Assoiffé de justice : Permettez Monsieur le Président...

Permettez Monsieur le Président,

Excellence,

Je suis certain que vos thuriféraires, en croissance  vertigineuse dans la galaxie de vos opposants les plus féroces d’hier, verront dans mes propos une offense au chef de l’Etat. Loin de moi cette idée, et au cas où ils persisteraient dans leurs accusations pour faire plaisir à leur nouveau champion, je les préviens que j’ai une ligne de défense imparable : je souffre d’un palu – les mal intentionnés y verront une conséquence des inondations et comme je vais vous parler de problème d’eau, le pas est allègrement franchi- et certificat médical à l’appui, je me réfugierai derrière la version neurologique du paludisme pour faire face aux enquêteurs de la DIC.

Mais, j’espère que leur zèle de nouveau converti  ne les conduira pas à cet extrême, car il s’agit juste de la prise de parole d’un citoyen indigné par ce qui se déroule sous ses yeux. Mon exaspération a atteint son paroxysme en suivant le JT  de la RTS du mardi 24 septembre 13. L’envoyé spécial de la chaîne nationale à grands renforts de superlatifs a voulu nous vendre votre discours-plaidoyer sur le droit des femmes, comme celui le plus attendu de la 48e conférence. Autant sur le fonds que sur la forme, je trouve qu’il y a beaucoup de choses à dire sur l’extrait que j’en ai entendu, mais ce n’est nullement l’objet de ce billet. Je trouve pour ma part que c’est très courageux, même s’il est vrai que la frontière entre le courage et le ridicule est souvent très ténue, de faire des milliers de kilomètre pour entretenir votre auditoire des droits de la femme –thème générateur de ressources pour les lobbyistes de tout acabit qui font légion sous nos cieux- alors que dans votre pays des millions de citoyens sont privés du droit le plus élémentaire : l’accès à une eau potable.

Je trouve que la pénurie d’eau qui persiste à Dakar depuis plus de dix (10) jours à Dakar justifiait pleinement que vous renonciez à ce déplacement, comme l’a fait le Président kenyan. Vos supporters vous diront très certainement que ma comparaison est déplacée et qu’on ne peut assimiler ce qui s’est déroulé dans ce pays*, avec ce qui se passe au Sénégal.

Je rétorquerai qu’ils n’ont aucune conscience des dangers qu’encourt notre pays et personne n’ose penser aux conséquences désastreuses d’une épidémie de choléra, en plein hivernage, à Dakar. Les touristes sont émerveillés par les fontaines qui dansent à Dubaï mais au Sénégal, l’ONASE fait mieux, car à chaque petite pluie, elle réussit la prouesse de transformer toutes les bouches d’égout de  Dakar en fontaines qui rivalisent en figures et en hauteur. Pendant ce temps, les populations sont obligées de se rabattre sur des pompes Diambar** qui ne rejettent des entrailles de la terre qu’une eau souillée et contaminée***.

Président, je vous informe que les populations de yoff où je fais mon sport tous les jours sont obligées de creuser au niveau de la plage pour avoir de l’eau à boire. Obnubilée par leur foi où faisant montre d’une résignation à toute épreuve, elles la qualifient d’eau miraculeuse, alors que moi qui parcourt cette plage où les riverains déversent leurs fosses sceptiques sans traitement préalable, j’ai bien peur qu’une bonne partie de la nappe est alimentée par ces fosses que le sable ne fait que filtrer. Les Ministères de la santé, du tourisme, de l’environnement et les collectivités locales devraient se pencher sur le sort de cette plage qui dans l’indifférence totale rejoint le cimetière de nos plages où l’ont précédé celles de Hann et de Soumbédioune. Mais l’état de nos plages, devant votre volonté de relancer le tourisme est un débat que le record de séminaires que nous battons dans ce pays ne suffirait pas à vider.

Donc, renoncer à ce voyage était une obligation morale pour vous car quand on a une partie de sa population assoiffée et une autre partie  qui a les pieds où la quasi-totalité de ses récoltes dans l’eau, on devrait s’abstenir de s’adonner à de la villégiature. Je pèse bien mes mots car les seules voix discordantes qui donnaient un tant soi peu de l’importance à cette grand-messe n’y résonnent plus: Chavez endormi du sommeil des juste n’en pouvant plus de supporter les injustices de ce monde et Ahmedinejad qui aurait rappelé à ces pays qui semblent s’indigner de l’usage d’armes chimiques en Syrie que ce sont eux-mêmes qui ont donné ces armes  à Saddam Hussein pour qu’ils s’en servent contre le peuple iranien. Osons juste espérer pour le peuple iranien que Rohani soit plus subtil dans la démarche car s’il renonce à se doter de l’arme atomique c’est cautionner la destruction prochaine de son pays.

Pour en revenir à un de ces pays, la France, que beaucoup de nos compatriotes affectionnent pour des raisons historiques, et que je ne porte pas particulièrement dans mon cœur pour des siècles d’exploitation éhontée et ininterrompue, je trouve que encore une fois, elle a raté une occasion unique d’essayer de se racheter. Il est vrai que pour un Hollande, en perte de vitesse dans son pays, et qui voulait les habits de chef de guerre victorieux, il est plus rentable politiquement de montrer à la télévision des troupes débarquant triomphalement à Toumbouctou, la très touristique, que d’enfouir une conduite du côté de la cité méconnue de Keur Momar Sarr. Opération de communication, sans risque, car malgré l’ingéniosité des médias français, le butin est bien maigre face à une cible évanescente. Tout ce qu’ils ont réussi à se mettre sous la dent, ce sont 2 adolescents en guenilles embusqués dans le massif des Iforas avec des fusils d’une autre époque que même nos troupes théâtrales rechigneraient à employer dans la reconstitution des fresques historiques. Mais en matière d’outillage dépassé, la SDE fait mieux car avec la visite du Premier Ministre, j’ai été stupéfait, et beaucoup de sénégalais sûrement avec  moi, de découvrir avec quel matériel les techniciens de la SDE, censés nous sortir de cette mauvaise passe opèrent. Et ma conviction est faite, ce n’est pas demain la veille.

Et Mme Mimi Touré, qui est sûrement hantée par le glaive de l’inaction qui aurait nous dit-on emporté Abdou Mbaye s’est évertuée à un exercice périlleux d’indignation en réclamant des sanctions. Je pense qu’elles auraient dues être effectives depuis longtemps en commençant par le Directeur de la SDE qui a épuisé son registre du mensonge d’Etat. Elles ne peuvent épargner le ministre de l’hydraulique car c’est en instituant cette culture de la responsabilité quelque soit notre degré d’implication que l’Etat amènera ses hauts fonctionnaires à être proactifs et à anticiper sur les actes de gestion. Ceux qui ont passé le contrat comme la société prestataire doivent être placés devant leur responsabilité et traduits en justice. Ils ont mis à nu la vulnérabilité de ce pays.

Devant l’état de corrosion de la pièce défectueuse,   mon sang n’a fait qu’un tour car rien ne nous dit que le reste de la conduite n’a pas subi le même sort et nous réserve plein d’autres mauvaises surprises.

Pour terminer Monsieur le Président, je voudrais dire que vous tenez entre vos mains une grenade dégoupillée, et il urge face à ce peuple en désarroi, de réagir pour ne pas laisser la bombe sociale dont vous avez héritée, exploser.

Et pour confirmer mes inquiétudes, pendant que je suis entrain d’écrire ces mots, une radio de la place dans ses titres de 06h30 m’annonce que les premières émeutes de l’eau ont eu lieu à Dakar et pour ne rien arranger, votre dame pendant ce temps, se paie un sac à deux (02) millions. Il est vrai que c’est une somme dérisoire pour une famille au patrimoine évalué à huit (08) milliards de francs quand elle prenait le pouvoir. Et comme nous savons qu’en Afrique, n’en déplaise au slogan creux  « gouvernance sobre », le pouvoir ouvre des boulevards insoupçonnés pour s’enrichir, cette modique dépense est dans l’ordre normal des choses. De plus pour la Première Dame, nous pouvons être indulgents, car sa fondation « Se Servir du Sénégal » aide tellement de pauvres, qu’elle peut se permettre. Et nous ne voyons aucun inconvénient qu’elle claque lors des missions officielles de son époux de président nos maigres ressources, mais qu’elle ait au moins la décence de le faire à notre insu. Donc,  le seul problème à ce niveau, c’est l’ADIE qui ne fait pas correctement son travail, car elle aurait pu lui dire que la vente en ligne est la pratique la plus usitée par les gens nantis de nos jours.

J’ai eu un semblant d’espoir quand dans votre dernier discours avant d’aller à NY, ville où l’eau coule toujours des robinets, vous appeliez tous les sénégalais à vous accompagner pour relever les défis. Discours, à l’occasion duquel vous affirmiez être uniquement préoccupé par votre mission quoi qu’il puisse vous en coûter, fut-il votre réélection. Je me disais qu’il a enfin compris la portée historique de la charge, à lui confiée. Mais mon enthousiasme fut de courte durée, car quelque temps après, j’apprenais que recevant vos militants, vous mettiez en garde votre opposition contre le danger de réveiller un lion qui dort, ces propos ressemblent à s’y méprendre à ceux tenus par un certain Me Wade mais il est vrai que vous avez été à bonne école, et à l’endroit de vos militants  vous leur suggériez de faire tout pour vous faire gagner les élections dès le premier tour pour vous placer à l’abri de toute mauvaise surprise.

Vos adversaires vous accusent souvent de manquer de vision, ce qui, pour un Président peut être très offensant, soit, mais n’acceptez jamais -parce que vous menez les destinées de ce pays et que vous devez tenir votre rang- de sombrer dans l’avilissement que seule l’incohérence confère avec autant d’aisance.

Je vous prie de noter Monsieur le Président, mon entier dévouement qui vous est totalement acquis dès que je serai parvenu à trouver de l’eau pour étancher ma soif.

                                Un citoyen assoiffé de justice.