Que faire lorsque vous découvrez que le mouton que vous venez d’acheter présente une malformation qui le rend inéligible pour la Tabaski ou qu’il meurt chez vous ou en chemin ? Que dit la loi en pareilles situations ? Des juristes donnent leurs avis.
Vieux Ndiaye s’en remet à Dieu. Qui lui a donné et qui a repris. Non pas son enfant ou un de ses parents, mais son mouton de Tabaski. Heureux et fier d’avoir acheté un beau bélier pour la fête du Sacrifice, ce père de famille habitant des Parcelles Assainies a eu la désagréable surprise de découvrir, arrivé chez lui en provenance du foirail, que la bête est inerte. Mort. C’était un après midi de veille de Tabaski. Au lieu de s’en prendre au vendeur par exemple en déposant une plainte, histoire de voir s’il n’a pas été victime d’une arnaque, il a décidé « d’oublier cette histoire » pour aller s’offrir un autre mouton. « C’est la volonté divine », martèle-t-il.
Interrogé par Seneweb.com, Me Moustapha Dieng estime que Vieux Ndiaye a raison de ne pas ester en justice. La robe noire précise : «Cet acquéreur-là n’aurait rien eu s’il allait devant la justice, parce qu’il y a eu déjà la transaction. Et le contrat a été régulièrement formé dès lors qu’il y eu un accord de consentement. En l’espèce, l’objet est licite, la cause n’est pas immorale et surtout, les deux parties sont tombées d’accord sur les prix. Il a payé. Il a alors transmis la propriété. Donc quoiqu’il puisse arriver au mouton, l’acquéreur ne pourrait pas par la suite réclamer quoique ce soit au vendeur. En l’état, il lui sera extrêmement difficile, ses chances sont nulles, pour que cela engage la responsable du vendeur, dans le cas d’espèce.»
L’équation de la preuve
Certes, reconnaît Me Dieng, il arrive que certains vendeurs nourrissent leurs moutons de breuvage qui leur donnent une belle allure en un laps de temps très court. Mais le cas échéant, comment apporter les preuves de l’arnaque ?
« Devant une telle situation, l’expertise d’un vétérinaire est nécessaire pour voir si le mouton a reçu un breuvage administré par le vendeur qui lui a été fatal, avise l'avocat. Il se posera ensuite la question de savoir pourquoi l’acquéreur n’a pas procédé aux vérifications d’usage avec un sachant avant d’enlever le mouton. Est-ce que les conditions de transport du mouton ne sont pas à l’origine de la mort du bélier, comme par suffocation, etc. ?
C’est dire qu’avant de déterminer la responsabilité du vendeur dans la mort de l’animal, le plaignant aura dépensé plus que le prix de 4 moutons. Cela ne vaut donc pas la peine. En plus l’acheteur dont le mouton est mort devra prouver que le mouton mort est bien celui qui lui a été vendu. Toutes choses qui lui font dire qu’un contrat régulièrement formé crée entre les parties un lien irrévocable. Et dans le cas d’espèce, je ne vois pas matière à dire oui. »
Me Boubacar Dramé ne dit pas autre chose : «Si l’acquéreur, après avoir discuté avec le vendeur, a payé le prix après livraison du produit et qu’en cours de route ou arrivé à la maison, il constate que le mouton est mort, à partir de ce moment, c’est sur lui que pèsent les risques. Parce ce qu’il faudrait se demander ce qui serait à l’origine de la mort de mouton. Parce qu’en fait, c’est un contrat qui les lie. Dès l’instant qu’il y a eu livraison de l’animal, le risque pèse sur l’acquéreur. Il peut arriver qu’une personne paye le prix mais n’a pas encore reçu livraison, dans ce cas, le vendeur sera obligé de payer parce que c’est lui le gardien. Il supporte toutes les conséquences.»
Ces difficultés à constituer un dossier solide en vue d’une plainte font la rareté des affaires opposant un vendeur et un acheteur au sujet d’un mouton de Tabaski mort après la transaction. Une dizaine d’avocats interrogée au palais de Justice de Dakar jure n’avoir jamais rencontré un cas pareil. Certains ont pourtant fait plus de 20 ans de barreau.
Les vendeurs s’en lavent les mains…
Du côté des vendeurs de moutons, on ne cherche pas midi à quatorze heures. Dès que la vente est actée, ils considèrent que leur responsabilité est dégagée. Éleveur de moutons installé au Rond Point de la Boulangerie Jaune à Sacré Cœur, Pape Samba Dièye, lui, n’écarte pas de « faire un geste pour le client ». Sous certaines conditions : « Si je constate après avoir cédé un mouton que celui-ci présente une infirmité qui le rend inéligible pour le sacrifice, je suis prêt à remplacer la bête en question. Par contre si un client essaie de me retourner un mouton acheté chez moi et mort chez lui ou en chemin, je ne l’accepte pas. »
Postés près de Pape Samba Dièye devant leur troupeau de béliers, Mor et Matar, se montrent moins conciliants. «Si vous achetez votre mouton, c’est fini, disent-ils en chœur. Notre responsabilité ne peut en aucun cas être engagée lorsqu’il arrive un malheur à un animal déjà vendu. Même s’il meurt après la transaction, nous ne sommes pas concernés. »
2 Commentaires
Anonyme
En Septembre, 2016 (21:23 PM)Anonyme
En Septembre, 2016 (22:15 PM)ces pauvres bêtes vivent un cauchemar avant de se faire tuer : acheminer en ville dans des conditions insupportables et vivre pendant des semaines en pleine ville au milieu de la circulation , devrait être interdit !
même si la vente a eu lieu dans des conditions normales, ça reste un contrat passé de gré à gré, le vendeur est responsable de la santé et de viabilité de l'animal qu'il a vendu.
Les avocaillons n'ont pas raison.#
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