Une « atteinte grave à l'indépendance de la justice et à la dignité du magistrat ». La condamnation est sans appel. L’Union des magistrats du Sénégal (UMS) a vigoureusement protesté contre l’autorité judiciaire qui a décidé de sanctionner le président du tribunal départemental de Podor en l’occurrence Ngor Diop qui a fait condamner un chef religieux.
Une décision qui lui a valu d’être affecté à la Cour d'appel de Thiès en qualité de conseiller, par la procédure de consultation à domicile prévue par l’article 6 de la loi n° 2017-11 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature.
Mais pour l’UMS, « l’affectation du M. Ngor Diop n’aurait jamais dû intervenir par cette voie. Par ailleurs, aux termes de l’article 6 du statut des magistrats, « En dehors des sanctions disciplinaires du premier degré, ils ne peuvent recevoir une affectation nouvelle, même par voie d’avancement, sans leur consentement préalable, sous réserve des dispositions des articles 90 et suivants de la présente loi organique. Toutefois, lorsque les nécessités du service l’exigent, les magistrats du siège peuvent être provisoirement déplacés par l’autorité de nomination, après avis conforme et motivé du Conseil supérieur de la Magistrature spécifiant lesdites nécessités de service ainsi que la durée du déplacement », relève l’UMS dans un communiqué reçu.
Qui précise : « sous réserve du cas de nécessités de service clairement spécifiées, tout magistrat du siège doit donner son consentement préalable pour pouvoir être déplacé. N’ayant pas été consulté, M. Diop ne pouvait être affecté qu’à la condition que les nécessités de services aient été dûment spécifiées, ce qui, en l'espèce, n'a pas été le cas. D'ailleurs, comment prétendre justifier par des nécessités de service l'affectation de ce magistrat à la Cour d’appel de Thiès alors qu’il est remplacé par un membre de cette même Cour ? ».
L’UMS, dans le même document rejette aussi bien le fond que la forme de cette décision. Elle rappelle que quelques semaines avant le déclenchement de cette procédure de consultation à domicile, le président Ngor Diop avait placé sous mandat de dépôt un dignitaire religieux poursuivi pour des faits répétés et reconnus de dévastation de récolte, menaces et voies de fait. Malgré de multiples interventions, il a refusé de libérer le prévenu qui a finalement écopé d’une peine de sursis à l'issue de son audience. « Dès lors, la proposition d’affectation, intervenue juste après, n'est, en définitive, qu’une mesure de représailles prise contre un magistrat qui a entendu agir conformément à son serment, en toute indépendance. Ceci nous paraît inacceptable ! », condamnent Souleymane Téliko et Cie.
L'UMS dénonce un recul et des acquis remis en cause. « A la suite de l'usage abusif de la procédure de consultation à domicile à la laquelle on a assisté par le passé, les engagements de l'ancien Garde des Sceaux, M. Ismael Madior Fall, et la pratique du CSM nous avaient fait penser que le respect de la lettre et de l'esprit de cette procédure était devenu un acquis. Nous sommes désolés de constater que sur ce point, un recul est en train de se dessiner, au grand dam des magistrats. L’affectation de M. Ngor Diop, qui n'a même pas comptabilisé deux ans à son poste de président de juridiction pour avoir été nommé en novembre 2018, constitue l'illustration parfaite de la précarité tant décriée, du statut du magistrat dans notre pays. Le Bureau exécutif de l’UMS apporte tout son soutien au collègue Ngor Diop, connu pour sa rigueur et sa haute conscience professionnelle. D'ores et déjà, il condamne fermement ce procédé, qui constitue une atteinte grave à l'indépendance de la justice et à la dignité du magistrat et, en accord avec l'intéressé, a pris la décision ferme de saisir la juridiction compétente pour solliciter l'annulation pure et simple de ce décret illégal ».
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