L’élection présidentielle du 25 février 2024, à laquelle le chef de l’État sortant ne prendra pas part, est partie pour battre le record du nombre de candidats à la candidature. Plus de 200 Sénégalais se sont déjà signalés au niveau de la Direction générale des Élections (DGE), suscitant ainsi de vives interrogations. Mais selon des enseignants-chercheurs au Département de science politique de l’université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, cela prouve que la démocratie sénégalaise est mature. « Non, au contraire, la pléthore de candidats à la candidature est un signe de maturité démocratique », ont-ils écrit dans une tribune que nous vous proposons in extenso.
Au lundi 2 octobre 2023, 190 candidats à la candidature aux élections présidentielles de 2024 s’étaient déclarés. Six jours plus tard, la liste dépasse les 200 candidats….
Dans les médias, dans l’opinion publique et chez une certaine catégorie d’hommes politiques qui s’étaient attribué la légitimité d’être toujours les candidats à élire, cette pléthore de candidatures apparaissait selon eux comme une « insulte », « un manque de respect », « un manque de sérieux et de crédibilité », « une mauvaise image du Sénégal à l’étranger », « une démocratie sénégalaise régressive »…
Ces différentes positions sur la pléthore de candidatures expriment une double réalité qu'il faut analyser. D'une part, sur le plan symbolique, elles relaient un imaginaire social fécond (Castoriadis) sur le caractère élitiste de la démocratie électorale, théorisé depuis longtemps en sociologie politique (Pareto, Mosca, Aron, Roberto Michels…). L'élection présidentielle serait ainsi la rencontre entre des "grands hommes" qui se distinguent par des qualités exceptionnelles et un peuple désireux de se trouver un nouveau "Messi". Elle nourrit une croyance populaire forte au "leadership de recomposition" (Philippe Braud).
D'autre part, sur un plan matériel, les critiques sur la pléthore de candidatures se fondent sur l'exigence de la logistique électorale. Le vote, élément de matérialisation de l'élection, est avant tout un dispositif technique (isoloirs, encre, bulletins, administration…) et un enchaînement d'opérations (contrôle d'identité, vote, émargements…) inscrit dans le temps (durée légale du vote 10H) et dans l'espace (centres et bureaux de vote qui ne peuvent accueillir qu'un nombre limité de personnes). Ce sont là autant de contraintes techniques qui ne s'accommodent pas d'une pléthore de candidatures.
Néanmoins, dans une perspective heuristique et dans une approche néo-institutionnaliste (Surel, Palier, Guèye), cette multitude de candidatures traduit une vitalité et un signe de maturité de la démocratie sénégalaise.
Provenant du grec ancien « demos » qui signifie « peuple » et de « kratos » qui signifie pouvoir, il n’y a pas de régime aujourd’hui plus répandu que la démocratie. Cependant, de la Grèce antique à nos jours, la notion a connu bien des évolutions. Elle trouve son origine à Athènes sous le vocable de démocratie directe entre les années 600 et 400 avant Jésus Christ : l’assemblée de la ville réunissait les cinq à six mille citoyens quarante fois par an environ pour voter directement les lois, les déclarations de guerre et leur mobilisation, car l’armée athénienne était constituée de citoyens[1]. Les avantages de ce régime résidaient dans l’expression de la volonté des majorités puisque les décisions étaient prises et appliquées au sein du peuple, par le peuple et pour le peuple. Les représentants étaient tirés au sort et tous les citoyens avaient la chance d’être membres de l’Assemblée.
Cependant, si l’expérience d’Athènes s’entend comme un système de gouvernement direct, celui-ci n’est pourtant le fait que d’une minorité d’habitants, la Cité n’ayant jamais compté plus de 40 000 citoyens sur 400 000 résidents. (…). John Stuart Mill jugeait ainsi que « dans une communauté qui dépasse les bornes d’une petite ville, chacun ne peut participer personnellement qu’à une très petite portion des affaires publiques, le type idéal d’un gouvernement parfait ne peut être que le type représentatif » [2]. D’où l’émergence de la démocratie représentative.
Il est important de faire ce rappel historique aux hommes politiques, car leur représentativité n’est liée qu’aux contraintes pour les citoyens de se représenter eux-mêmes. La démocratie représentative est une démocratie par défaut liée aux difficultés logistiques de la démocratie directe.
Malheureusement, aujourd’hui, la représentation apparaît comme l’essence même de la démocratie dans les États-nations modernes et les hommes politiques qui n’ont de sens que dans une démocratie représentative ont tendance à voir la démocratie directe comme antidémocratique. Ils ont tendance à se représenter et à oublier que leur légitimité n’a de sens que si elle est portée par le peuple.
Le parrainage apparaît ainsi comme une manifestation de cette volonté populaire. Il faut rappeler que conformément aux dispositions du code électoral, les partis et coalitions de partis doivent recueillir un soutien suffisant du grand public pour passer l'étape du parrainage. C’est la loi constitutionnelle n°2018-14 du 11 mai 2018 portant révision de la Constitution qui a instauré le système de parrainage du candidat a? l’élection présidentielle par des électeurs. Pour être recevable, toute candidature doit être accompagnée de la signature d’électeurs représentant, au minimum 0,8% et, au maximum 1% du fichier électoral général. En outre, l’article 29 de la Constitution exige que ces électeurs soient domiciliés dans au moins sept régions, a? raison de 200 électeurs au moins par région.
Cependant, de fortes contestations nationale et régionale du système de parrainage ont conduit à son assouplissement. Les conclusions du dialogue politique organisé en août 2023 ont permis de revoir le seuil de 0,8 % à la baisse. Désormais les candidats doivent avoir le soutien de 0,6 % d’électeurs inscrits sur le fichier électoral, de treize députés ou de 120 maires et présidents de conseil départemental.
Au 31 juillet 2022, la taille du fichier électoral était de 7,036,466. En 2023, il faut au minimum 44,231 électeurs pour parrainer un candidat. Ainsi, si tous les électeurs participaient aux parrainages (sans les doublons), il serait possible d’avoir 159,08 candidats aux élections présidentielles. Heureusement, le filtre du parrainage aidant ainsi que les abstentions, ce nombre ne peut logiquement pas être atteint.
Qu’à cela ne tienne, la question n’est pas le nombre de candidats, mais la représentativité c’est-à-dire la prise en compte et le portage des préoccupations des Sénégalais par les candidats. Ainsi, plus il y a de candidats, plus la diversité des préoccupations des Sénégalais est prise en compte, et plus la démocratie sénégalaise se porte mieux. En outre, l’essence de la démocratie étant l’inclusion; de ce point de vue, on ne peut comprendre la demande qui consiste à exclure telle ou telle personnalité politique de la course à l’élection présidentielle de 25 février 2024.
Néanmoins, et là nous donnons raison aux critiques de cette pléthore de candidats, qui représente les 190 candidats ? Quels sont les niveaux de prise en compte et d’écoute des préoccupations des Sénégalais ? Que propose-t-il aux électeurs pour solliciter leurs parrainages ? Qui sont-ils ? Quels sont leurs projets de société ? Comment pensent-ils résoudre les problèmes auxquels les Sénégalais sont confrontés ? C’est là où est le vrai débat et c’est là où la pléthore de candidats à la candidature aurait un sens au regard de la démocratie sénégalaise.
Paradoxalement, cette volonté de « rationaliser » les candidatures a eu « l’effet pervers » d’accentuer de manière exponentielle le nombre de candidats à la candidature. D’ailleurs, cette situation justifie le questionnement sur l’impact de ce système dans la démocratie sénégalaise. En effet, que nous renseigne cette multiplicité de candidature sur l’état de la démocratie sénégalaise ? Révèle-t-elle une vitalité démocratique ? Ou traduit-elle un multipartisme de façade ? Cette pluralité de candidatures reflète-t-elle la configuration sociologique du pays en termes de clivages ? Mieux, cette volonté de filtrer les candidatures avec l’institution d’un parrainage citoyen est-il conforme à l’esprit démocratique ?
Les universitaires que nous sommes avons cette responsabilité sociétale aux yeux du peuple de l’aider à choisir et à bien choisir…
C’est dans ce cadre qu’un colloque est prévu en novembre à l’Université Gaston Berger pour évaluer les candidats selon des critères objectifs : Sexe, âge, parcours, profession, mais aussi des critères subjectifs : appartenance politique / société civile, lien avec le pouvoir et l’opposition, membre de lobbys (religieux, médias, monde des affaires, étranger…), idéologie, valeur, programmes. Les résultats de cette rencontre seront partagés avec les populations.
Auteurs : Elhadji Mamadou Mbaye, Alassane Ndao, Alassane Bèye, Elhadji Bouré Diouf, Mame Adama Sarr,
Département de science Politique, UFR Sciences juridiques et politiques, Université Gaston Berger de Saint-Louis
33 Commentaires
Karim$
En Octobre, 2023 (13:42 PM)Eux Vs Eux
En Octobre, 2023 (14:57 PM)Reply_author
En Octobre, 2023 (02:08 AM)La promotion canapé dans ce pays de merde est extrêmement répandue. Sans oublier le salolard du pouvoir qui a fait une sextape dans des bureaux de l'état payés par toi et les tiens.
Reply_author
En Octobre, 2023 (03:16 AM)Vous êtes pathétiques. Sonko est juste un populiste, un politichien immature et manipulateur doublé d'un pervers sexuel. Il a collaboré avec des terroristes pour créer un chaos indescriptible dans notre pays. Il est le seul leader politique qui utilise des termes comme : " Gatsa Gatsa, Mortal Kombat, Thiooki Final, désobéissance civile et chaos indescriptible" pour accéder au pouvoir.
Il ne sera pas candidat, il n'a pas sa place parmi ceux qui peuvent diriger notre pays.
Reply_author
En Octobre, 2023 (03:23 AM)Joli
En Octobre, 2023 (13:57 PM)Reply_author
En Octobre, 2023 (19:34 PM)Sinon oussoi Ndour Book deh pour répondre à l'autre lutteur qui termine tjrs ces post par Sonko day Book.
Bayilen s'en xeel yi Guen Di foyé
Indiscipline Politique
En Octobre, 2023 (14:20 PM)Lebaolbaol Tigui
En Octobre, 2023 (14:25 PM)Ass
En Octobre, 2023 (14:34 PM)Reply_author
En Octobre, 2023 (15:22 PM)Doux
En Octobre, 2023 (14:49 PM)Si seulement la plethor de candidature pourrait représenter les demandes multiples des sénégalais en matière de gouvernance et de politiques publiques. Toutefois il semblerait que beaucoup d'entre eux soient motivé par des ambitions encore méconnues des Sénégalais
Mohamed Ghaly Kane
En Octobre, 2023 (15:14 PM)De l'Amérique à l'Europe en passant par quelques pays africains (Egypte, Nigeria Ghana côte d'ivoire) on a jamais eu plus de 10 candidats à la présidentielle. Tous ces pays sont plus peuplés que le Sénégal.
Ce qui se passe au Sénégal ces deux dernières années, c'est une dévalorisation de la fonction présidentielle. Les Candidats qui y vont ne mesurent la fonction de président.
A chacun son commentaire
Julio
En Octobre, 2023 (15:22 PM)Gnij Gnij
En Octobre, 2023 (15:59 PM)Aux États-Unis, il ya plus de Maturité démocratique et pourtant il n'y a pas cette floraison de partis...
Analyse juste superficielle!!!
Panafric
En Octobre, 2023 (17:38 PM)Ismaila
En Octobre, 2023 (18:11 PM)Je crois qu'il faut être sérieux et rigoureux en matière d'analyse de faits politiques. Cette façon de poser et d'engager la réflexion témoigne d'une très immaturité intellectuelle et d'une ignorance de la vie politique senegalaise.
donc là on a des joueurs de pari sportif qui attendent !!
Moise
En Octobre, 2023 (20:09 PM)Mais aujourd'hui c'est le gardien de la république qui n'a plus de valeur et c'est la seule raison que nous avons plus de 10 personnes.
Anonyme
En Octobre, 2023 (20:22 PM)....il faut ajouter cette impression très bien partagée dans le pays que le pouvoir est à la fois impunément pour ses porteurs et sympathisants et foncièrement hostile à ses opposants.
Ce sentiment d'injustice peut inciter beaucoup de personnes à chercher à incarner le pouvoir pour corriger cet injustice ou alors malheureusement pour en profiter.
Aussi, Il ne faut pas exclure des raisons qui expliquent cette situation cet or noir qui va être exploité a cause les envies qu'il suscite au delà même de notre pays de la part d'autres états et multinationaux du pétrole et du gaz qui peuvent avoir leur candidats.
Mor
En Octobre, 2023 (21:11 PM)Soigneur De Fous
En Octobre, 2023 (23:10 PM)C'est vraiment un torchon!!!
Un tissu de ....
........et dans cet esprit , ce que l'on vit dans ce pays depuis quelques annéés est encore loin d'une maturité
M.m.nd
En Octobre, 2023 (13:16 PM)Du temps de la Grece Antique, la notion de corruption, n'existait pas.
Par ailieurs, les candidats à une election etaient passes au crible, par une assemblee de sage...
Au Senegal, l'habit a toujours fait le Moine....
Le Peuple senegalais meritera, le President qu'il aura elu....EXIT
La presidentielle Senegalaise , est devenue, rien moins qu'une societe de Mbottaye et de Mbottus... Pas plus
Haro !!!!!sur cette Republique en decadence......!
Zé
En Octobre, 2023 (21:58 PM)Mais tout ce bordel donne raison au système de parrainage.
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