Le président brésilien n'a pas encore pris de mesures fortes contre l'épidémie, qui touche 77 personnes.
Vulgarité et provocation : Jair Bolsonaro n'a pas dérogé à ses habitudes, vendredi 13 mars. Le président brésilien a déclaré à la mi-journée ne pas être atteint par le coronavirus. "NE CROYEZ PAS LES MEDIAS FAKE NEWS !", a -t-il posté sur les réseaux sociaux, joignant le geste aux mots, et publiant une photo de lui, prise en février, en train d'effectuer un bras d'honneur à des journalistes.
L'annonce met fin à une véritable novela de vingt-quatre heures. La rumeur selon laquelle le chef de l'Etat avait contracté le virus courait en effet depuis mercredi. Cela aurait été possible lors de sa visite en Floride, du 7 au 11 mars – où il a rencontré son homologue américain, Donald Trump : dans la journée, la présidence brésilienne annonçait en effet que Fabio Weingarten, chef du service de communication de M. Bolsonaro, lui aussi du voyage, avait été testé positif.
Affolement à l'Alvorada, la résidence présidentielle : le leader d'extrême droite, qui estimait jusqu'à alors que le coronavirus n'était qu'une "petite crise" propagée par "les grands médias", change son fusil d'épaule. Il effectue une prise de sang et apparaît à la télévision lors d'un discours et d'un live sur les réseaux sociaux pour expliquer sa politique face à la pandémie.
Dans le premier, Jair Bolsonaro apparaît malade : pâle, suant, l'air fiévreux. Dans le second, il porte un masque. "Nous devons éviter qu'il y ait une explosion des personnes infectées, parce que les hôpitaux ne seraient pas capables d'accueillir autant de gens", explique le président, devenu alarmiste, allant jusqu'à appeler ses partisans à reporter de grandes manifestations de soutien à sa politique, prévues pour le dimanche 15 mars.
Vendredi, le résultat se fait attendre. Et sur les réseaux sociaux, la rumeur enfle : le président serait bel et bien porteur du virus. En fin de matinée, plusieurs médias brésiliens et américains, dont Fox News, se basant sur un témoignage en "off" du fils du président, Eduardo, confirment l'information… avant d'être démentis, en seulement quelques minutes, par un Jair Bolsonaro ravi de porter un coup à la crédibilité d'une presse qu'il vomit et avec laquelle il est en conflit constant.
Manipulation
Que s'est-il donc passé ? Nombreux au sein des rédactions soupçonnent le président d'avoir manipulé la presse, intoxiquant les médias par son fils, et sciemment retardé la divulgation des résultats pour pousser les journalistes à la faute. Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois que M. Bolsonaro se livrerait à ce type de manipulation : en décembre, il avait ainsi laissé entendre à la presse qu'il pourrait être atteint d'un cancer de la peau, provoquant un vent de panique… avant de revenir sur ses paroles.
Quoi qu'il en soit, le Brésil est aujourd'hui à son tour touché par l'épidémie et compte 77 cas confirmés. La situation est particulièrement préoccupante à Sao Paulo, plus grande métropole d'Amérique du Sud, qui abrite l'une des plus importantes communautés italiennes du monde. Le premier malade brésilien (et le premier du sous-continent), détecté fin février, revenait d'Italie. Jeudi, l'indice Bovespa de la Bourse de Sao Paulo a chuté de 14,78 % : sa plus forte baisse en plus de deux décennies.
L'inquiétude commence donc à gagner le pays, mais aucune mesure forte n'a encore été prise au niveau national – ni sur les transports ou l'éducation –, à la différence des pays voisins. Le gouvernement entend débloquer 5 milliards de reais (940 millions d'euros) pour lutter contre la maladie et mobiliser 5 000 médecins supplémentaires. Autant de mesures jugées largement insuffisantes par les experts, dans un pays où le système de santé est en crise structurelle.
Après une période d'attentisme mou, le ministre de l'économie, Paulo Guedes, a certes annoncé qu'il présenterait sous quarante-huit heures un plan à la hauteur de la crise. Mais d'ores et déjà, les autorités locales prennent les devants.
Le gouverneur du Minas Gerais (sud-est) a déclaré l'état d'urgence. Celui de Rio de Janeiro a ordonné la fermeture de toutes les écoles publiques et privées, de même que celle des théâtres et des cinémas.
0 Commentaires
Participer à la Discussion