Au départ, c'est l'examen de la tumeur au microscope qui décide du traitement. Quand une récidive survient, c'est désormais l'analyse de ses gènes qui guide la thérapie. Une révolution.
Quand pourrai-je arrêter mon traitement, docteur ? Car je voudrais faire un bébé... »
La jeune femme qui pose cette question revient de loin. Atteinte d'un cancer rare qui avait entraîné de nombreuses métastases menaçant sa vie, elle vit aujourd'hui normalement grâce à la prise d'un médicament d'immunothérapie . Ce traitement qui stimule le système immunitaire a fait disparaître ses métastases et la protège depuis. Chanceuse ? Sans aucun doute, car cette nouvelle classe d'anticancéreux n'est efficace que chez 20 % des malades. Mais elle peut avoir une efficacité dans de nombreux cancers (mélanomes, rein, poumon, vessie).
« Les tumeurs dans lesquelles cela marche le mieux sont celles dont les gènes se modifient beaucoup (parfois 150 mutations) et qui sont provoquées par des toxiques », souligne le Dr Olivier Mir, oncologue.
Pas étonnant que les meilleurs résultats soient obtenus dans les mélanomes de la peau, causés par le soleil, et le cancer de la vessie, dû au tabac . Pour d'autres cancers, comme ceux du poumon ou du rein, les tests moléculaires permettent aussi la recherche de mutations de gènes (ALK, MET...) pour lesquelles on dispose de parade : ces traitements ciblés ne peuvent d'ailleurs être prescrits qu'après un résultat positif du test, prouvant l'existence de l'anomalie. Plusieurs traitements de ce type améliorent aujourd'hui la survie de cancers avancés du poumon et du rein. Ces tests moléculaires sont aussi utiles pour suivre l'efficacité des traitements. Ils permettent notamment de repérer tôt l'apparition de résistance. Les cellules cancéreuses se protégeant en modifiant leurs gènes, cela indique au médecin qu'il faut changer le traitement ou en associer un autre.
De nombreux hôpitaux sont déjà équipés
Ces analyses moléculaires nécessitent des plateaux techniques sophistiqués dont nous avons la chance de pouvoir bénéficier en France : 28 ont été organisés par l'INCa (Institut national du cancer). Les cancérologues peuvent y envoyer le sang ou un prélèvement de la tumeur du patient pour décider du meilleur traitement. Prochaine étape : mieux cibler les malades susceptibles de tirer parti des traitements d'immunothérapie, mieux tolérés que la chimiothérapie , mais pouvant aller trop loin et déclencher des maladies auto-immunes (les défenses immunitaires s'attaquent à l'organisme ).
Le travail est énorme mais chaque année voit arriver de nouvelles combinaisons de traitements qui changent la donne pour de nombreux malades. « À tel point que certains prédisent qu'en 2050, on mourra davantage d'infections que de cancers », conclut le Pr Jean-Yves Blay.
Une banque de données internationale
À l'occasion du dernier congrès mondial de cancérologie (Asco), Joe Biden, vice-président des États-Unis, a encouragé les cliniciens et chercheurs du monde entier à unir leurs efforts. Une grande banque de données (The Cancer Genome Atlas Research Network) rassemblant les anomalies génétiques des tumeurs est en construction. La France y participe activement.
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