Dans un contexte politique tendu, la proposition de créer une Haute Cour de Justice, formulée par Ousmane Sonko, le Premier ministre et leader du parti Pastef, a ravivé le débat autour de la reddition des comptes et de la responsabilité des élites politiques. Lors de sa dernière déclaration sur sa page Facebook, il a insisté sur l’importance cruciale des Législatives du 17 novembre prochain. Pour lui, ces élections ne sont pas simplement un exercice démocratique, mais un tournant décisif pour asseoir une majorité parlementaire solide, capable de mettre en place la fameuse Haute Cour de Justice.
Ce tribunal, qui serait habilité à juger les anciens responsables du pouvoir, y compris l’ancien président Macky Sall et ses ministres, devient ainsi un enjeu central de la campagne électorale. Sonko ne mâche pas ses mots : « Reddition des comptes oblige ! »
La mise en place de cette juridiction, selon lui, permettrait de poursuivre toute personne impliquée dans des détournements de fonds publics, une démarche qui vise à satisfaire une revendication populaire de transparence et de justice.
L’idée d’une HCJ peut donc sembler être une réponse légitime aux appels incessants pour juger les cas de mauvaise gestion, de corruption et d’enrichissement illicite qui auraient marqué le règne de Macky Sall, dans l’imaginaire collectif.
Il faut, toutefois, relever que les récentes révélations médiatiques, notamment sur l’Aser (Agence sénégalaise d’électrification rurale) et l’Onas (Office national de l’assainissement du Sénégal), soulignent l’urgence d’une justice capable de s’attaquer à ces scandales.
Les dossiers s’accumulent, et bien que certaines figures comme Thierno Alassane Sall et l’ancien directeur de l’Onas Cheikh Dieng aient été entendus par les enquêteurs, les autorités actuelles bénéficient encore de l’immunité liée à leurs fonctions.
Cependant, l’ambition de Sonko ne se limite pas à la poursuite des anciens dirigeants. D’ailleurs, lors d’un séminaire interministériel en préparation du lancement officiel de la Vision Sénégal 2050, le chef de l’État a insisté sur la nécessité pour les ministres de faire preuve de transparence dans la gestion des affaires publiques. « Nous devons être irréprochables. Si nous sommes pris à défaut dans le cadre de la gouvernance, le peuple sera désenchanté et nous ne pourrons plus le mobiliser », a prévenu Bassirou Diomaye Faye. Pour dire que cette Haute Cour de Justice ne se contentera pas de juger les acteurs du passé, mais s’appliquera également aux autorités actuelles et futures.
Cette démarche, bien que louable dans sa volonté d’équité, soulève des interrogations : jusqu’où cette cour ira-t-elle ? Sera-t-elle un réel instrument de justice ou un outil politique pour affaiblir les opposants et gérer les luttes internes ?
Les leçons du passé
L’histoire politique récente du Sénégal met en garde contre les pièges de la justice sélective. En 2014, le président Macky Sall, alors au pouvoir, avait déjà promis que l’Ofnac (Office national de lutte contre la fraude et la corruption) serait utilisé pour traquer les « brebis galeuses » de son propre camp. Pourtant, cette institution est rapidement devenue une arme de dissuasion politique plutôt qu’un véritable organe de contrôle et de sanction. Beaucoup de dossiers sont restés sans suite et les promesses de transparence se sont souvent heurtées aux réalités du pouvoir.
Ousmane Sonko et compagnie, en rappelant ces événements, semblent vouloir éviter ce même écueil. Mais la politique est cruelle et imprévisible au Sénégal. Si le projet de Haute Cour de Justice peut apparaître comme un moyen légitime d’assurer la responsabilité des dirigeants, il pourrait également devenir un champ de bataille juridique où la justice se mêlerait dangereusement aux stratégies politiques.
Pour que cette juridiction, si elle est mise en place, ne devienne pas un simple outil de règlements de comptes politiques, elle devra être dotée de garanties d’indépendance. Ce type d’institution ne peut fonctionner efficacement que dans un environnement où la séparation des pouvoirs est strictement respectée et où la transparence est de mise à tous les niveaux. Il ne s’agit pas seulement de juger les crimes économiques du passé, mais de poser les fondations d’une justice capable de réguler durablement la vie publique sénégalaise.
Les élections législatives du 17 novembre seront donc décisives, non seulement pour déterminer la composition de l’Assemblée nationale, mais aussi pour décider si le Sénégal peut, enfin, se doter d’une justice capable de faire face à tous, anciens comme nouveaux dirigeants. L’enjeu est double : sanctionner le passé, mais surtout garantir l’avenir.
6 Commentaires
Senegalais Lambda
il y a 2 semaines (13:24 PM)Quesque vous y attendait
Leuz
il y a 2 semaines (14:33 PM)Mbaye
il y a 2 semaines (14:58 PM)Reply_author
il y a 2 semaines (15:54 PM)S
il y a 2 semaines (16:56 PM)Participer à la Discussion