
Cette histoire est grave à plus d’un titre! En effet, d’une part l’épilogue de cette affaire sonne comme un désaveu exprimé par le pouvoir judiciaire non seulement sur les méthodes employées, mais également sur les décisions prises par les pouvoirs publics. Par ailleurs, cette mésaventure policière, non contente de mettre en difficulté les pouvoirs publics que la police est censée protéger, les discrédite au final aux yeux de l’opinion. Dès lors, si cette dernière ne peut manquer de s’interroger sur la légitimité des décisions des pouvoirs publics, elle ne peut s’abstenir de marquer son indignation sur les conséquences. En effet, si casser l’entreprise qu’est le « Bar-Restaurant Piano-Piano » est lourde de conséquences sociales et économiques, briser des vies par des accusations fallacieuses et fantaisistes, a également de graves répercutions humaines. Au regard, du verdict, il serait intéressant de savoir, si le préfet de Dakar va revenir sur sa décision de fermeture pour six mois de cette entreprise. Peut-être comprendra t-il enfin, que les décisions issues de l’action publique, pour être légitimes ont besoin de sérénité et l’appui de faits valablement constatés. Dans le même ordre d’idées, où nous demandons à la presse, un traitement impartial et objectif, nous rappelons le droit à la présomption d’innocence.
D’autre part, cet arbitrage du tribunal des flagrants délits en démontrant l’incompétence de la police et l’indélicatesse des policiers impliqués dans cette affaire, cause également une fracture durable entre une police fragilisée et une société civile désorientée.
C’est pourquoi, dans l’accomplissement de sa tâche, la police doit aborder les situations avec discernement, nuancer son jugement afin de ne pas se tromper. C’est de cette manière qu’elle pourrait éviter des impairs aux conséquences incalculables. Aussi, dans l’exercice de sa mission, le policier doit savoir traiter ses concitoyens avec respect. S’adresser à eux de manière condescendante et autoritaire est contre-productif. Car, si le policier souhaite le respect de ses administrés envers lui, son attitude doit être exemplaire. Car, c’est dans la manière dont il se comporte lui-même, que les concitoyens vont se comporter avec lui. L’exigence de fermeté quand c’est nécessaire, ne saurait écarter la courtoisie. L’institution à laquelle le policier appartient est l’émanation de la Nation, à laquelle chaque citoyen sénégalais appartient aussi. La république exige du policier en mission, de se priver momentanément de ses convictions religieuses, morales ou politiques, et de ne s’appuyer que sur le code pénal.
La soumission à l’autorité du citoyen, exige chez celui censé représenter la force publique, aucune atteinte à la dignité du citoyen. Mais, quant au Sénégal, les policiers ne sont sanctionnés que quand ils sont meurtriers irréfutables. Les victimes d’agressions physiques ou verbales, consternées ou résignées, digèrent leurs frustrations en silence. C’est parce qu’elles savent qu’au Sénégal, les délits commis par les policiers contre leurs concitoyens restant souvent sans réponses judiciaires. L’indifférence et le silence assourdissant des différents ministres de l’Intérieur constituent une sorte de soutien aux auteurs? Cette passivité les rend complices. Mais, qu’ils ne s’y méprennent! Car leur immobilisme et l’ensemble des comportements indignes des policiers sont scrutés par les concitoyens. Que ces derniers se consolent et portent plainte. Le policier possédant la qualité de « fonctionnaire d'autorité », c'est-à-dire qu’en tant que "personne dépositaire de l'autorité publique", il risque la circonstance aggravante sur des infractions commises.
En réalité, cette affaire des supposées lesbiennes, soulève le sujet de la compétence et de l’éthique professionnelle des policiers. Mais, si l’incompétence est prouvée, elle ne peut servir d’excuse. L’hypothèse de la volonté de nuire ou de régler des comptes quant à elle, reste plus que probable. En fait, de quoi ces filles seraient-elles accusées : coupables de l’identité lesbienne que certaines d’entre elles auraient reconnue? Cela suffit-il à les rendre immédiatement répréhensibles pénalement, sans même qu’aucun acte contraire au code pénal ne soit commis? Les a-t-on mises en cause parce qu’elles sont des femmes qui ont osé pénétrer dans un bar ? Ou sont-elles condamnables parce qu’elles sont consommatrices d’alcool? Allons ! Il y a un pas que notre laïcité et nos libertés fondamentales ne sauraient franchir! Qu’on laisse au citoyen majeur et responsable sa liberté agissante ! Qu’on ne le prive pas de son pouvoir discrétionnaire.
Quoi qu’il en soit, nous refusons une police fonctionnant uniquement à charge, sans discernement, pratiquant l’arbitraire et abusant de son pouvoir. Si nous ne voulons ni d’une police orientée, nous souhaitons encore moins des pouvoirs publics cédant sous la pression ou étant perméables à l’influence de nouvelles idéologies ou d’un ordre moral religieux sous-jacent. Nous n’accepterons à coup sûr l’imposition d’aucune société de la pensée unique. Le thème de la défense de la culture traditionnelle africaine brandi par certaines ONG intéressées, n’est que leur fonds de commerce. Elles n’y croient point! En réalité, sous prétexte d’une lutte contre l’occidentalisation de notre société, est porté l’orientalisme, une autre forme d’aliénation culturelle. Le gouvernement en les soutenant, porte un rude coup aux défenseurs authentiques des valeurs culturelles, historiques, spirituelles et morales Nègres.
En définitive, nos gouvernements doivent prêter la plus grande attention, tirer de grands enseignements sur le traitement de cette histoire. Car, au-delà des agressions physiques et verbales quotidiennement subies par les Sénégalais, sans parler des rackets multiformes opérés sur la voie publique par des policiers pourris, l’affaire du Piano-Piano expose en réalité de graves contradictions entre des composantes majeures de l’appareil d’État. Elle a accrue la vigilance légitime des citoyens quant à l’importance accordée par les policiers au respect de leurs droits fondamentaux. Afin d’éviter une déchirure profonde entre le peuple et sa police, et créer une coupure dommageable à la stabilité du pacte social de notre pays, le gouvernement doit immédiatement identifier les raisons du dysfonctionnement de l’institution policière, situer les responsabilités et sévir? Mais pour l’heure, il est urgent pour lui de signifier à la police nationale de la république laïque et démocratique du Sénégal, qu’en plus de ses missions régaliennes, elle a l’indispensable mission de permettre et de garantir l’expression des libertés fondamentales de chaque citoyen de notre pays.
Pap Pûr-Méra Diop
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