénégal, avec une gestion hors norme tant décriée par les syndicats et des citoyens de tous bords se retrouve nommé Ministre de l'Enseignement Supérieur de la Recherche, sans autre forme de procès. Les faits avérés qui lui sont reprochés sont d'une telle gravité qu'il ne doit certainement son "salut" (c'est temporaire, car un jour chacun rendra des comptes, ces anciens amis du PDS ne diront pas le contraire) que grâce la transhumance du PDS à l'ARP à la 25ème heure. Les "amis" avant la patrie.
« Problème de management (mal gouvernance, corruption, népotisme, dépenses de prestige, non respect des lois et des règlements, etc.) avec la complicité active ou passive de la communauté universitaire (avantages indus, intimidations, etc.), des autorités étatiques qui, jusqu’à présent, feignent de ne rien savoir (n’ont-ils pas les moyens de savoir ce qui se passe ?) pour éviter la confrontation avec ceux (les amis politiques !) qui sont nommés à la tête de ses structures et qui agissent parfois comme des monarques en gérant la chose publique à leur guise.
En effet quand les dirigeants (nommés par les autorités) gèrent la chose publique en dehors des normes établies sans être inquiétés le moindre du monde (pour ne pas dire promus à des stations plus juteuses), les syndicats demanderont des chosent hors normes et c’est le début du CHAOS.
Il est temps de restaurer l’État de droit (et donc des devoirs) ; il est indispensable, avant toute promotion, d’étudier sérieusement la gestion présente et passée du pressenti. »
Sauvons nos universités publiques du naufrage.(leral.net 9 oct. 2012 de Citoyen)
Paranoya
En Avril, 2013 (10:11 AM)Participer à la Discussion