
Alors que le président Macky Sall va s’adresser aux Sénégalais ce soir à 19 h 30 (en direct sur Seneweb TV), la pression diplomatique monte au niveau de la communauté internationale qui espère ne pas voir le Sénégal plonger dans une impasse politique et institutionnelle.
En effet, plusieurs sources diplomatiques, contactées par « Jeune Afrique » ont affirmé attendre une décision du chef de l’État d’ici à la fin de la semaine, avant le prochain Sommet extraordinaire de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui se tiendra le 24 février à Abuja, auquel Macky Sall sera présent.
« La situation au Sénégal nous préoccupe au plus haut point », a déclaré le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, le 17 février à Addis-Abeba, appelant le pays « à retrouver sa sagesse ». Au sein de la CEDEAO, le président de la commission, Omar Alieu Touray, ne fait pas mystère de sa volonté d’adopter une position ferme face au report, soutenu par le Ghana et le Nigeria. Seul le président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embaló, très proche de Macky Sall, s’est fendu d’une déclaration publique pour manifester son soutien à son voisin.
Certains diplomates estiment, à ce titre, que l’annulation de la visite à Dakar du président nigérian, Bola Tinubu, le 12 février, était un message envoyé à Macky Sall, rappelle le journal panafricain.
À noter, également, qu’après un premier communiqué au ton conciliant, dans lequel elle « prenait note » du report du scrutin, la CEDEAO a durci le ton après le vote à l’Assemblée nationale d’une loi fixant l’élection au 15 décembre, texte finalement annulé par le Conseil constitutionnel. Le 7 février, l’organisation sous-régionale poussait le président à « rétablir le calendrier électoral » et "lui [déconseillait] toute action ou déclaration qui pourrait aller à l’encontre de la Constitution ».
Au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel, la CEDEAO a pressé « les parties prenantes » de « respecter la décision du Conseil » et à organiser le scrutin « dans les meilleurs délais ». « Le président Macky Sall a réaffirmé son attachement aux institutions. Je suis certain qu’il agira en conséquence », a prévenu Omar Alieu Touray dans les colonnes de "Jeune Afrique".
Pour ce qui est de la France, elle a aussi rendu public un communiqué invitant Macky Sall à respecter la décision des « Sept Sages ». Une manière de réaffirmer la fermeté de sa position, qui avait été critiquée après l’intervention du ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Interrogé lors d’une session de questions au gouvernement, le ministre avait été sommé de « clarifier » la position de Paris quant à un glissement du calendrier électoral. Il avait alors simplement appelé les autorités à organiser « l’élection présidentielle le plus rapidement possible, conformément à la Constitution ».
«Il n’est pas trop tard pour qu’il puisse sortir par la grande porte »
Paris a donc profité de l’invalidation du report pour répondre à ces critiques – un message destiné à l’opinion plus qu’aux autorités sénégalaises, d’après toujours une source diplomatique.
Mais selon des informations obtenues par « JA », le président français Emmanuel Macron s’est également entretenu à deux reprises avec Macky Sall, avant et après le vote de la loi de report à l’Assemblée nationale.
Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a lui aussi appelé le président sénégalais, le 13 février, pour lui faire part de ses « graves préoccupations » concernant la situation politique et « l’exhorter à rétablir le calendrier électoral ». Les États-Unis ont été particulièrement fermes dès le début de la crise politique, n’hésitant pas à qualifier « d’illégitime » le vote de la loi à l’Assemblée, qui s’était déroulé en l’absence de l’opposition. « Les États-Unis adoptent une ligne qui place le respect de la démocratie au-dessus de la simple question de la légalité, confie un diplomate occidental. C’est un principe sacro-saint pour eux, qui explique qu’ils ont une position plus ferme publiquement. »
Au niveau européen, les différentes représentations diplomatiques partagent la même inquiétude quant à la volatilité du contexte politique et aux atteintes portées à l’exercice démocratique dans l’espace public, rappelle, en effet, « Jeune Afrique », qui écrit que l’Union européenne (UE) a ainsi évolué dans la gradation de ses déclarations, signées par la porte-parole de la délégation, puis par le haut représentant de l’UE au Sénégal, et enfin par les 27 pays membres de l’organisation. Une évolution qui révèle clairement « un sentiment d’urgence et d’importance », selon une source européenne à Dakar. La volatilité du contexte inquiète les investisseurs étrangers, privés comme publics, qui s’en sont ouverts à leurs représentations diplomatiques.
Les diplomates pourraient bientôt être confrontés à des interrogations quant au choix de leur interlocuteur. Comment réagiront-ils si Macky Sall se maintient au pouvoir après la fin de son mandat ? Une question qu’ils préfèrent ne pas se poser pour l’instant. « Nous risquons de préférer une approche pragmatique », glisse l’un d’entre eux, soit continuer à discuter avec Macky Sall.
« Nous comptons tous sur Macky Sall pour prendre la bonne décision. Il n’est pas trop tard pour qu’il puisse sortir par la grande porte. Personne n’a intérêt à ce qu’il se sente coincé », soutient un diplomate occidental.
Rappelons que le président Sall a affirmé, à maintes reprises, qu’il ne comptait pas rallonger la durée de son mandat, une situation qui n’est d’ailleurs pas prévue par la Constitution. « Nous comptons tous sur lui pour prendre la bonne décision. Il n’est pas trop tard pour qu’il puisse sortir par la grande porte. Personne n’a intérêt à ce qu’il se sente coincé », a insisté le diplomate cité précédemment par « JA ».
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