Moustapha Guirassy, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, revient, dans cet entretien accordé au Soleil, sur la diffusion des informations du site Wikileaks par une partie de la presse sénégalaise sans un traitement approprié, selon lui. Cela peut constituer un danger pour le citoyen et le pays. C’est pourquoi le ministre de la Communication, s’inspirant de l’exemple de certains pays du Nord, invite les hommes et les femmes des médias à renouer avec l’orthodoxie journalistique et à instaurer un débat sur les relations entre le Web et les médias dits traditionnels.les relations entre le Web et les médias dits traditionnelle.
Depuis un certain temps, on parle de Wikileaks, ce site internet spécialisé dans la diffusion d’information sensi- ble et souvent volée. En tant que ministre de la Communication, qu’est-ce que vous pensez de ce débat?
Ce débat est intéressant à plus d’un titre, et il nous interpelle à deux niveaux :
(i) la sécurité de notre système (gouvernemental) de collecte, de classement et d’archivage des documents officiels. Vous savez qu’au lendemain de ces fuites, très regrettables du reste, et condamnées par la communauté internationale, beaucoup de pays ont procédé en un audit de leurs systèmes informatiques pour davantage les sécuriser. Le Sénégal ne devra pas être en reste pour éviter une fuite de cette nature.
(ii) Ensuite, en ma qualité de ministre de la communication, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt le débat, dans la presse occidentale, sur l’opportunité de la publication des câbles par les médias traditionnels. Je pense, ici aussi, que nous devrions avoir le courage de poser ce débat, qui devra rester technique et scientifique. En effet, de grands journaux comme Le Monde (France), The New Times (Usa), The Guardian (Angleterre), Der Spiegel (Allemagne) et El País (Espagne) avaient décidé de ne publier ces câbles diplomatiques que sous condition : procéder à un traitement journalistique des informations.
Qu’entendez-vous par traitement journalistique ? La mise à disposition de ces informations n’est-elle pas, dans une certaine mesure, un exercice de transparence et de démocratie ? Les citoyens n’ont-ils pas le droit de savoir ?
Absolument ! Mais, pour reprendre l’expression même de Sylvie Kauffmann, directrice éditoriale du « Monde », il doit s’agir de « la « transparence responsable », puisqu’elle-même déclare, je la cite : « Nous avions écarté les télégrammes que nous ne jugions pas dignes de foi, et nous avions expurgé les noms des gens qui pouvaient être mis en danger ». Mieux, elle considère que quand « certains ont décidé d'opter pour la transparence totale en mettant tout sur le Web, c'est à nos yeux, c’est la directrice éditoriale du Monde qui parle toujours, une très grave erreur éthique ».
Et mieux encore, d’autres journaux avaient refusé de publier ces câbles diplomatiques, parce qu’il s’agit d’informations volées. Tout le monde sait que tous les codes d’éthique interdissent la publication d’information volée, et il reste établi que les informations publiées ont été frauduleusement soustraites du système d’information des Usa. Il s’agit donc de notes diplomatiques, que l’on sort de leur contexte, et on ne sait rien sur la crédibilité des personnes qui les ont rédigées.
Sur la base de quelles sources ces notes ont-elles été rédigées ? Quel est le degré de fiabilité des informations qui ont été fournies ? Nous tous, nous savons que les représentations diplomatiques envoient à leurs pays des rapports quotidiens et, souvent, sur la base de coupures de presse sur des questions non encore élucidées, pour ne pas dire des rumeurs.
Karim Wade est un homme public, de surcroît un membre du gouvernement du Sénégal. Que la presse relate son «arrestation» au Maroc semble être normal …
Merci pour le cas que vous me donnez là. Prenons donc l’exemple de la supposée arrestation de Karim Wade à Rabat. En effet, le chargé d’affaires d’alors de l’ambassade des Usa au Maroc, M. Robert P. Jackson, très connu à Dakar pour avoir été chargé d’affaires ici aussi, avait transmis au département d’Etat un rapport sur la base d’une « devinette » d’un journal marocain. Voila, une simple « devinette » pour ne pas dire un ragot d’un journal people, donc pas du tout sérieux, qui sert de source à un diplomate. Pensez vous sincèrement qu’il s’agit là d’une source fiable qui pourrait autoriser des journaux à traîner dans la boue un père de famille, une autorité publique ? Je pense que non.
Donc, pour vous, les informations de Wikileaks ne sont pas fiables ?
Nous savons tous, même si nous n’avons pas fait les écoles de journalisme, que le journalisme, c’est la collecte, le traitement et la diffusion de l’information.
Est-ce qu’un journal sérieux peut – à supposer même que Wikileaks n’a pas volé les informations – collecter une masse d’information auprès d’une représentation diplomatique et se permettre de les diffuser sans les vérifier, sans les traiter ?
Donnez-moi le nom d’un seul organe de presse qui a vérifié cette information auprès des services américains ou marocains ? Voudrait-on supprimer la dimension traitement de l’information dans le journalisme, on ne s’y prendrait pas autrement. Saviez-vous par exemple, que l’auteur supposé du rapport, M. Jackson, ambassadeur des Usa au Cameroun, a été récemment rappelé à l’ordre par le ministre camerounais des Affaires étrangères pour avoir tenu des propos graves sur la base d’informations fausses, selon les autorités camerounaises. Cela vous donne une idée sur ce que certains peuvent qualifier de légèreté chez ce diplomate américain. En tout état de cause, ce n’est pas à Karim Wade de prouver la non véracité de cette information, mais ce sont les accusateurs qui doivent prouver cette supposée arrestation et, convenez-en avec moi, jusqu’ici les journalistes nous demandent simplement de les croire sur parole, il n’y a même pas un début de preuve.
Et mieux, je suis convaincu que si la presse avait saisi les autorités marocaines, elles ne manqueraient pas de démentir formellement cette information. Par ailleurs, je vous renvoie au démenti de l'ambassadeur des Usa qui a clairement indiqué qu'il n'a jamais discuté d'une arrestation de Karim Wade au Maroc. J’en appelle, donc, à la retenue et au sens de la mesure.
Donc, pour vous, la presse ne doit pas reprendre les informations de Wikileaks ?
Nous sommes une grande démocratie, et le gouvernement ne dictera jamais à la presse un code de conduite, mais, en ma qualité de citoyen et surtout de ministre de la Communication, j’ai eu mal, parce que mon pays a toujours été un pays de débat. Je regrette profondément l’absence de débat sur cette question. Dans toutes les grandes démocraties, le débat sur cette affaire a été posé, les gens se sont demandé s’il valait oui ou non reprendre les informations de Wikileaks.
Et si oui, dans quelles conditions ? N’oublions pas que tous les grands journaux s’étaient expliqués, « Le monde », le « New York Time », The Guardian…Pourquoi, ici au Sénégal, les journaux ne se sont-ils pas expliqués, pourquoi n’ont-ils pas donné de garanties à leurs lecteurs ? Pourquoi le Cored ou le Synpics n’ont-ils pas posé le débat ?
Nous sommes quand même une grande République, une grande démocratie, un pays de dialogue, de débat. Cela me fait mal, parce que le Sénégal mérite les grands débats et non les petits lynchages. Et nous devons tous avoir peur, parce que nous ne sommes plus dans le journalisme. Déjà, selon certaines informations disponibles dans le net, des malfaiteurs commencent à faire chanter d'honnêtes individus en leur faisant croire qu'ils disposent d'informations compromettantes sur eux. En fait, si maintenant la source de la presse, c'est l'information volée, dites-moi qui d'entre nous est en sécurité ? N'importe qui peut vous voler des documents et les vendre aux journaux. Or, le journalisme a toujours été la collecte de l'information par des moyens légaux et loyaux. En définitive, il faudrait avoir le courage de questionner les rapports entre l’internet et les journalistes.
Déjà, le web 2.0 pose problème, avec l’émergence du citoyen journaliste, qui diffuse des informations sans avoir les outils nécessaires pour les traiter. Et pis ou mieux, c’est selon, nous semblons assister maintenant à la naissance de ce que certains théoriciens appellent le Web 3.0.
Autrement dit, une minorité fournit un contenu à une autre minorité en dehors de tout contrôle, et celle-ci se charge de le blanchir et de le mettre à la disposition du grand public pour la grande consommation. Et la presse est placée ici, comme nous l’avons indiqué plus haut, devant le fait accompli, elle perd (volontairement ?) toute possibilité de traitement de l’information en se contentant de collecter et de diffuser celle-ci, ce que l’on reprochait - du reste au citoyen - dans le Web 2.0. On peut ici se poser des questions sur l’identité de ces minorités et sur ce qui les motive ? Comme vous le savez, les fuites reposent souvent sur un désir de vengeance et leurs auteurs sont souvent des déçus d’un système.
Et les politiciens dans tout cela ? N’y a-t-il pas une responsabilité de la classe politique qui est le principal consommateur de ce genre d’information ?
En fait, si la presse accorde autant de confiance à une information (leak) volée, non vérifiée, on peut s’attendre à ce que des politiciens sans programmes, sans agenda, essaient d’exploiter ce capital confiance pour nuire à leurs adversaires.
C’est avoir une vision courte et amorale de la politique. Nous ne sommes pas et nous ne serons jamais sur le terrain du dénigrement, du lynchage, nous sommes sur celui des bonnes idées, des programmes, des réalisations concrètes au profit de nos concitoyens.
Il faut, je pense, sans donner de leçon personne, moraliser la classe politique et assainir le secteur de la presse ainsi que l’espace public. « La fin ne doit jamais justifier les moyens ». Lorsque l’honneur et la dignité des personnes sont bafoués sur des bases de calomnies, de mensonges pour des intérêts bassement personnels, il faut avoir peur pour ce pays. Lorsque je vois que l’on accuse un honnête citoyen de trafiquant de drogue sans la moindre preuve et que d’autres Sénégalais s’en réjouissent, j’ai mal au fond de moi-même. Cette attitude n’est pas sénégalaise, ce n’est pas notre culture.
Lorsque Bourgi se permet de tout dire sans aucune preuve, et que tous savent ses véritables motivations, même les non initiés comprennent son langage, alors que personne ne dit stop, cela nous inquiète. Nous devons garder nos valeurs sénégalaises dans l’adversité. Il faut, aujourd’hui, un sursaut de patriotisme, de cohésion nationale et de dignité nationale pour mettre hors état de nuire de tels intrus, de telles pratiques, de tels acteurs, qu’ils soient de la France, d’Afrique ou de quelque organisation que ce soient…
La presse a une très grande responsabilité dans cette situation et nous devons revenir à l’orthodoxie journalistique, sinon nul Sénégalais ne sera à labri. Du président au prisonnier, du maçon au mannequin, de l’imam au khalife, personne, je dis bien personne, ne sera à l’abri de sa déconstruction. Que le Bon Dieu réconcilie les cœurs.
Propos recueillis par Cheikh Thiam
15 Commentaires
Ob's
En Septembre, 2011 (11:05 AM)Diery Hop
En Septembre, 2011 (11:35 AM)Ras
En Septembre, 2011 (11:42 AM)Passou
En Septembre, 2011 (11:43 AM)Au lieu de faire comme euroniews,france 24 ;la bceao se distingue par son impuissance et rate là une belle occasion pour permettre à l'Afrique de corriger et du coup inverser cette injustice.mAIS FAUDRAIT -IL DEJà COMPRENDRE LES VERITABLES ENJEUX DE L'HEURE.A BON ENTENDEUR
Ras
En Septembre, 2011 (11:46 AM)Conscient
En Septembre, 2011 (12:47 PM)Virus Bi
En Septembre, 2011 (12:57 PM)Galo
En Septembre, 2011 (15:00 PM)Charité bien ordonnée commence par soi même. Khole lene sene siikk ba noppi
Doul Rek
En Septembre, 2011 (22:49 PM)je suis désolé tu es comme ton père sa vraie copie, suceur
Siga Diouf
En Septembre, 2011 (07:59 AM)Rimkaas
En Septembre, 2011 (11:17 AM)Patisco
En Septembre, 2011 (17:41 PM)Si quelques fois tu te sens petit, inutile, démoralisé ou dépressif, n'oublie jamais que tu as été un jour le plus rapide et le meilleur spermatozoïde de ta bande... C'est toi, le grand gagnant!
Votre exceptionnelle aptitude à diriger est digne d'Alexandre le Grand.
Mbeugue Beuré Bagne Baré , vive wade et ses alliés 75% au premier tour
Ndiaganiao
En Septembre, 2011 (17:42 PM)Vous êtes notre ultime muse, la lumière qui resplendit dans l'obscurité, notre unique raison de vivre, l'intelligence à l'état pure, la beauté absolue et éternelle, le plus grand visionnaire de notre siècle... ZUT ! Plus de place sur le mail ! Veuillez nous pardonner pour tout ce que nous avons oublié !
Mbeugue Beuré Bagne Baré , vive wade et ses alliés 75% au premier tour
Mbour
En Septembre, 2011 (17:43 PM)Aucun superlatif ne convient pour définir vos qualités infinies… A moins d'en inventer un nouveau ?
Définition d'extraordinaire : Se dit de quelqu'un dont les capacités surclassent de loin celles des autres. Unique exemple de quelqu'un d'extraordinaire : Vous !
Aujourd'hui, "Parfait" n'est plus un terme abstrait : avec vous, nous en avons enfin un exemple vivant !
Mbeugue Beuré Bagne Baré , vive wade et ses alliés 75% au premier tour
Hamaza
En Septembre, 2011 (00:20 AM)Participer à la Discussion