Les professionnels des médias, particulièrement les journalistes, sont nombreux à être investis sur les listes électorales en vue des législatives de ce dimanche 17 novembre. Dès lors, d’aucuns posent le débat sur le journalisme et l’engagement politique. Peut-on exercer le métier de journaliste en étant politique ? Les réponses restent diverses. Seneweb a recueilli les avis sur la question de certains journalistes candidats à ces élections législatives.
Le journalisme mène à tout à condition d’en sortir, disait l’écrivain français Jules Janin. Au Sénégal, ils sont nombreux à rejoindre le champ de la politique. D’ailleurs, en vue des législatives anticipées du 17 novembre prochain, certains journalistes sont investis sur les listes nationales ou départementales des différentes coalitions. Qu’ils soient doyens des rédactions ou de jeunes reporters, des journalistes ont choisi d’assumer leur engagement politique. Certains d’entre eux interrogés sur la question de ce choix ne tergiversent pas : l’engagement politique est un prolongement de l’engagement citoyen du journaliste. Amadou Bâ est le directeur de publication de L’As Quotidien. Le maire de la commune de Missirah, dans la région de Tambacounda, est la tête de liste nationale de la coalition ''Nafooré'' Sénégal, une coalition en lice pour ces prochaines législatives. Le diplômé de la 34ème promotion du centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) estime que le dénominateur commun entre le journaliste et le politique c’est d’être au service des communautés. « Nous avons opté d'être au service des sénégalais. C'est notre mission en tant que journaliste pour permettre à l'État central de disposer d'éléments d'appréciation pour pouvoir agir. C'est déjà de la citoyenneté. Maintenant, lorsqu’on franchit le pas, on se met à la place de celui qui décide parce que l’on connaît déjà ce dont souffrent les populations. En connaissance de cela, si on est acteur, on agit », affirme Amadou Bâ.
D’ailleurs, pour Mariam Selly Kane Diop, journaliste formée au Cesti avec plus de 30 ans d’expérience à Radiodiffusion nationale sénégalaise (RTS), « le journaliste doit à un moment donné faire de la politique qui est définie comme étant la gestion de la cité. Aujourd’hui qui mieux qu’un journaliste peut contribuer à une bonne gestion de la cité ? Quand il a été témoin à voir des gouvernements se succéder il est important à un moment donné pour le journaliste de s’impliquer », estime la tête de liste départementale de la coalition ‘’Dundu’’ à Matam.
Ainsi donc, l’engagement par la plume et l’engagement politique peuvent être complémentaires. Pour Cheikh Tidiane Kandé, journaliste investi sur la liste des suppléants de la coalition ''Jam Ak Jerign'' dans le département de Rufisque, si « le journalisme alimente le débat public et informe les décideurs, l'engagement politique transforme ces discussions en actions directes pour le bien du pays. Les deux sont nécessaires pour un fonctionnement démocratique sain ». En ce sens, Mamoudou Ibra Kane, ex-directeur général du Groupe E média, par ailleurs, président du mouvement ''Demain c’est maintenant'' membre de la coalition ''Jam ak Jerign'' estime « l'expérience professionnelle doit servir celui ou celle qui décide de s'engager en politique ».
Et les règles de déontologie dans tout ça
Selon Cheikh Tidiane Kandé, « l'engagement en politique peut enrichir le travail journalistique, tant qu'il est pratiqué avec prudence ». Cependant, le journaliste peut-il rester impartial et crédible dans l’exercice de son métier avec ses convictions politiques ? La réponse est affirmative pour Dié Maty Fall, militante du Parti socialiste (PS) et candidate aux législatives de la coalition ''Jam ak Jerign'' dans le département de Dakar. L’essentiel pour celle qui a fait valoir ses droits à la retraite au quotidien national Le Soleil est que le journaliste « reste intègre et qu’il ait de la déontologie et de l'éthique dans l'exercice de son métier. Son engagement politique ne doit pas refléter sur son travail en tant que journaliste. Et je pense que les lecteurs eux-mêmes sont les premiers juges de ça. Et avant les lecteurs, ce sont d'abord vos confrères et consœurs qui sont juges de ça. Moi, j'ai toujours exercé mon activité professionnelle et j'ai toujours voté pour le parti socialiste. Ça n'a jamais posé de problème. Quand j'écris un papier, je l'écris à l'usage de l'intérêt public, je n'écris pas un papier pour être partisan du parti pour lequel je vote ».
La charte des journalistes du Sénégal, le code de déontologie des journalistes sénégalais invite ces derniers en son point 15 « d’éviter les situations de conflits d'inte?re?ts ou d'apparence de conflits d'intérêt, en se mettant ou en semblant se mettre, avec ou sans avantages personnels, au service d'intérêts particuliers ».
Ainsi, certains professionnels préfèrent quitter les rédactions avant de dévoiler leur appartenance politique. « Dans notre pays, on fait la politique de telle sorte qu’on est obligé de se dévoiler, observe Mariam Selly Kane. Pourtant, dès qu’on se dévoile totalement, les gens ont tendance à ne plus vous faire confiance. Même si vous traitez l’information de façon objective, les lecteurs vont toujours penser qu’il y a un prisme politique derrière et ils vont vous voir comme une personne colorée. Et cela fait du mal à la crédibilité journalistique c’est pour ça qu’il vaut mieux tout au long de la carrière journalistique être équilibré. Quand j’ai voulu m’engager en politique j’ai pris une année sabbatique pour le faire ».
Mamoudou Ibra Kane de rajouter : « Quand j'ai décidé de m'engager, non seulement je me suis déchargé de mes fonctions de directeur général du groupe E média, mais en plus de cela, j'ai arrêté toutes les émissions que je présentais. Parce que j'ai estimé que du point de vue du respect des règles de déontologie et d'éthique, du métier, que je ne pouvais pas continuer à exercer le métier que j'ai choisi par amour, par passion ».
2 Commentaires
Demsav
il y a 50 minutes (11:51 AM)Participer à la Discussion