Résultats de la troisième commission rogatoire du 15 au 30 mars 2014
Après le
réquisitoire introductif du procureur général des Cae, on est passé à la
phase de l'instruction qui a débuté par une inculpation, celle de
Hissène Habré. Cette phase, très sensible, est sous le sceau du secret
d'instruction, mais fait partie intégrante du procès. On a désigné des
experts, des anthropologues, des spécialistes de l'histoire politique du
Tchad pour se faire éclairer sur certaines questions. Puis on a procédé
à une perquisition au domicile de M. Habré en présence de l'inculpé et
de son avocat. L'inculpé sera de nouveau extrait prochainement pour
l'ouverture des scellés des objets saisis chez lui. La
première commission rogatoire au Tchad avait pour mission d'entendre des
victimes, des témoins et visiter les charniers. A ce jour,
cinq-cent-vingt-deux (522) victimes et vingt-huit témoins ont été
entendus dans ce cadre. Nous nous sommes rendus dans l'est du Tchad pour
visiter des charniers. Des anthropologues vont procéder à l'exhumation
des cadavres pour leur identification. Actuellement, rien ne s'oppose
en principe, à une quatrième commission rogatoire. Les interrogatoires
vont se poursuivre, si nécessaire, et il est prévu le transfèrement à
Dakar de deux (2) inculpés détenus à Ndjamena. Interpol a été saisi pour
l'interpellation de deux (2) autres inculpés qui sont hors du Tchad. On
a obtenu l'engagement des autorités judiciaires tchadiennes pour ce
transfèrement. Des auditions et des confrontations sont ensuite prévues.
2014 sera, au bas mot, une année d'instruction et il faudra normalement
attendre 2015 pour la tenue de l'audience publique du procès.Chefs d'inculpation
Les personnes visées sont inculpées de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de tortures.
Stratégie du silence de Habre, Perquisition à son domicile
Les avocats
sont persona non grata dans les perquisitions et il n'existe aucune
disposition qui oblige le procureur à les laisser assister à ces
opérations. Mais la pratique au Sénégal tolère ce fait. La loi, elle,
permet à la personne perquisitionnée d'être présente ou, à défaut, de se
faire représenter par deux (2) personnes qui ne sont pas sous son
autorité dans le cas où elle se déroule en dehors de son domicile. Donc,
l'avocat ne peut pas s'opposer à une perquisition. Toutefois, les
objets saisis sont mis sous scellé et l'ouverture de ceux-ci se fait
obligatoirement en présence des conseils du perquisitionné. En outre, le
parquet peut juger utile de garder tout objet intéressant, à son sens,
la procédure. L'avocat peut s'opposer, par une requête, à la garde de
tel ou tel autre objet. La perquisition peut être faite par le procureur
lui-même ou par des officiers de police judiciaire, suivant l'article
83 du code de procédure pénale. Pour le cas de Habré, elle a été faite
par des officier de police judiciaire. Le principal intéresse n'a jamais
dit qu'on lui a volé tel ou tel autre objet. Ce sont des affabulations
d'un avocat qui ne respecte pas les institutions. S'il arrivait que
les avocats de Habré boycottent la procédure parce qu'ils ne
reconnaissaient pas les Cae, on aurait saisi le Bâtonnier de l'Ordre des
avocats pour lui en octroyer un. Aussi bien, que Habre parle ou garde
le silence, c'est pareil pour nous !
Archives de la Dds
Les
archives de la Dds (N.d.r. : Services de renseignements au Tchad) sont
très importantes parce qu'elles nous renseignent sur le rôle du
président de la République qui gérait directement ces archives.
Malheureusement pour lui, lors de sa fuite, le président Habré n'a pas
pu détruire tout ou partie de ces documents. Un graphologue a été requis
pour attester de l'authenticité de certains documents, notamment ceux
comportant les annotations de certains inculpés.
Coopération avec le Tchad
Un
accord de coopération judiciaire a été signé entre l'Etat du Sénégal et
l'Etat du Tchad. En vertu de cet accord, les autorités judiciaires
sénégalaises ont demandé le transfèrement des autres inculpés détenus au
Tchad. Les autorités tchadiennes n'attendent que les mandats d'arrêt
pour le transfèrement.
Saisine du Bâtonnier de l'Ordre des avocats pour les déclarations d'un avocat de Habré
Lors de la
perquisition au domicile de M. Habré, l'avocat en question (N.d.r. : Me
El Hadji Diouf, dont il ne prononce le nom à aucun moment) est sorti
dès le début des opérations pour faire des déclarations devant la
presse. L'inculpé lui-même n'a émis aucune objection et a même
félicité les officiers de police judiciaire pour leur professionnalisme.
Cet avocat a commis des délits qui relèvent du flagrant délit en
proférant des injures, en diffamant et outrageant des magistrats et des
officiers de police judiciaire. Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats a
été saisi dans la mesure où ces faits n'ont pas été commis dans
l'exercice de ses fonctions d'avocat. Qui plus est, le flagrant délit
rend inopérante son immunité parlementaire. Si le Bâtonnier ne fait
rien, le procureur de la République va se saisir de l'affaire. On ne va
pas laisser passer. (...)
Présence décriée du procureur général des Cae au Tchad
L'article 107 du code de procédure pénale indique que le procureur peut, s'il en a la possibilité, assister à toutes les auditions.
Le
budget prévisionnel des Cae prévoit que le procès se déroule sur quinze
(15) mois. Mais cela n'est qu'à titre indicatif et si le juge estime
que le délit est insuffisant, on peut l'allonger. Le budget a été
arrêté à cinq milliards (5 000 000 000) de F Cfa et a été entièrement
bouclé. Je signale que toutes les personnes qui seront déférées devant
le tribunal ne seront pas jugées par la seule volonté du juge, mais sur
la base des faits qui leur valent de comparaître. C'est la certitude qui
conduit, le cas échéant, leur condamnation. Les droits de Habré sont
garantis par le Statut des Cae. Si ces droits sont bafoués par
l'instruction, il peut faire un recours devant la Chambre d'accusation.
L'argent d'Idriss Deby
On
dit partout que c'est le président Deby qui a financé le procès et qui
paie les juges. Mais la vérité, c'est que l'Etat tchadien, et non Deby,
a apporté une contribution significative au financement du procès. Il y a
aussi le fonds d'indemnisation des victimes. Or, celles-ci sont
tchadiennes, les inculpés sont tchadiens et les faits se sont déroulés
sur le territoire tchadien. On peut donc trouver normal que l'Etat
tchadien donne la plus importante contribution financière. Dire que
c'est Deby qui a financé le procès, c'est comme dire que l'argent
donné par les États-Unis est sorti de la poche d'Obama.... La France et
le Sénégal ont aussi contribué. Et tout cet argent est l'argent des
contribuables des pays contributeurs, parmi eux l'argent de cet avocat.
Si tant est qu'il paye ses impôts (rires).
Le Tchad, partie civile et bailleur du procès
C'est
un débat juridique que va trancher la Commission d'instruction des Cae.
Il est vrai que dans l'histoire des tribunaux internationaux, jamais un
État ne s'est constitué partie civile...
Interdiction du Cnra de diffuser le procès
Cette
interdiction n'est qu'un avis. L'article 36 du Statut des Cae, qui est
au-dessus de l'avis du Conseil national de Régulation de l'Audiovisuel
(Cnra), dispose que " les audiences devant les Chambres africaines
extraordinaires, sous l'autorité du procureur général, sont filmées et
enregistrées afin d'être diffusées, sauf si cela contrevient aux mesures
nécessaires à la protection des témoins et autres participants ".
S'il n'y a pas une décision des Cae allant dans le sens d'acquitter ou de condamner Hissène Habré, l'Etat du Sénégal sera obligé de l'extrader vers la Belgique...
Propos recueillis par Babacar Guèye
9 Commentaires
Iboooooouuuuuuuuuuu
En Avril, 2014 (00:15 AM)Boy Pikine
En Avril, 2014 (00:35 AM)Ama
En Avril, 2014 (03:24 AM)Kaserkes
En Avril, 2014 (11:30 AM)Terrible
En Avril, 2014 (11:51 AM)Seng
En Avril, 2014 (15:52 PM)Ecole Pikine 12
En Avril, 2014 (16:38 PM)Momo
En Avril, 2014 (19:35 PM)Nit
En Avril, 2014 (21:17 PM)Participer à la Discussion