La mort subite du Premier ministre ivoirien, Amadou Gon Coulibaly, replonge déjà le pays dans une nouvelle ère d’incertitude quant à une éventuelle et risquée troisième candidature du chef de l’État sortant, Alassane Dramane Ouattara. En effet, il n’aura fallu que quelques petites heures de deuil national pour que des «dinosaures», notamment proches du leader du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) réveillent les vieux démons en se livrant à des manœuvres obscures, mais décidément très fréquentes, en Afrique: «Rester au pouvoir à tout prix».
En attendant de "faire le deuil", la presse locale rapporte qu’ADO, 78 ans, est déjà invité à «reprendre les choses en main» pour briguer, à nouveau, les suffrages des Ivoiriens lors des prochaines échéances prévues, sauf report de dernière minute, en fin octobre 2020. Le dauphin est mort, vive le papy!
Le successeur de Laurent Gbagbo, qui n’a pas encore livré sa version officielle, est tout de même confronté à un dilemme cornélien: Doit-il respecter sa parole donnée et choisir un bon profil capable de maintenir le pouvoir entre les mains des "Houphouëtistes" ou revenir au-devant de la scène en vue de faire face à la montée en puissance de ses redoutables adversaires politiques?
«Tout au long de ma carrière, j’ai toujours accordé une importance particulière au respect de mes engagements. En conséquence, j’ai décidé de ne pas être candidat en 2020», insistait en tout cas Alassane Ouattara, lors d’un discours devant les 352 parlementaires réunis en Congrès, en début mars, à Yamoussoukro.
«J’estime que c’est mieux que tous ceux de ma génération décident par eux-mêmes de ne pas être candidats», ajoutait-il faisant ainsi allusion à Gbagbo (85 ans) et à Henri Konan Bédié (86 ans). Sans les citer, il dira devant le parlement ivoirien: «S’ils décident de l’être, compte-tenu de leur bilan, de leur incapacité à gérer la Côte d’Ivoire, je trouverai une autre solution, y compris celle de continuer». En plus clair, Ouattara pourrait être candidat ses «ainés» ne prenaient pas leur retraite comme lui.
Ce qui laisse croire que ce fait naturel, survenu le 8 juillet aura inéluctablement imposé une reconfiguration du jeu politique en Côte d’Ivoire ramenant ainsi Ouattara à la case de départ, c’est-à-dire, à un stade bien comparable à celui où se trouve actuellement son «ami et jeune frère» Macky Sall.
Le président sénégalais, qui écarte toute idée de dauphinat dans son camp politique, s’accroche toujours à son critiquable, mais très prudent "ni oui, ni non". Ce, même si à la lumière de l’article 27 de la constitution, -révisée en 2016-, il est clair que «la durée du mandat du président de la République est de cinq ans» et que «nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs».
Toutefois, vu les différentes interprétations qu’elles ont déjà suscitées, il semble également que ces dispositions constitutionnelles, 10 ans après le regrettable épisode de 2011-2012, laissent entrevoir toutes les possibilités... politiques. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, malgré les déclarations de Macky Sall, maintes fois répétées d’ailleurs, précisant qu’il ne ferait pas plus deux mandats, certains Sénégalais, qui doutent toujours de la parole politicienne, l’invitent à lever le suspense.
Seulement, il faut le signaler, à la seule différence avec le cas Ouattara, le leader de l’Alliance pour la République (Apr), -fortement miné par des brouilles internes (notamment affaire Moustapha Cissé Lô, entre autres)-, n’a pas encore, jusque-là, désigné son «héritier» malgré la forte pression de l’opposition, de la société civile et même des membres de son parti.
Lors de leur entrevue, mardi prochain à Abidjan, les présidents sénégalais et ivoirien, bien qu’ils soient émus par le décès du Pm AGC, devraient probablement aborder cette question purement politique. Pour épargner leurs pays respectifs d’une nouvelle crise politico-institutionnelle.
Comme c’est le cas en Guinée de Sékou Touré qui est secouée par cette même incertitude politique, depuis plusieurs mois. Ce pays reste, aujourd’hui, en sursis, après avoir enterré son dizaine de morts, enregistrés lors de violents affrontements contre le tripatouillage de la charte fondamentale par le professeur Alpha Condé élu en 2010 et réélu en 2015.
Mais le nouveau texte, comme l’ancien, limite le nombre de mandats présidentiels à deux. Et l’opposition l’accuse de vouloir prendre prétexte de la nouvelle constitution pour remettre son compteur à zéro et chercher à se succéder fin 2020.
Quoi qu’il en soit, l’ancien opposant historique, devenu premier président démocratiquement élu après des décennies de régimes autoritaires, a soumis aux Guinéens, le 22 mars dernier, une proposition de constitution censée, selon lui, doter son pays d’une loi fondamentale «moderne» qui, par exemple, interdit la circoncision féminine et le mariage des mineurs.
Au Burkina Faso, c’est un autre scénario qui est en train de se dérouler: le président Koboré a déjà reçu, ce samedi 11 juillet, la bénédiction de son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (Mpp), pour tenter un second mandat lors de l’élection présidentielle de novembre prochain.
Ainsi, malgré son bilan mitigé et «souillé» par de grands soucis sécuritaires, le premier président élu en 2015 avec 53,49% des voix - après la période de transition post-Compaoré - devrait faire face à un nouveau challenge: Convaincre à nouveau ces hommes dits «intègres».
Un défi qui semble également préoccuper son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keita, qui a, lui, finalement fait un grand pas en arrière après les violentes manifestations du Mouvement du 5 Juin (M5) dirigé par l’imam Dicko. En effet, devant une «désobéissance civile», le chef de l’Etat a, dans une brève allocution télévisée, indiqué qu’il abrogerait les décrets de nomination des juges de la Cour constitutionnelle encore à leur poste. Ce qui revient, selon ses propres mots, à une «dissolution de fait».
IBK a aussi réitéré son offre de dialogue et assuré que le prochain gouvernement, en cours de constitution, serait «consensuel, composé de cadres républicains et patriotes et non de casseurs et de démolisseurs du pays».
Une nouvelle déclaration que beaucoup d'observateurs considèrent comme un début de sortie de crise politique dans ce pays déjà décimé par attaques terroristes.
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