
On évoque avec insistance la libération de Karim Wade. Le chef de l’État, Macky Sall, l’a même annoncé sur les ondes de Rfi. Cet élargissement de prison, suivant notre arsenal juridique, peut se faire de trois manières : par le biais d’une loi d’amnistie, d’une grâce présidentielle ou d’une libération conditionnelle. Trois concepts qui n’ont pas les mêmes mécanismes, mais qui ont pratiquement le même effet : l’élargissement d’une personne de prison.
L’improbable amnistie
Disons-le tout de suite. Il est peu probable que Karim Wade puisse bénéficier d’une loi d’amnistie comme ce fut le cas de Clédor Sène et cie après le meurtre de Me Babacar Sèye.
Amnistier Karim Wade, c’est lui donner une nouvelle virginité judiciaire. Cela veut dire que sa peine de 6 ans, infligée par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), sera effacée, de même que l’amende et les dommages et intérêts qu’il doit au Trésor public (l’amende) et à l’État du Sénégal (les dommages et intérêts). Ce qui signifie que les saisies opérées sur ses biens devront être restituées. Cela veut dire également que son casier judiciaire va redevenir vierge. Il pourra ainsi jouir de tous ses droits civiques et politiques. Personne ne pourra lui reprocher d’être coupable d’enrichissement illicite. Ce qui, politiquement, n’est pas pour arranger Macky Sall.
L’article 727 alinéa 2 du Code de procédure pénale dispose, en effet, que « sont retirées du casier judiciaire les fiches relatives à des condamnations effacées par une amnistie ».
Contrairement à la grâce présidentielle et à la libération conditionnelle, l’amnistie efface complètement la peine prononcée. En cas d’amnistie, le délit ou le crime pour lequel la personne a été condamnée est censé n’avoir jamais existé. On ne peut revenir sur des faits amnistiés.
Mais cette prérogative appartient exclusivement à l’Assemblée nationale et même si Macky Sall était favorable au vote d’une telle loi, il y aurait des blocages à l’Assemblée nationale comme c’est le cas avec la dépénalisation des délits de presse.
La possible grâce présidentielle
En revanche, Karim Wade peut bien bénéficier de la grâce présidentielle ou de la libération conditionnelle.
La grâce est accordée par décret du Chef de l’État. C’est l’une des prérogatives constitutionnelles du Président de la République, prévue dans l’article 47 de la Constitution sénégalaise. Il peut en faire bénéficier qui il veut. À une condition : la condamnation de la personne à gracier doit être définitive.
La grâce présidentielle n’annule pas le jugement et n’efface pas le casier judiciaire du condamné. Elle le dispense simplement de l’exécution de la totalité ou d’une partie de la peine.
Macky Sall peut donc bien user de cette prérogative pour libérer Karim Wade. D’ailleurs l’Union des magistrats sénégalais (Ums) n’y voit aucun inconvénient.
Le chef de l’État peut aussi demander à son ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba, de faire bénéficier à Karim Wade des dispositions de l’article 699 du Code de procédure pénale. Un article qui indique que « les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle s’ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et présentent des gages sérieux de réadaptation sociale ».
La libération conditionnelle, la voie royale
La libération conditionnelle étant « réservée aux condamnés ayant accompli trois mois de leur peine, si cette peine est inférieure à six mois, et la moitié de la peine dans le cas contraire » (Article 699 alinéa 2 du code de procédure pénale), Karim Wade peut en bénéficier, lui qui a quand même un comportement exemplaire (autre condition exigée) à la Maison d’arrêt de Rebeuss où il est incarcéré depuis son placement sous mandat de dépôt.
La libération conditionnelle est accordée par un arrêté du ministère de la Justice après avis de la commission consultative des peines et juge de l’application des peines. Et comme Papa Mamadou Pouye, le principal « homme de paille » de Karim Wade, arrêté et incarcéré en même temps que lui, a été libéré, rien se s’oppose, a priori, a ce que Karim Wade puisse bénéficier d’une libération conditionnelle.
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