
La condamnation de celui qui vient d’être intronisé candidat du Pds pour l’élection présidentielle de 2017 n’a pas bouleversé le quotidien des Dakarois, comme on le redoutait.
Reportage. Il est midi. Au tribunal de Dakar, le verdict est tombé. Après huit mois de procès, une dizaine de témoins, et près de dix pages de procès verbaux lus, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) a condamné Karim Meissa Wade, ancien ministre et fils de l’ex -président du Sénégal, Abdoulaye Wade, à six ans d’emprisonnement ferme. A l’annonce du verdict, le monde s’effondre pour les partisans de l’ancien ministre d’Etat : des cris d’horreur, des pleurs, une femme qui tombe en syncope et un homme qui crie à l’injustice.
« Nous ne voulons plus être Sénégalais, nous ne le sommes plus, se lamente l’un deux ! Nous ne voulons plus vivre dans un pays d’injustice, pleure une jeune dame au tribunal. Où sommes-nous ? Que signifie un tel verdict ». La douleur est insupportable pour les libéraux. Le « Pape du Sopi », Abdoulaye Wade, quitte la salle, en silence. La mine défaite, il tourne le dos à la Cour dirigée par Henri Grégoire Diop. La douleur et la consternation se lisent sur son visage. Il est anéanti, mais reste serein. A l’extérieur du tribunal, les contestations se font de plus en plus vives. « Nous allons organiser la riposte.
Nous n’allons pas nous laisser faire », tonnent des femmes regroupées devant l’entrée du tribunal. « Qu’on le condamne à vie pour voir, s’insurge l’une d’elle. Macky Sall n’est pas éternel et il doit savoir que l’on ne peut pas arrêter la mer avec ses bras. Le Pds aura un autre candidat ». Ils sont là, quelques centaines de badauds regroupés au Palais de Justice de Dakar, le regard perdu. Et semblent être en quête de quelque chose. Certains croient rêver. Mais, les choses sont bien réelles.
Les gendarmes présents en masse le rappellent. Et leur intiment l’ordre de se disperser. Des cris de protestation se font retentir, les policiers passent à l’action. Ils menacent de disperser la foule à coups de gaz lacrymogènes. A peine, l’un d’eux a fini de charger son fusil que la foule s’exécute. Calme plat au centre ville A quelques 500 mètres des lieux, à la Place de l’Indépendance, le décor contraste.
Tout le monde vaque tranquillement à ses occupations, sous haute surveillance policière.
Certains, par mesure de prudence, ont même préféré éviter la ville. Pas un chat qui rode. Tout est calme. Tout le monde ne se sent pas concerné par le sort du fils de l’ancien chef de l’Etat. « Il l’a quand même bien mérité, tranche pour sa part une dame, la cinquantaine bien sonnée. Abdoulaye Wade et son fils, ont vraiment exagéré. Ils ont méprisé les Sénégalais. Aujourd’hui, ils ne récoltent que les pots cassés. Il est vraiment inutile de faire du bruit pour ce procès ». Elle n’est pas la seule à le penser.
Un chauffeur de taxi, rencontré en ville, pense que c’est du gâchis que de perdre même du temps à aller au tribunal a fortiori de manifester. « Manifester pour qui, et pour quoi ? Karim Wade est le seul responsable de ce qui lui arrive. C’est son père qu’il m’a mis dans ce pétrin, pense-t-il.
Ceux qui manifestent ou pleurent pour Karim Wade sont vraiment naïfs. S’ils se font prendre, ce n’est pas Wade qui les fera sortir de prison. Sincèrement, nous avons d’autres préoccupations que celles-là. Et puis, six ans pour tous les milliards amassés, ça en vaut quand même la chandelle. Même ses petits enfants pourront en vivre ». Ce 23 mars, jour de vérité pour Karim Wade, la terre n’a pas tremblée et le ciel n’est pas tombé. La vie continue bel et bien au Sénégal.
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